Entretien - Dennis Carroll, immunologiste : “L’épidémie actuelle était prévisible”
NAUTILUS (NEW YORK)
Notre démographie galopante, nos incursions dans des écosystèmes jusque-là préservés et nos habitudes de consommation composent un cocktail parfait pour l’apparition de zoonoses et l’émergence de nouvelles pandémies, alerte ce chercheur en biologie médicale dans un entretien accordé à Nautilus.
Dennis Carroll ne veut pas avoir l’air trop brutal quand il dit que l’épidémie de coronavirus était prévisible. Au contraire, il comprend parfaitement qu’on puisse avoir peur de la maladie. Tout autour du monde, il a vu des gens atteints de tels virus. Carroll a surtout l’air de savoir de quoi il parle.
Depuis plusieurs décennies, il met en garde contre la menace des zoonoses, la transmission d’agents pathogènes des animaux à l’homme. Les scientifiques sont convaincus que l’épidémie actuelle, apparue à Wuhan, en Chine, venait d’un virus propre aux chauves-souris. En 2009, après plusieurs années à étudier les maladies infectieuses aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), ainsi qu’à l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), Carroll a mis sur pied un programme Usaid nommé “Predict”, qui menait un travail novateur sur les virus présents chez les animaux du monde entier et qui pourraient un jour nous contaminer.
“Dennis est un visionnaire, assure Christine K. Johnson, épidémiologiste au One Health Institute (université de Californie à Davis), où elle est professeure à l’école de médecine vétérinaire. Il a hérité d’une démarche fondée sur la réaction aux maladies infectieuses, et il en a pris le contre-pied. Il a dit : ‘Nous allons anticiper pour aider les différents pays à se préparer à l’émergence des maladies infectieuses’”.
Dennis Carroll (photo). Johnson, qui a été chercheuse au sein de Predict pendant dix ans, affirme que Carroll a fait œuvre de pionnier en ne se contentant plus d’examiner seulement le bétail. “Dennis a compris que les nouvelles maladies infectieuses, un peu partout dans le monde, venaient principalement des espèces sauvages, et qu’il fallait donc investir dans la recherche sur ces espèces.” Pendant dix ans, Predict a bénéficié d’un financement fédéral annuel variant entre 15 et 20 millions de dollars. En 2019, son enveloppe a été supprimée. Carroll a quitté l’Usaid et lancé un nouveau programme, le Global Virome Project, afin, dit-il, d’“exploiter les découvertes et l’expérience de Predict”.
Lors de cet entretien, Carroll, qui parle de sa propre expérience, répond parfois avec causticité, qu’il parle de la biologie des virus ou du manque de réactivité de la Maison-Blanche à l’épidémie. Je commence par lui demander quelles sont les origines de ce fléau.
NAUTILUS. Comment l’actuel coronavirus est-il passé d’une chauve-souris à l’homme ?
DENNIS CARROLL. Nous ne savons pas précisément, mais le virus était sans doute présent dans un animal sur un marché, où il y a eu des contacts répétés. Il est possible aussi que des gens aient directement manipulé l’animal. Il peut également y avoir eu un hôte intermédiaire [les soupçons se portent sur le pangolin]. En 2002, lors de l’épidémie de Sras en Chine, la source de l’infection ne nous est pas apparue comme étant l’exposition directe à des chauves-souris. Il y avait un hôte intermédiaire, la civette.
En 2018, vous et vos collaborateurs écriviez dans Science : “Notre capacité à contenir l’apparition des maladies est compromise par notre mauvaise compréhension de la diversité et de l’écologie des menaces virales.” Que devons-nous faire pour comprendre la diversité et l’écologie de ces menaces virales ?
La première chose à comprendre, c’est que les menaces auxquelles nous allons être confrontés à l’avenir, quelles qu’elles soient, existent déjà : elles circulent parmi les animaux sauvages. On pourrait comparer cela à une matière noire virale. Une importante population de virus circule, et nous n’en découvrons l’existence que lorsque la transmission franchit la barrière des espèces et que certaines personnes tombent malades.
Y a-t-il un risque particulièrement élevé de transmission de la chauve-souris à l’homme ?
Absolument. Nous avons pu identifier les chauves-souris comme réservoirs du coronavirus, et nous avons répertorié certaines populations spécifiques de chauves-souris comme étant des réservoirs du virus Ebola. Nous voudrions maintenant comprendre comment chacune de ces espèces de chauves-souris agit au sein de son écosystème. Ont-elles certains comportements et pratiques qui les maintiennent soit éloignées, soit en contact avec les populations humaines ? La population de chauves-souris au sein de laquelle nous avons isolé le virus Ebola en Afrique de l’Ouest était une espèce qui a elle aussi tendance à se percher dans les habitations, ce qui accroît les possibilités de transmission à l’homme.
Y a-t-il eu des perturbations de leur environnement qui auraient obligé les chauves-souris à se rapprocher de nous ?
Nous sommes à 100 % à l’origine de ces perturbations. Nous avons pénétré encore plus avant dans des écosystèmes que nous n’occupions pas auparavant.
Avez-vous un exemple parlant de telles invasions ?
En Afrique, on constate de nombreuses incursions qui sont motivées par les forages pétroliers ou l’extraction minière, dans des zones qui n’abritaient autrefois que de faibles populations humaines. Le problème n’est pas tant lié à l’arrivée de travailleurs et à l’implantation de chantiers dans ces zones qu’à la construction des routes, qui permettent des mouvements de population encore plus importants. Les routes rendent possible également les déplacements d’animaux sauvages, parfois dans le cadre d’un commerce alimentaire, vers des agglomérations. Tous ces changements spectaculaires accroissent les risques de transmission des infections.
Les épisodes de contamination interespèces sont-ils plus fréquents qu’il y a cinquante ans ?
Oui. EcoHealth Alliance et d’autres ONG ont passé en revue toutes les épidémies déclarées depuis 1940. Elles en ont conclu avec une relative certitude que les cas de transmission interespèces sont deux à trois fois plus importants qu’il y a quarante ans. Et la hausse se poursuit. Elle s’explique par le fort accroissement de la population humaine et par notre expansion vers les zones abritant de la faune et de la flore sauvages. Le meilleur indicateur des épisodes de contamination interespèces est les changements dans l’utilisation du sol – davantage de terres vont à l’agriculture, et plus spécifiquement à la production de bétail.
Les virus qui se transmettent des animaux à l’homme ont-ils quelque chose de spécifique ?
On peut affirmer que les virus ne sont pas des organismes vivants. Ils sont constitués de couches de protéines renfermant un certain ADN ou ARN. Au-delà de cela, ils ne disposent d’aucun mécanisme pour vivre indépendamment. Ils doivent trouver un écosystème qui possède tous les mécanismes cellulaires indispensables à leur réplication. Ils ne peuvent pas vivre en dehors d’une population animale, ils ont besoin de cet animal pour se répliquer. Et nous sommes un animal parmi d’autres. Nous nous croyons très particuliers. Mais nos virus nous infectent exactement dans le même but qu’ils infectent une chauve-souris ou une civette.
L’existence des virus repose sur un équilibre délicat, n’est-ce pas ? Ils doivent être capables de prospérer sans tuer leur hôte.
Exactement. Ceux qui tuent leur hôte vont rapidement disparaître. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’en tuant [environ] 10 % de ses hôtes le virus du Sras n’ait pas réussi à se propager pour devenir une pandémie planétaire.
Y a-t-il des signes qui indiquent que ce coronavirus va se tuer lui-même ?
[À l’heure actuelle], ce coronavirus présente une plus faible pathogénicité que d’autres. Moins il est virulent, plus il aura de chances de faire partie d’un épisode endémique saisonnier. C’est l’un des grands problèmes dont il va falloir se préoccuper. Si jamais il est en sommeil pendant les mois d’été, alors il faudra se demander s’il continue à infecter des gens. Nous pouvons par exemple déambuler en été parmi les virus de la grippe, sans qu’ils soient actifs. Ils sont juste en sommeil. Quand l’écologie redevient favorable, qu’il se met à faire froid et humide, le virus recommence à se répliquer comme un fou. Si le coronavirus est capable de se mettre en retrait et de ne pas tuer son hôte pendant les mois d’été, alors nous aurons affaire à un virus qui a toutes les chances de s’installer durablement, de faire partie du paysage, pour notre malheur.
Pensez-vous que l’épidémie actuelle était inévitable ?
Oui, absolument. Elle était même prévisible. C’est comme s’il n’existait pas de Code de la route et que des piétons se fassent sans cesse renverser quand ils traversent la rue. Faudrait-il s’en étonner ? Non. Ce que nous devons faire, c’est bien choisir l’emplacement des passages protégés et réglementer la circulation. Nous ne le faisons pas.
Nous ne mettons pas en place les bonnes pratiques qui minimiseraient les risques de transmission interespèces. Si nous comprenions mieux où circulent ces virus et que nous en déterminions l’écologie, nous réduirions les possibilités d’épidémie.
Pourquoi les pouvoirs publics ne le font-ils pas ?
Premièrement, on est confrontés à un problème grandissant, lié à un changement démographique sans précédent. C’est seulement depuis les cent dernières années que la hausse de population s’est accélérée à un rythme qui entraîne des perturbations des écosystèmes dans leur ensemble. Il y a cent ans, nous étions 6 milliards de moins sur cette planète. Notre espèce a mis la plus grande partie de son existence, soit 300 000 ans, pour atteindre le seuil du milliard d’individus. Nous sommes 6 milliards de plus qu’il y a cent ans, et nous serons encore 4 ou 5 milliards de plus avant la fin du siècle.
Deuxièmement, dans leur ensemble, les gouvernements et la société ont du mal à s’arracher à l’inertie. Nous mettons du temps à changer, à nous adapter. Et l’humanité ne mesure toujours pas bien à quel point elle vit dans un monde fondamentalement nouveau pour notre espèce. On dit que si on lâche une grenouille dans un récipient d’eau bouillante, elle s’échappe d’un bond. Mais si on plonge cette même grenouille dans de l’eau à température ambiante et qu’on fasse monter lentement la température, elle restera dans l’eau et finira par mourir ébouillantée. Elle perd la notion du changement de son milieu ambiant. Nous sommes cette grenouille dans l’eau à température ambiante. Nous perdons de vue les conditions qui ont permis aux virus des animaux sauvages de migrer parmi nous.
Qu’est-ce qui vous a ouvert les yeux sur l’échelle de la contamination interespèces ?
Vous voulez dire : quand ai-je trouvé mon chemin de Damas ?
Exactement.
C’était la grippe aviaire dans les années 2000. Ce qu’on a vu avec la grippe aviaire était la conséquence directe de la manière dont les volailles étaient élevées pour nourrir la population. Aujourd’hui, la Chine produit environ 15 ou 20 milliards de volailles par an. Mais si l’on remonte en arrière et qu’on examine les chiffres des années 1960, on voit que la production atteignait tout au plus quelques centaines de millions de volailles par an. Il y a cinquante ans, que ce soit au Bangladesh, au Vietnam ou dans d’autres pays d’Asie, notamment en Indonésie, la quantité de volailles produite était considérablement inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. Ce phénomène résulte de la croissance démographique et de la hausse du pouvoir d’achat. L’une des choses que l’on sait à propos du pouvoir d’achat des ménages, c’est que lorsque les gens ont un revenu disponible, ils passent d’un régime à base de racines ou de céréales à un régime à base de protéines animales. Et c’est ce qui s’est produit.
Vous écrivez, dans votre article de Science, qu’il existe 1,67 million de virus sur la Terre, et qu’entre 631 000 et 827 000 d’entre eux ont la capacité de nous infecter. C’est tout à fait effrayant, non ?
D’un certain point de vue, effectivement, c’est effrayant. Mais il faut savoir qu’il n’existe pas nécessairement de corrélation entre la possibilité d’infecter et la maladie ou la mort. Certains virus peuvent n’avoir aucune conséquence pour nous. Et certains peuvent contribuer à améliorer notre propre biologie. Ils pourraient s’intégrer à notre microbiome, ce ne serait pas nouveau au cours de l’évolution. Nous devons nous faire à cette idée que les virus ne sont pas simplement nos ennemis, qu’ils peuvent jouer un rôle important et positif pour nous. Nous l’avons découvert en ce qui concerne les bactéries. Dans le même temps, nous devons rester en alerte et demeurer prudents quant aux produits pharmaceutiques que nous prenons. Si nous nous soignons avec des antivirus à large spectre, ceux-ci pourraient entraîner de nouvelles complications.
Comment décririez-vous l’attitude des autorités fédérales américaines vis-à-vis de la menace que représentent les zoonoses ?
Ce sont tous les pays qui sont laxistes, et aussi le secteur privé – nous n’investissons pas dans le risque. Parler de zoonoses, ce n’est pas la même chose que de parler de tuberculose ou de paludisme. Ce sont des maladies tangibles, des problèmes évidents, actuels. Les zoonoses sont un problème émergent. Mais nos sociétés n’investissent pas tant qu’elles ne sont pas confrontées à un danger immédiat.
Or le coronavirus est plus que jamais un danger immédiat, n’est-ce pas ?
Oui, on ne parle plus que de ça. Mais le moment venu, ce coronavirus va cesser de faire les gros titres et on assistera alors à une diminution des investissements qui lui sont consacrés.
Nous avons des budgets en temps de guerre, puis en temps de paix on n’a plus de sous. Dès lors, tout le problème va être d’arriver à convaincre les députés et les investisseurs de miser sur les risques. C’est vraiment difficile.
Les adversaires politiques de Donald Trump, qui ne cache pas son mépris pour les sciences, dénoncent le fait qu’il ait interrompu le financement de votre programme Predict. Pensez-vous qu’il y ait un lien entre la fin de Predict et ce qui s’est passé avec le coronavirus ?
Non, je ne pense pas. Predict était un beau projet. Il était bien exécuté scientifiquement, il était tourné vers l’avenir. Mais nous travaillions à petite échelle. Nous avons découvert à peine plus de 2 000 virus. Si l’on veut avoir des résultats en matière de santé publique, trouver 2 000 virus sur une population de 600 000, sur dix ans, c’est rester très loin du compte. Et Predict n’a pas su résoudre cette équation délicate : transformer la science en outil politique. Nous ne l’avons pas conçu dans ce but. Et puis, même un budget annuel de 20 millions de dollars n’est pas suffisant. Il faudrait environ 100 millions de dollars par an pour mener le type de programme mondial qui nous donnerait les éléments pour transformer notre attitude vis-à-vis des risques viraux et qui nous permettrait de nous y préparer. C’est ce que vise mon nouveau Global Virome Project.
Qu’est-ce qui vous inquiète à propos de ce coronavirus ?
Il y a les aspects évidents qui inquiètent tout le monde. Mais il y a aussi des choses dont on ne parle pas. Or ce sont celles qui me préoccupent le plus. Il s’agit d’un événement mondial, il va frapper partout dans le monde. Mais il n’aura pas partout les mêmes conséquences, car dans certaines régions du monde les systèmes de santé sont bien plus fragiles qu’ils ne le sont en Chine ou en Europe. Nous savons que lorsque des systèmes de santé fragiles sont ultrasollicités, ils courent un énorme risque d’effondrement – notamment en Afrique et dans des régions où il y a des troubles sociaux ou des guerres.
En 2014, quand le virus Ebola s’est abattu sur trois pays d’Afrique de l’Ouest, l’une des premières conséquences de l’épidémie a été la fermeture des services de santé. Le personnel de santé était exposé, écœuré, effrayé. Pendant cinq mois, les services de santé n’assuraient plus les soins les plus élémentaires. Les femmes enceintes n’avaient plus accès aux services de maternité, les enfants n’avaient plus accès aux antipaludéens, les gens n’étaient plus immunisés. Vous aviez toute une population dont la vie était en danger parce qu’elle ne pouvait plus accéder aux services de santé. Ma crainte est que cela ne se reproduise. Si le coronavirus continue à être aussi virulent qu’il en a l’air, nous allons nous retrouver avec des services de santé surchargés, qui ne seront plus capables ni de faire face à l’épidémie ni de traiter les problèmes de santé courants. Aucun de nos responsables politiques ne semble parler de cela.
En 2005, pendant la grippe aviaire, George W. Bush était régulièrement au téléphone avec des dirigeants du monde entier afin d’organiser une riposte planétaire. Barack Obama a fait de même en 2009 pour la deuxième pandémie de H1N1, et en 2014 pour l’épidémie d’Ebola. On a vu des présidents prendre l’initiative et jouer un rôle de catalyseurs en vue de trouver des solutions mondiales à un problème mondial. Rien de tel avec cette Maison-Blanche. À mon sens, si Trump parle de coopération internationale, et encore du bout des lèvres, c’est parce que la Bourse est en chute libre. Il s’agit de calmer les marchés boursiers, cela ne va pas plus loin.
Comment expliquez-vous le silence de cette Maison-Blanche [en matière de coopération internationale] ?
Tout ce qui intéresse le gouvernement Trump, c’est l’Amérique d’abord. Le populisme ici aux États-Unis, mais aussi en Europe et ailleurs, a fragmenté les réseaux mondiaux qui avaient été si déterminants quand il s’était agi de définir une stratégie planétaire pour affronter de tels problèmes. À ma connaissance, tandis que la Chine s’efforçait de contenir le virus, notre président n’a pas pris contact avec Xi Jinping pour réfléchir à une action coordonnée. Je suis très frappé par l’absence totale de dialogue planétaire alors que nous sommes plongés dans une crise planétaire. À l’heure actuelle, on peut même se demander si l’Union européenne existe. Vu d’ici, j’ai l’impression que chaque pays improvise, au fur et à mesure. L’Italie ne se coordonne pas avec Bruxelles. Bruxelles ne se coordonne pas avec l’Allemagne. Il n’y a pas de stratégie régionale cohérente face à ce problème en Europe, alors même que les États européens disposent du cadre nécessaire pour définir une stratégie.
Alors que va-t-il falloir pour que les gens prennent conscience de la menace planétaire des zoonoses ?
Il n’y a rien de tel qu’une série d’attaques pour réveiller les esprits, et c’est ce à quoi on assiste aujourd’hui. Nous sommes dans un cycle où une épidémie survient environ tous les trois ans. Et chaque fois que cela se produit, on est de plus en plus sensibilisés à la nécessité de réaliser des investissements et de les poursuivre. Toute la difficulté consiste à obtenir que ces fonds servent à financer annuellement des projets, en dehors des situations d’urgence.
Le partage des données entre les scientifiques et les généticiens a été exemplaire, vous ne trouvez pas ?
Oui. Mais songez à ce syllogisme de Socrate : une pensée juste conduit à une action juste. Or nous savons que ce n’est pas le cas. Vous pouvez penser dans la bonne direction, tandis que vos pratiques vont dans un tout autre sens. La science nous permet de mieux mesurer le danger, elle va nous apporter des connaissances. Mais ces connaissances doivent se concrétiser par une évaluation des risques systématique, tournée vers l’avenir.
Que devons-nous faire, dans l’idéal ?
Ces virus ont une capacité intrinsèque à muter. Ce que nous observons aujourd’hui aura peut-être changé dans quelques mois. Le virus pourrait devenir plus mortel, ou bien il pourrait s’atténuer, comme le rhume banal [ou rhinopharyngite].
Toute la question est de savoir si nous allons effectuer un suivi de la maladie. Avons-nous suffisamment de données ? Y a-t-il suffisamment de transparence ? Les échantillons sont-ils disponibles ? Qu’a découvert l’Iran ? Qu’a découvert Israël ? Qu’a découvert l’Italie ? Que découvre-t-on aux États-Unis ? Y a-t-il assez de transparence en temps réel pour que nous puissions garder la main sur le pouls du patient ?
Je suis un internationaliste. Il faut réfléchir aux moyens de prendre soin de notre population. Et aussi être attentif aux groupes humains dans le monde qui ont besoin d’assistance. Nous faisons tous partie d’un seul et même écosystème. C’est un problème planétaire. Soit nous nous y préparons, et nous y réagissons dans un contexte planétaire, soit nous ne le faisons pas. Si nos mesures de précaution et nos réactions sont étroitement nationales, nous allons au-devant de gros ennuis.
Kevin Berger