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Jours tranquilles à Paris
7 mars 2018

Le « woke », mot d’ordre de la vigilance

Par Marc-Olivier Bherer

Etre cool n’est plus à la mode chez les Noirs américains, qui affichent désormais un état d’esprit « woke », plus combatif, pour lutter contre les injustices.

Il y a encore peu, pour être dans le coup, il fallait être cool. Désormais, mieux vaut être woke, éveillé. Une transition qui constitue une révolution discrète mais non moins retentissante, rien de moins que la redéfinition d’une figure centrale de notre modernité : le rebelle. Autrefois incarné par le cool anticonformiste des jazzmen, il est aujourd’hui personnifié par le woke des admirateurs de Black Panther, réalisé par Ryan Coogler, film phénomène du début de l’année aux Etats-Unis, en salle en France depuis le 14 février.

Les deux termes ont chacun une histoire singulière et sont porteurs de valeurs opposées. Woke est dérivé du verbe to wake, « se réveiller ». Etre woke, c’est être conscient des injustices et du système d’oppression qui pèsent sur les minorités. Ce terme s’est d’abord répandu à la faveur du mouvement Black Lives Matter (apparu en 2013) contre les violences policières dont sont victimes les Noirs aux Etats-Unis, pour ensuite se populariser sur le Net.

Enfin, woke s’est étendu à d’autres causes et d’autres usages, plus mondains. Car, en effet, tout semble maintenant ainsi « éveillé » : la récente cérémonie des Golden Globes, marquée par l’affaire Weinstein et la volonté d’en finir avec le harcèlement sexuel, était en partie woke, selon le New York Times. La cérémonie des Oscars, le 4 mars, promet de l’être à son tour. Même la famille royale britannique serait désormais woke. C’est du moins ce qu’affirmait le magazine London Review of Books après les récentes fiançailles du prince Harry avec l’actrice métisse Meghan Markle, dont les positions anti-Donald Trump sont bien connues.

L’expression d’un changement d’ère

David Brooks, chroniqueur conservateur au New York Times, s’est récemment emparé de ce mot pour souligner une évolution des mœurs. Même s’il lui arrive d’opérer des raccourcis critiquables, on peut reconnaître à cet observateur une certaine acuité : c’est à lui que l’on doit, notamment, le néologisme bobo, ce « bourgeois bohème » qui est chez lui partout mais partout indifférent aux autres.

Pour lui, le phénomène naissant est l’expression d’un changement d’ère. Désormais, l’esprit de rébellion s’exprime sur un ton plus directement revendicatif. Poursuivre une quête personnelle, mettre à distance le monde, afficher un style distinctif, trois démarches propres au cool, sont remisées au profit d’une posture plus engagée. David Brooks y voit le signe de l’émergence d’une nouvelle culture, qui ne cache plus sa colère, qui se fait même volontiers grégaire et moralisatrice.

POURSUIVRE UNE QUÊTE PERSONNELLE, METTRE À DISTANCE LE MONDE, AFFICHER UN STYLE DISTINCTIF, TROIS DÉMARCHES PROPRES AU COOL, SONT REMISÉES AU PROFIT D’UNE POSTURE PLUS ENGAGÉE.

Joel Dinerstein, professeur d’anglais à l’université Tulane (Louisiane) et auteur de The Origins of Cool in Post­war America (The University of Chicago Press, 2017, non traduit), estime, lui aussi, que nous vivons là une transition majeure. « Le cool, c’est une forme de rébellion esthétique, et très personnelle. Mais à l’origine, avant la diffusion dans le monde de cette posture, le cool est surtout un phénomène propre à la culture noire américaine et intimement lié à l’histoire du jazz. » Dans les années 1930-1940, les jazzmen trouvent dans la pratique de leur art un mode d’opposition à l’oppression, à une époque précédant l’essor du mouvement pour les droits civiques.

La contestation s’inscrit dans la culture, puisqu’elle n’a pas encore de langage politique. « I’m cool », disait ainsi le légendaire saxophoniste Lester Young (1909-1959) pour montrer qu’il ne se laissait pas intimider par la ségrégation. Sur le plan musical, son style révolutionnaire et son inventivité mélodique démontraient, s’il le fallait, que les Afro-Américains étaient capables de créer des œuvres artistiques d’un grand raffinement. Lester Young refusait également de sourire. C’était l’image de l’homme noir rieur et primitif qu’il combattait. A travers sa musique et la façon de se mettre en scène, il a marqué l’histoire du jazz et défini la personnalité type du jazzman : un certain détachement, une forte quête esthétique et la volonté de vivre selon ses propres termes. En un mot, cool. En deux, un stoïcisme stylisé, selon l’expression de Joel Dinerstein.

Cette manière d’être s’est peu à peu diffusée dans la culture populaire, au point de devenir une référence incontournable. Elle a connu mille réinventions, de Sonny ­Rollins (né en 1930) à Miles Davis (1926-1991), de Humphrey Bogart (1899-1957) aux beatniks, en passant par la France d’Albert Camus (1913-1960), puis le Las Vegas de Frank Sinatra (1915-1998). A force, « le cool est devenu la principale exportation américaine ». L’esprit de rébellion d’après-guerre avait trouvé sa matrice, et le soft power américain, l’un de ses produits phares.

Depuis, l’esprit original du cool a pu être perverti par la publicité, mais cela ne l’empêche pas de persister. « Barack Obama, un personnage calme et élégant, était cool, ajoute Joel Dinerstein. On peut même dire que le cool triomphe avec lui. Toutefois, lorsqu’il quitte la scène politique, un backclash [retour de bâton] extrême se produit. Les Etats-Unis ont aujourd’hui renoué avec quelque chose qui ressemble beaucoup au nationalisme blanc. »

Sentiment de révolte

Le woke pourrait donc être la traduction culturelle d’un basculement politique du monde. Non qu’il soit l’expression du ressentiment qui anime les électeurs du président milliardaire. Mais il pourrait plutôt se rapprocher d’un sentiment d’inquiétude soulevé par ce que plusieurs observateurs, après l’entrée en fonctions de Donald Trump, ont appelé la fin de l’ordre libéral, qui reposait sur l’Etat de droit, la démocratie, l’économie de marché et le libre-échange – une liste à laquelle on pourrait ajouter la protection des minorités.

« AVEC L’ARRIVÉE AU POUVOIR DE TRUMP, OUVERTEMENT HOSTILE AUX MINORITÉS, LE “WOKE” EST DÉSORMAIS PLUS UN APPEL À LUTTER CONTRE LE POUVOIR QU’UNE MANIÈRE DE L’AIGUILLONNER. »

PAP NDIAYE, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS À L’INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES DE PARIS.

Cet ordre s’effondre, certes, sous le poids de ses propres paradoxes, mais les injustices trop longtemps laissées à l’arrière-plan suscitent aujourd’hui un sentiment de révolte d’autant plus grand que la Maison Blanche de Donald Trump est accusée de vouloir repeindre les Etats-Unis à sa couleur. « Sous Obama, les militants de Black Lives Matter disaient en substance : “Un président noir, c’est une bonne chose, mais rien ne se passera si vous ne vous mobilisez pas.” Avec l’arrivée au pouvoir de Trump, ouvertement hostile aux minorités, le woke est désormais plus un appel à lutter contre le pouvoir qu’une manière de l’aiguillonner », rappelle Pap Ndiaye, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris et spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis. Joel Diner­stein va plus loin : « Maintenant que Trump est président, l’esprit woke est devenu important auprès d’une bien plus grande part de la population. »

Tout comme le cool, différents musiciens l’incarnent, bien que l’on ne puisse pas parler d’un véritable phénomène artistique. C’est la chanteuse américaine Erykah Badu qui lance le mouvement en employant, en 2012, l’expression « stay woke » (« restez vigilants ») dans un message de soutien au groupe de punk russe Pussy Riot. La formule fait mouche et refera son apparition à la faveur du mouvement Black Lives Matter, un an plus tard, au point de devenir le credo du mouvement. Mais c’est le rappeur américain Kendrick Lamar qui en est bien davantage le visage. Sa chanson Alright (2015) fut un peu l’hymne de Black Lives Matter. Ses albums laissent d’ailleurs entendre un discours politique absent des morceaux du rappeur star des années 2000, Jay Z.

« Un risque de recroquevillement »

L’écrivain et journaliste Thomas Chatterton Williams, qui en avait fait la bande-son de sa jeunesse, a fini par délaisser cette musique, gêné par les valeurs machistes et vaines qu’elle colportait. Cette rupture avec la culture hip-hop, il la raconte dans un livre autobiographique intitulé… Losing my Cool (Penguin Books, 2011, non traduit).

De ce moment de sa vie, il a gardé une certaine méfiance à l’égard des effets de mode et insiste sur l’appartenance du terme à la culture numérique : « Combattre les injustices est noble et nécessaire. Mais beaucoup de gens se disent woke simplement pour afficher une prétendue vertu. Cette prise de conscience ne se traduit pas toujours en actes. Il y a une espèce de paresse qui s’installe. Il y a également un risque de recroquevillement : on se dit woke mais on nie à son contradicteur le droit de l’être. »

Dans le monde de Trump et des réseaux sociaux, il est en effet de plus en plus difficile de débattre, les esprits ont vite fait de s’échauffer. Et certains adoptent une posture revendiquant une forme supérieure de vérité, #woke.

Cette prétention existe aussi au sein de la droite américaine, remarque Thomas Chatterton Williams. Elle transparaît notamment dans l’expression taking the red pill (« prendre la pilule rouge »), une référence au film de science-fiction Matrix (des sœurs Wachowski, 1999), où un comprimé rouge permet de dissiper l’illusion créée par les robots qui ont asservi l’humanité. Pap Ndiaye réfute toutefois cette comparaison : cette « pilule rouge » relève, selon lui, de la paranoïa propre à l’extrême droite, rien à voir avec le woke, donc.

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3 mars 2018

Chronique : Prêtons attention à l’ennui

Par Emmanuelle Loyer, Historienne

Résonances. Les prothèses numériques vont-elles nous priver de moments de vague-à-l’âme ? Retour sur cette catégorie de la vie affective scrutée par les historiens des sensibilités.

A l’heure des campus numériques et des pratiques pédagogiques « innovantes » à tout-va, une plaisante enquête sociologique, diffusée auprès des enseignants d’une grande institution académique parisienne, est venue calmer les ardeurs technophiles de nos contemporains. Elle étudie les effets de l’usage de l’ordinateur dans la qualité de la prise de notes pendant les cours.

Il apparaît que les étudiants, atteints d’un « biais optimiste », croient pouvoir écouter, synthétiser et s’approprier le discours du professeur en même temps qu’ils poursuivent leurs petites affaires sur ­les réseaux sociaux. En réalité, leur travail en est négativement affecté. Celui des autres (les archaïques écrivant à la plume) aussi, également happés par les sortilèges de l’écran…

Acédie, spleen, embêtement

Anticipant ce résultat, certains téméraires ont interdit les prothèses informatiques en cours, rejoignant, sans le savoir, un mouvement plus général : « No ­Device ». La forêt d’écrans évanouie, comme par miracle, reviennent les visages et les paysages variés d’une attention nouvelle, soutenue ou intermittente, perplexe ou goguenarde et parfois même la face longue de l’ennui, celui que Charles Baudelaire, dans son « Adresse au lecteur », appelait le « monstre délicat ». Surgit alors l’impression de renouer avec une figure répertoriée de notre imaginaire républicain – le bâillement scolaire – mais aussi un état d’âme oublié.

Car la distraction vibrionnante que permet l’infinie navigation numérique apparaît comme le contraire de l’ennui – elle n’a pas son détachement désolé avec le monde –, à moins qu’elle n’en soit une nouvelle métamorphose ?

L’ennui est en effet un objet labile et pourtant profond, une catégorie de la vie affective qui, comme le montrent les historiens des sensibilités (avec notamment L’Ennui. Histoire d’un état d’âme : XIXe-XXe siècles, sous la direction de Sylvain Venayre, avec Pascale ­Goetschel, Christophe Granger, Nadine Richard, ­Publications de la Sorbonne, 2012), semble accompagner l’historicité des expériences humaines : l’acédie médiévale, le spleen romantique, l’« embêtement » fin XIXe ; l’ennui à l’école, l’ennui provincial, l’ennui conjugal, l’ennui à l’usine, l’ennui au bureau, l’ennui dans les banlieues ; l’ennui massif de la dépression, l’ennui léger, nuageux de l’enfant en mal d’escapades, l’ennui métaphysique de l’être humain sachant qu’il n’est que poussières, l’ennui historique diagnostiqué par Stendhal dans la France de la monarchie de Juillet ­ – la disparition des passions, la gravité dans la vie intime – ou la « France [qui] s’ennuie » de Viansson-Ponté en mars 1968. De ce point de vue au moins, le mois de mai viendra mettre un peu d’animation !

« Mal du siècle »

Il y a le mauvais ennui, et aussi le bon ennui, valorisé dans notre tradition littéraire submergée par l’ennui, vague après vague : le « mal du siècle » est aussi le lieu où on croit puiser la matière du chef-d’œuvre, opposant aux déliés d’une morne existence les pleins d’une dense et puissante stylisation. C’est l’ennui de Baudelaire, incarné dans ses chats puissants et doux, ces « grands sphinx allongés au fond des solitudes/Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ».

L’ennui est esthétique ; il peut être aussi politique : une défection à l’injonction moderne de l’initiative, de l’énergie, du nouveau. Les historiens ont raison d’y saisir un affect d’autrefois, dans ses multiples déclinaisons, mais aussi un efficace truchement pour juger de la pluralité de nos rapports au monde, hier et aujourd’hui, et au temps qui passe, puisque l’ennui rend l’individu social à son temps singulier – comme cet étudiant rendu à ses chimères, loin, très loin des discours du professeur…

L’ennui semble chassé de notre présent puisqu’il est l’envers de l’intensité d’attention sollicitée par la vie d’aujourd’hui. Mais peut-être est-ce une ruse de l’Histoire et que, du désœuvrement, on est passé à la surabondance. Ne raffinons donc pas trop nos arts de nous désennuyer – et le numérique en est un tout-puissant. Peut-être faut-il tout simplement savoir s’ennuyer ? Vous dormez ?

Emmanuelle Loyer est professeure d’histoire contemporaine ­à Sciences Po Paris.

3 mars 2018

Sex-shops, la grande bascule

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Par Denis Cosnard

Avec la hausse de l’immobilier, la désertification des villes moyennes et l’explosion du X sur Internet, les vieilles boutiques déclinent. Mais une nouvelle génération de « love stores » connaît un essor spectaculaire.

Rue Saint-Denis, à Paris, l’enseigne bleue DVD Shop est encore là pour quelques jours, au numéro 109. Mais le rideau noir de l’entrée a été retiré, les étalages sont vides, les cabines de projection ont disparu. Le vieux sex-shop a fait faillite. Son tenancier a été expulsé en novembre 2017. Pour le remplacer, le propriétaire des lieux a posé une exigence : plus le moindre commerce érotique. « Ce sera une crêperie », annonce le nouveau locataire, qui attend à la porte l’arrivée d’un fournisseur.

Rue du Pont-Neuf, à cinq minutes de là, la vendeuse remet quelques objets en place dans son « love store » à l’enseigne Passage du désir. Un couple de touristes vient de ­partir, une jeune fille choisit une huile de massage. « Je suis d’abord venue avec des copines, sans oser acheter, raconte Murielle. On rigolait devant chaque objet. Maintenant, j’ai pris de l’assurance. Ici, je suis sûre de la qualité, et je peux être conseillée. Et puis l’endroit est clair, sympa, ce n’est pas honteux d’y ­entrer. » Près de la caisse, le patron de la chaîne se réjouit : pour la Saint-Valentin, ses magasins ont réalisé leur meilleure journée de l’année. Il prévoit déjà d’en ouvrir de nouveaux à Paris et à Nice.

Six cents mètres à pied suffisent pour passer d’une planète à une autre. Le vieux monde des sex-shops, en plein déclin. Celui des « love stores », dont l’essor est tout aussi spectaculaire. Un grand basculement entre deux types de boutiques qui peuvent paraître très proches, mais que tout oppose, ou presque : leurs localisations, bien souvent, leurs clientèles et le cœur même de l’activité. « D’un côté, le commerce de la frustration sexuelle, de l’autre, celui de l’épanouissement du couple », résume, dans son magasin de la rue du Pont-Neuf, Patrick Pruvot, le fondateur de Passage du désir.

« Capitalisme du ­stupre »

Le premier sex-shop du monde a été ouvert à la fin de 1962, à Flensbourg, dans le nord de l’Allemagne, par une ancienne championne d’aviation, Beate Uhse. « Articles pour l’hygiène du couple », était-il sobrement inscrit sur la devanture. Les sex-shops se sont ensuite multipliés à compter de 1969, fameuse « année érotique ». Ils « poussent comme des champignons plus ou moins vénéneux », ­relate Le Monde en 1970. Rien qu’à Paris, le nombre de points de vente passe de dix-huit, en 1969, à cinquante-cinq, en 1972. Et ce n’est que le début de ce « capitalisme du ­stupre », dénoncé alors par La Croix…

Dans ces années de libération sexuelle, un « monde spécifique » se construit peu à peu, analyse le sociologue Baptiste Coulmont, auteur de Sex-shops. Une histoire française (Dilecta, 2007). Un monde « façonné par ses acteurs comme par ses détracteurs », notamment par les pouvoirs publics, qui interdisent, en 1970, l’entrée aux mineurs, puis obligent, en 1973, à opacifier les vitrines.

A l’abri des ­regards, les commerçants proposent une gamme allant des livres jusqu’aux godemichés, aux poupées gonflables et aux cassettes, puis aux DVD pornographiques. Au fond du magasin, les cabines. Un endroit-clé. C’est là que les clients peuvent se masturber en regardant une vidéo et faire parfois des rencontres, notamment homosexuelles. « C’est là aussi que les magasins réalisent une bonne part de leur marge », ajoute Baptiste Coulmont.

Une concurrence rude

Nombre de sex-shops fonctionnent encore selon ce schéma, auquel s’ajoutent parfois des « spectacles live », et plus si affinités. Trois pas à l’intérieur d’une boutique de la rue Saint-Denis, et une femme en minijupe vous aborde : « Un massage, monsieur ? » Dans ce quartier chaud, « la frontière est floue entre sex-shops, peep-shows, massages et prostitution, ce qui a provoqué une insécurité juridique », souligne Baptiste Coulmont. « Sans compter le blanchiment », ajoute un professionnel.

Depuis des années, ce modèle sombre lentement, mis à bas par la hausse de l’immobilier, la désertification des villes moyennes et les mutations d’Internet. L’arrivée, en 2006-2007, de plates-formes gratuites comme Xtube, RedTube ou YouPorn en particulier a changé la donne.

Soudain, les adeptes ont eu accès sans rien débourser à des centaines de milliers de scènes classées par genres. Une concurrence très rude pour les sex-shops, de même que pour les sites Internet payants et les cinémas porno. D’autant que, peu après, des applis de rencontres comme Grindr sont apparues. Pour les amateurs de contacts ­rapides, plus besoin de s’engouffrer dans un antre peu engageant…

Les faillites de sex-shops s’accumulent

Le résultat ? Les cinémas X ferment les uns après les autres. A Paris, le Beverley, le dernier du genre, doit s’arrêter en avril ou mai. Dans les années 1970, la capitale avait compté jusqu’à 44 salles spécialisées. Les sex-shops trinquent également. En particulier rue Saint-Denis, où la Ville de Paris a racheté certains emplacements pour installer ici un bar, là une cordonnerie, etc. Depuis 2000, le nombre de commerces liés au sexe y a chuté de 60 % !

Les faillites s’accumulent. En Allemagne, l’empire des sex-shops créé par Beate Uhse a déposé le bilan en décembre 2017. En France, toute une série de boutiques arrivent en bout de course. A Rennes, la dernière du centre-ville vient de fermer. A Reims, son équivalent est à vendre sur Leboncoin. Prix demandé : 15 000 euros ou un véhicule de la même valeur. La gérante en poste depuis trois ans veut déjà partir. « Pour le moment, ça va, ça tient, assure-t-elle. Mais deux chaînes ont installé de grandes boutiques à la périphérie, et on l’a senti. »

Le déclin des sex-shops à la papa coïncide en effet avec l’arrivée d’une nouvelle géné­ration de magasins : les « love stores ». « On y parle d’amour, et pas seulement de sexe. Et on oublie le côté glauque, fermé, du sex-shop », explique Patrick Pruvot. Le patron de Passage du désir est l’un des premiers à s’être lancés, il y a dix ans. « Après un divorce, j’ai pris le premier appartement venu, rue Saint-Denis, raconte ce jeune quinquagénaire. Il était au-dessus de deux sex-shops. J’ai discuté avec les responsables. C’était curieux : il y avait bien des articles pour femmes, mais pas une cliente. J’ai eu l’idée de prendre la partie la plus noble de ce métier – pas les cabines vidéo – et d’en faire quelque chose de ludique… »

Trentenaires, touristes et femmes

Les débuts sont laborieux. Les banques renâclent. « Pour qu’elles acceptent de m’ouvrir un compte, j’ai dû changer le nom de la ­société : Passage du désir, c’était encore trop hot dans notre pays catholique ! » Va pour Les Ailes pourpres, afin de rester dans l’univers de Wim Wenders. Le jeu en valait la chandelle. Aujourd’hui, la PME emploie quarante personnes pour 7 millions d’euros de chiffre d’affaires et un léger bénéfice.

Ses sept petites boutiques sont en centre-ville, mais pas dans les quartiers chauds. ­Surtout, elles ne ressemblent pas à des ­sex-shops classiques. Plutôt à des Sephora, en un peu plus piquant. Une grande vitrine transparente, sans rien de choquant en vue.

A l’intérieur, des boîtes de pétales de rose, des jeux sexy, des menottes et, au fond, une impressionnante gamme de vibromasseurs. Best-seller du moment : le Womanizer W500 Pro. « Vous voyez, on cale le clitoris ici, et on ressent des ondes d’aspiration, explique Sidonie, une ancienne étudiante en psychologie devenue vendeuse. On peut avoir ainsi des ­orgasmes plus puissants. » Une cliente, la trentaine, demande des précisions. « Ah, si vous voulez l’utiliser au restau, ça va être moins facile… », répond Sidonie. La brune reprend ses questions : « Et niveau étanchéité ? »

La clientèle ? Des bobos trentenaires, des ­touristes, etc. Surtout des femmes, tant l’émergence de ces boutiques est indisso­ciable de la légitimation tardive du plaisir ­féminin et de l’essor des sextoys. Des produits dont les ventes, côté féminin, devraient progresser en moyenne de 11 % par an dans le monde d’ici à 2021, selon le site ReportLinker.

Marc Dorcel hypermotivé

Depuis dix ans, plusieurs petites chaînes de « love stores » sont ainsi apparues, installées souvent dans les zones commerciales à l’entrée des villes : Pink Plaisir dans l’Est, Body House dans la vallée du Rhône, Oh ! Darling en Bretagne, Easy Love dans le Sud… « On se croise dans les salons professionnels, on boit une coupe ensemble, dit Dany Ménard, qui travaille chez Easy Love. On essaie de ne pas se concurrencer, de ne pas faire baisser les prix. »

Ce succès attire à présent des marques aux ambitions nationales. S’appuyant sur le ­succès de ses vidéos, le site Jacquie et Michel s’est mis à transformer des sex-shops ­déclinants en boutiques à son enseigne. « La première opération, à Paris, a permis de multiplier la fréquentation par six en un an, indique Thierry, un des dirigeants. Après Lyon, Marseille… nous allons, cette année, nous implanter à Toulouse, à Bordeaux et à Nice. »

Marc Dorcel est également hypermotivé. Le vétéran du porno bleu-blanc-rouge vient de reprendre 100 % du réseau fondé en Bretagne par un de ses anciens représentants et l’étend de Rouen à Caen et à Lille. « L’existence de boutiques réelles rassure nos clients sur ­Internet, cela pèse de plus en plus dans le chiffre d’affaires et c’est rentable », explique Benjamin Scanvyou, le responsable du projet. Objectif, une quarantaine de points de vente à travers la France en 2025. Tandis que les ­sex-shops coulent, les « love stores » préparent l’étape industrielle.

28 février 2018

#MeToo et le harcèlement en photographie

harcelement

Still from the movie Blow-Up (1966), by Michelangelo Antonioni

Dans cet essai, l’auteur américain Jordan Teicher revient sur les scandales qui ont touché récemment plusieurs photographes de mode et discute l’importance de ces évènements dans l’histoire de la photographie.

Depuis le jour où l’auteure Susan Sontag a publié son essai polémique On photography en 1973, le fait qu’un appareil photo puisse servir à contrôler des êtres humains et en faire des objets est une idée largement acceptée. « Photographier quelqu’un, écrivait-elle, c’est l’équivalent d’un meurtre sublimé, et l’appareil photo est une sublimation de l’arme à feu. Prendre des photos, c’est commettre un meurtre doux, tout à fait apte en cette époque de tristesse et de peur. »

Bien-sûr, la violence qu’elle décrit est symbolique. Aujourd’hui cependant, l’époque est encore plus triste et effrayante, et la série d’accusations de harcèlement sexuel prononcées à l’égard de photographes fait écho à ses paroles, soulignant qu’une photographie peut résulter de violations, au sens figuré comme au sens propre.

Ces accusations atteignent les plus hauts échelons de l’univers de la photographie, dont les photographes de mode Bruce Weber, Mario Testino and Anthony Turano. Dès leur diffusion, Turano s’est retiré, tandis que le groupe de presse Condé Nast s’est séparé de Weber et Testino. Tous trois réfutent les allégations.

Les conséquences pour leur vie professionnelles sont claires. Tout comme d’autres personnalités mises à mal par le mouvement #MeToo, ces hommes seront pour toujours associés au harcèlement sexuel et leurs carrières sont irrémédiablement entachées. Et qu’en est-il de l’impact sur l’œuvre culturelle qu’ils laissent derrière eux ? Est-il possible de dissocier leur comportement de leur travail ? Est-il légitime de le faire ?

Ce n’est pas la première fois que nous nous demandons s’il convient de séparer la création d’un individu de son comportement personnel horrifiant. Beaucoup ont essayé d’écouter les compositions de Richard Wagner sans penser à son antisémitisme, ou tenté de regarder Manhattan sans penser au harcèlement sexuel dont Woody Allen est accusé. Ce n’est pas une tâche aisée, mais c’est possible. L’œuvre, c’est une chose, dira-t-on, et la personne, c’en est une autre.

L’argument devient pourtant de plus en plus difficile à soutenir, au fur et à mesure que le comportement en question se rapproche des autres personnes investies dans le processus créatif. La chose devient quasiment impossible lorsque la création elle-même constitue un enregistrement réaliste, visuel et presque instantané de ce comportement – indéniablement, c’est bien cela que représentent les photos prises par Weber, Turnano et Testino de leurs accusatrices.

Et voilà pourquoi l’on ne peut pas justifier de dissocier le comportement supposé de ces hommes des photos qu’ils ont prises : car très souvent, les accusatrices sont également leurs sujets. Turano proposerait des photos en échange d’actes sexuels, Weber abuserait de ses modèles tout en les photographiant, et Testino ferait des suggestions à teneur sexuelle pendant les séances de shooting. Même si les limites techniques de l’appareil ne permettent pas de rendre compte de ces agissements, ces hommes laissent des traces de leur être et de leur comportement rapporté dans toutes ces photographies.

Dans le domaine du portrait, il est toujours extrêmement difficile de séparer l’œuvre du photographe. Comme le dit le philosophe américain Richard Shusterman, le portrait constitue non seulement une photographie mais « un complexe plus étendu d’éléments, un processus qui inclut le photographe, le sujet humain qui, volontairement, sert de cible photographique, l’appareil… et enfin le décor où se déroule la séance ».

Les échanges entre le photographe et son sujet, poursuit-il, représentent une composante cruciale de la création, et revêtent une « importance esthétique ». Selon lui, le cœur de cette interaction est la mission du photographe, qui doit gagner la confiance du sujet au travers d’un langage corporel qui « ne doit pas être menaçant », ni « intrusif », mais plutôt « bienveillant » et « amical ». Le comportement du photographe envers son sujet, projeté par son « style somatique », « déteint sur le sujet photographié, dont la présence ou l’essence ainsi magnifiée peut alors être capturée pour aboutir à la photo ».

On doit alors se demander ce qu’il advient, si le style somatique du photographe n’est ni bienveillant et amical, mais plutôt le contraire ? Que se passe-t-il si, comme avec certains des pires personnages du monde de la mode, ce style se caractérise par le harcèlement sexuel ou l’intimidation ? Il s’ensuit forcément que cette conduite toxique se projette sur le sujet, et rejaillit sur la photo – dont l’esthétique devient alors très particulière…

Que cette esthétique attire depuis des années l’œil du monde de la mode – et du consommateur également – est troublant. Mais pas si surprenant. Les grandes féministes ont remarqué depuis longtemps que les publicités représentent fréquemment les femmes comme objets d’utilité sexuelle, implicitement soumis à l’homme. Comme preuve visible de cette dynamique, elles citent souvent ce que l’on voit clairement dans le cadre de l’image : les poses qui, « sournoisement, rabaissent le sujet féminin », en suggérant que son corps n’existe que pour être consommé par les observateurs. Le fait que ces poses, qui sont chorégraphiées pour satisfaire le regard masculin, puissent également être assumées par des sujets hommes, est une révélation souvent attribuée à Weber.

Pour John Berger, auteur de Voir le voir, ces poses contribuent à façonner un fantasme employé stratégiquement pour vendre des produits aux spectateurs. Ce fantasme, suggère-t-il, met sur un même plan le pouvoir d’acheter et l’aptitude à attirer l’amour et être sexuellement désirable. Berger voit clair. Mais sa dialectique laisse de côté les façons dont le processus d’élaboration du fantasme peut devenir l’occasion pour certains photographes de réaliser leurs propres fantasmes – et d’infliger de profondes blessures à leurs sujets.

Certains photographes accusés de harcèlement ont avoué l’existence de ce jeu de pouvoir. Terry Richardson s’en est même vanté, expliquant à mots crus qu’après avoir été un « gamin timide », il était devenu un mâle imposant, satisfait de dominer les filles à ses pieds. Notons que Condé Nast ne s’est débarrassé de Richardson qu’en octobre dernier, des années après les premières accusations portées contre lui.

L’attitude de Richardson est représentative de nombre de ses confrères, qui semblent se repaître du potentiel érotique de la relation sujet-photographe, un lien dont le parfait exemple est sans doute la scène mythique du film culte de Michelangelo Antonioni, Blow-Up (1966), séquence dans laquelle un photographe de mode est assis jambes écartées sur une mannequin qui se tord sensuellement tandis qu’il la mitraille.

La photographie est sans doute une plateforme parfaite pour la mise en scène de jeux politico-sexuels, mais pour les prédateurs et leurs victimes, le processus performatif de la photographie n’a rien de fictif. Il se déroule dans un contexte où les photographes détiennent un pouvoir étourdissant, et où les sujets n’en ont que très peu, où les règles de conduite sont floues, et où les mécanismes de signalement de comportements abusifs ont toujours été limités. Les photographes ont ici l’occasion idéale de réaliser leurs désirs sexuels les plus profondément enfouis. Les sujets, eux, se retrouvent en position de vulnérabilité extrême. Les enjeux, pour les deux parties, sont plus que tangibles.

On constate également que d’autres milieux professionnels créatifs présentent des déséquilibres de pouvoirs similaires. Comme le mouvement #MeToo l’a mis en évidence, il n’est pas un seul domaine qui soit à l’abri des conséquences de cette dynamique, du théâtre à la danse en passant par la musique. Il est certain que dans toutes ces arènes, l’inconduite sexuelle impacte le contenu culturel et c’est dans celle de la photographie que cet impact est visible – encore faut-il vouloir ouvrir les yeux.

Dans son ouvrage At the Edge of Sight: Photography and the Unseen (Aux frontières du regard: photographie et invisible), Shawn Michelle Smith explique que dès ses débuts, la photographie « a étendu le champ du visible, tout en exposant ses limites, à la fois physiologiques et technologiques ». Ces limites, affirme-t-elle, sont souvent informées par la culture. « Les répressions volontaires, et les angles morts inconscients, qu’ils soient personnels ou collectifs, limitent ce qui peut ou ne peut pas être vu », écrit-elle. En portant le regard au-delà de notre angle de vision, c’est-à-dire plus loin que le cadre de la photographie, nous pouvons commencer à transcender ces limites et comprendre pleinement ce que nous regardons.

Jusqu’à un certain point, il est compréhensible que les spectateurs aient eu peur de risquer un coup d’œil derrière le rideau pour évaluer les qualités esthétiques du processus performatif de la photographie. Ce qui se passe pendant une séance photo, et surtout un shooting de mode, se fait généralement toutes portes fermées. En principe, personne ne consigne jamais l’interaction entre le photographe et son sujet, et nul ne peut donc se faire une opinion.

Nous disposons désormais des moyens de le faire, grâce aux témoignages des hommes et des femmes qui ont pris la parole au travers du mouvement #MeToo. Ils ont ouvert une fenêtre sur les éléments de la photographie qui dépassent le photographe, à savoir les mots, les gestes, et les contacts physiques non désirés. Ces éléments ont contribué à la création d’images qui ont défini un secteur tout entier.

Ignorer ces témoignages maintenant, ce n’est pas simplement fermer les yeux sur l’acte d’agression, mais devenir aveugle et ne plus voir la vérité.

Jordan Teicher

Américain, Jordan G. Teicher est journaliste et critique. Il est basé à Brooklyn, New York.

27 février 2018

L’entreprise de vélos en libre-service Gobee.bike contrainte d’arrêter ses activités en France

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La société hongkongaise subit depuis plusieurs mois des dégradations et des vols de ses bicyclettes partout où elle s’était installée dans l’Hexagone.

Les vélos verts à Paris c’est fini. L’entreprise Gobee.bike a annoncé, samedi 24 février, dans un communiqué « la fin du service Gobee.bike » en France. Après seulement quatre mois d’existence le service de vélos en « free floating » (des bicyclettes sans bornes) est contraint de mettre fin à sa présence dans l’Hexagone.

Ce n’est pas le premier revers pour cette société hongkongaise qui a déjà dû renoncer à son activité à Lille et à Reims, et en Belgique à Bruxelles ; elle a aussi récemment annoncé son retrait d’Italie. Elle précise que 60 % de son parc en Europe a été endommagé ou volé.

« Effet domino de dégradation »

Dans son communiqué, l’entreprise précise : « Sur les mois de décembre 2017 et de janvier, la destruction en masse de notre flotte s’est amplifiée en devenant le nouveau passe-temps d’individus, le plus souvent mineurs, encouragés par des contenus largement diffusés et partagés sur les réseaux sociaux ».

« Malheureusement, notre bonne volonté et nos efforts n’auront pas suffi. Depuis la mi-décembre 2017, c’est un effet domino de dégradations qui s’est abattu sur notre flotte de vélos partout où notre service existait en France »

Gobee.bike ajoute qu’au total près de 1 000 de ses vélos ont été « volés ou privatisés » et près de 3 400 « endommagés ». Ces bicyclettes vert pomme – elles sont jaune citron pour la start-up concurrente Ofo ou orange chez Obike – étaient géolocalisables via une application pour smartphone et se louaient en scannant un code-barres, ce qui permettait de déverrouiller l’antivol, moyennant 50 centimes d’euro la demi-heure. L’usager déposait ensuite le cycle où il le souhaitait, sans l’attacher.

GPS mis en pièce

Ces vélos étaient fragiles ; vandales et voleurs s’en sont rapidement aperçus, tordant les rayons, arrachant les selles ou les guidons, mettant en pièces les GPS. A Reims, où la société avait déposé 400 cycles début novembre 2017, il n’en restait plus que vingt en état de fonctionnement début janvier. Les 380 autres avaient été détériorés, cassés ou volés.

« Aujourd’hui, cette situation ne nous permet pas de poursuivre notre activité. Nous sommes contraints de mettre fin à notre service au niveau national. Nous vous avons [restitué] l’intégralité de votre caution. Si vous avez du crédit utilisateur, il vous sera remboursé en même temps. [La somme] apparaîtra sous dix jours ouvrés sur le compte bancaire ayant servi lors de votre inscription », ajoute la société dans un message à destination de ses clients.

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26 février 2018

En Iran, le mouvement des femmes qui protestent contre le port du voile ne s’essouffle pas

La diffusion d’une vidéo montrant une femme bousculée par un policier, jeudi, relance les débats autour de la mobilisation que connaît le pays depuis deux mois.

Elle a les cheveux longs et blonds, attachés derrière en queue-de-cheval. Montée sur une armoire électrique dans la rue, la jeune Iranienne brandit au bout de son bras levé son foulard blanc. En bas, un policier essaie, d’un ton calme, de la convaincre de descendre.

Elle lui demande : « Quelle est la charge [retenue contre moi] ? » « Descends d’abord, je te dirai après », lui répond le policier. L’Iranienne, elle, n’entend aucunement lui obéir. « Dis-le maintenant devant tout le monde », lance-t-elle. « Perturber l’ordre public », lui répond finalement le fonctionnaire.

Autour, ils sont de plus en plus nombreux à se rassembler. Quelqu’un lance : « Applaudissez-la » et certains suivent son injonction. Après quelques secondes de discussion, le policier monte sur un arbre adjacent et donne un coup de pied à la fille qui tombe dans la foule.

La jeune femme s’appelle Mariam Shariatmadari et la scène, filmée par des téléphones portables et publiée largement sur les réseaux sociaux, s’est déroulée jeudi 22 février en plein centre de Téhéran. Transférée à la prison d’Evin dans le nord de la capitale iranienne, Mariam Shariatmadari, blessée au genou, attend son jugement.

Vague de critiques sur les réseaux sociaux

Cette diplômée de l’université d’Amirkabir de Téhéran est la dernière Iranienne à s’être publiquement opposée à la loi qui oblige les femmes en République islamique d’Iran à porter le voile. Le 27 décembre 2017, Vida Movahed, 31 ans, avait été la pionnière de ce mouvement. Elle avait grimpé sur une armoire électrique, située au croisement des avenues Enghelab et Taleghani, dans le centre de Téhéran, et elle avait ôté son voile blanc. Depuis, une trentaine d’autres femmes ont défié le pouvoir en adoptant les mêmes gestes, dans la capitale et parfois en province.

Mais depuis jeudi, la réaction violente du policier a provoqué une vague de critiques sur les réseaux sociaux. A en croire la célèbre avocate iranienne des droits humains, Nasrin Sotoudeh, qui représente certaines des filles poursuivies par la justice, le policier « a commis un acte illégal » : « Non seulement aucun homme n’a droit de faire cela à une femme, mais en plus le policier [en question] a abusé de son pouvoir. Les femmes de notre pays veulent que la décision de choisir leurs vêtements leur revienne », a expliqué l’avocate sur sa page Facebook.

Libérée contre une caution de 10 000 euros

L’une de ses clientes, Narges Hosseini, arrêtée le 29 janvier, est accusée d’« avoir paru en public sans le hidjab », d’« avoir fait un acte haram », illégal selon la charia, en vigueur en République islamique d’Iran et d’« avoir encouragé à la corruption ».

Cette dernière accusation peut valoir aux personnes interpellées jusqu’à dix ans de prison ; une très lourde peine témoignant de la volonté des autorités de mettre un terme à cette forme de contestation en faisant remonter le prix à payer. Jusqu’à présent, les femmes qui ne respectaient pas le port du hidjab en public risquaient une amende allant jusqu’à 50 000 tomans, soit 9 euros, ou une peine de prison, entre dix jours et deux mois.

Narges Hosseini, elle, a été libérée de la prison de Gharchak, située dans la périphérie de la ville de Karaj, à 40 kilomètres de Téhéran, contre une caution de 60 millions de tomans, soit 10 000 euros. Nasrin Sotoudeh, quant à elle, entend protester contre les charges retenues à l’encontre de sa cliente. « Elle est sortie sans hidjab car elle portait des vêtements d’hiver et son corps était couvert », explique-t-elle.

Sur les réseaux sociaux, à l’heure où ce mouvement de contestation ne s’essouffle guère, les Iraniens sont également nombreux à critiquer ces filles. Sur Twitter, Ali Sadrinia voit dans cette contestation un acte « illégal » et « illogique » :

« Imaginez que quelques personnes trouvent que certains articles du code de la route posent problème et qu’elles décident, en signe de protestation, de conduire dans le sens inverse autour des places. Comment vous appelez cela ? Aucune personne intelligente et saine ne peut penser que pour faire changer une loi, il faille l’enfreindre. »

D’autres utilisateurs pointent du doigt des voyages à l’étranger de certaines filles arrêtées dans le cadre de ce mouvement, laissant entendre qu’elles auraient été manipulées par les pays ennemis de l’Iran.

Jeudi, quelques heures avant que Mariam Shariatmadari ne commence son action, la fameuse armoire électrique de l’avenue Enghelab sur laquelle Vida Movaed, la pionnière, était montée, quant à elle, été aménagée pour empêcher que plus aucune fille n’y grimpe.

22 février 2018

Pollution : Anne Hidalgo n’entend pas rétrocéder les voies sur berge aux automobilistes

Par Stéphane Mandard - Le Monde

La maire de Paris fait appel de la décision du tribunal administratif d’annuler la fermeture de la voie Georges-Pompidou et annonce un nouvel arrêté de piétonnisation.

C’est un sérieux accroc pour Anne Hidalgo et sa politique de restriction de la place de la voiture dans Paris. Le tribunal administratif a annulé, mercredi 21 février, la fermeture à la circulation des voies sur berge rive droite, l’une des mesures les plus emblématiques et aussi les plus contestées de la maire socialiste de la capitale.

Mme Hidalgo a aussitôt annoncé qu’elle faisait appel de cette décision et qu’elle allait pendre un nouvel arrêté de piétonnisation afin de poursuivre « le combat long et difficile » pour améliorer la qualité de l’air. La mairie de Paris avait décidé, en 2016, de transformer la voie sur berge Georges-Pompidou, longue de 3,3 kilomètres sur la rive droite de la Seine, en promenade publique.

Le tribunal a estimé que l’étude d’impact préalable à cette décision comportait « des inexactitudes, des omissions et des insuffisances concernant les effets du projet sur la circulation automobile, les émissions de polluants atmosphériques et les nuisances sonores ».

« L’absence de concertation »

« C’est une première victoire pour tous les usagers de la route parisiens et franciliens dont la mobilité était mise à mal depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, qui espèrent maintenant que ces axes de circulation seront très rapidement rouverts », s’est empressé de réagir l’association 40 millions d’automobilistes.

« L’absence de concertation, d’évaluation et de cohérence régionale de ce projet est mise en évidence clairement par le juge », a estimé la région Ile-de-France dont la présidente, Valérie Pécresse (Les Républicains) a toujours reproché à Anne Hidalgo sa « méthode autoritaire » dans la gestion de ce dossier.

La décision du tribunal administratif ne va pas manquer de raviver la bataille politique autour de la place de la voiture dans la capitale. « Le recours qui nous amène aujourd’hui à cette situation a été déposé par la droite parisienne et régionale, a insisté Anne Hidalgo. Pour elle, la circulation automobile est prioritaire sur la santé publique. Pour elle, une autoroute urbaine vaut mieux qu’un parc en cœur de ville. »

Comme elle l’avait fait dans son entretien au Monde pour justifier ses mesures pour réduire la pollution de l’air, la maire de Paris a rappelé que « l’ouverture des rives de la Seine aux piétons et aux cyclistes » (termes soigneusement préférés à « la fermeture à la circulation ») avait été « décidée démocratiquement par les élus parisiens en septembre 2016, avec le soutien de l’Etat [et un feu vert de la préfecture] à l’issue d’un an et demi de concertation » et placé « au cœur de l’élection municipale de 2014 lors de laquelle les Parisiens ont fait le choix d’élire des représentants qui auraient le courage de faire reculer la pollution ».

Pic de pollution intense sur Paris

Dans son rapport final, remis en octobre 2017, Airparif, l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air en Ile-de-France, avait insisté sur le fait que la voie Georges-Pompidou ne représentant que 0,16 % du kilométrage francilien, sa piétonnisation n’avait, sans surprise, pas eu d’incidence globale sur la pollution de fond : « Aucun impact significatif sur l’exposition des populations n’a été mis en évidence à la hausse ou à la baisse. »

Anne Hidalgo n’a pas manqué de souligner que l’annulation de la fermeture des voies est intervenue le jour où un pic de pollution intense a débuté sur Paris et l’Ile-de-France.

« L’épisode actuel est caractérisé par des particules très fines (essentiellement inférieures à 2,5 µm) », précise Airparif. Les PM 2,5 sont particulièrement nocives car elles pénètrent profondément dans l’organisme et sont mises en cause dans l’augmentation du risque d’infarctus et d’accidents vasculaires cérébraux. « D’après leur composition, ajoute Airparif, elles proviennent principalement du trafic et de l’agriculture et sont davantage présentes à proximité des axes routiers avec des concentrations 5 % à 20 % plus élevées. »

21 février 2018

Abus sexuels: le co-fondateur de Guess suspendu

Le co-fondateur de la marque de prêt-à-porter Guess, Paul Marciano, a été écarté de toute responsabilité opérationnelle en attendant les résultats d’une enquête sur des accusations de harcèlement sexuel contre lui, a indiqué mardi la société.

Le conseil d’administration de Guess a formé «un comité spécial comprenant deux directeurs indépendants pour superviser l’enquête en cours sur les accusations de conduite inappropriée» de M. Marciano, a précisé la société dans un communiqué.

«Le conseil d’administration et M. Marciano ont convenu que M. Marciano n’assumerait plus ses responsabilités opérationnelles (...) en attendant la fin de l’enquête, a ajouté la société, soulignant «prendre très au sérieux toute accusation de comportement sexuel inapproprié».

«Je me suis engagé auprès de la société à coopérer pleinement», a indiqué de son côté M. Marciano, 65 ans, cité lui aussi dans le communiqué.

L’action Guess cotée à la Bourse de New York perdait quelque 4% mardi, à 14,92 dollars, peu avant 12H00 locales (17H00 GMT) après cette annonce.

Paul Marciano a été publiquement accusé de harcèlement et d’abus sexuels par la mannequin Kate Upton.

Dans une interview publiée début février par le magazine Time, Upton a accusé l’homme d’affaires franco-marocain de l’avoir harcelée et de l’avoir forcée à des attouchements à plusieurs reprises alors qu’elle posait pour des photos pour la marque en 2010.

M. Marciano a qualifié ces accusations d'«absolument fausses» et «absurdes», et assuré n’avoir jamais touchée Kate Upton «de façon inadéquate».

Le monde de la mode est lui aussi pris dans la tempête du mouvement anti-harcèlement #MeToo, qui a vu de nombreux hommes de pouvoir accusés de harcèlement ou d’abus sexuels dans la foulée de l’affaire Weinstein.

Plusieurs photographes de mode ultra-célèbres ont été écartés, comme Terry Richardson, Bruce Weber ou Mario Testino. Vendredi, après avoir interrogé quelque 50 mannequins, le Boston Globe a publié une grande enquête mettant en cause le comportement d’au moins 25 photographes - dont le Français Patrick Demarchelier - stylistes, directeurs de casting et autres professionnels du secteur. AFP

21 février 2018

Bangkok croule sous les lupanars

Par Bruno Philip, Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est - Le Monde

La prolifération d’« établissements de bains » inquiète les autorités thaïlandaises. Grands consommateurs d’eau, ces bordels déguisés en salons de massage pompent illégalement la nappe phréatique de la mégapole.

LETTRE DE BANGKOK

On savait déjà que l’avenir de Bangkok était, à terme, problématique : croulant sous le poids des gratte-ciel qui sont autant de symboles de la modernité de cette vibrante mégapole de l’Asie du Sud-Est, la capitale thaïlandaise s’enfonce de plusieurs centimètres par an dans le sol marécageux des abords du fleuve Chao Praya.

Ce que l’on ne savait pas, c’est que la prolifération de salons de massage où le massage n’est pas la prestation unique est devenue au fil des temps un nouveau facteur de naufrage potentiel : les bordels proposant la célèbre spécialité de la maison, le « soap massage » – ou nettoyage du client à l’eau savonneuse par les prestataires de service, pompent la nappe phréatique avec une telle constance que la stabilité déjà précaire de la ville en est d’autant plus affectée.

Dans le but de lutter contre l’inéluctable, le commandant adjoint du Département de la suppression du crime et de la protection de l’environnement et des ressources naturelles, Suwat Inthasit, a mené fin janvier un raid musclé dans plusieurs « établissements de bains » de la capitale. Tour à tour, les « spas » Embassy, Long Beach, The Lord et Copacabana ont vu les courageuses équipes de la protection de la nature débarquer dans ces lieux d’opprobre et de stupre.

« Nous allons aujourd’hui examiner les modes de pompage de l’eau, et ce dans chaque chambre de massage », a lancé le commandant adjoint devant les journalistes avant de partir à l’assaut. « Nous soupçonnons que les responsables de l’établissement utilisent frauduleusement et abusivement la nappe phréatique », avait-il auparavant précisé. Le but de la manœuvre était ainsi clairement d’ordre écologique : il est plus que temps de prendre des mesures appropriées afin d’éviter la disparition programmée de Bangkok. Plusieurs autres facteurs expliquent par ailleurs la menace : érosion des berges du fleuve, changement climatique, élévation du niveau de la mer, etc.

Scandale

En l’occurrence, il n’a pas été question du fait que ces « massage parlors » ne sont pas seulement des voleurs d’eau mais sont aussi des bordels déguisés où chaque client choisit sa « masseuse » en vitrine… Même si la prostitution est illégale en Thaïlande, elle est, comme l’on sait, amplement pratiquée et quasiment au grand jour au « pays du sourire ».

L’honnêteté oblige cependant à rappeler que si ce raid contre les pompeurs d’eau abusifs a été déclenché, c’est qu’il est intervenu en point d’orgue à une affaire qui avait précédemment défrayé la chronique de « Krung Thep » , ou « la cité des Anges », nom thaï utilisé par les habitants de Bangkok. A la mi-janvier, cinq policiers thaïlandais, dont un haut gradé, avaient été accusés de se faire payer « en nature » par les patrons des « spas » mentionnés plus haut ; en échange de prestations gratuites de « massage », il était convenu qu’ils porteraient un regard bienveillant sur les activités d’ordre moins « thérapeutique » des établissements susnommés.

Outre les policiers, une vingtaine d’autres officiels – dont un responsable de la lutte contre le trafic d’être humains et un percepteur des impôts – ont ensuite été embringués dans l’affaire. Et quand on finit par apprendre que l’ancien chef de la police taïlandaise, Somyot Poompanmoung, avait été accusé d’avoir reçu des « prêts » d’un montant de 9 millions d’euros de la part du propriétaire du Victoria Secret, un certain Kampol Wirathepsuporn, la mesure du scandale fut à son comble.

Mesures cosmétiques

Dans le bordel Victoria Secret, la police a dressé la liste d’une centaine de jeunes masseuses, originaires de Thaïlande, de Chine, du Laos et de Birmanie. Le pire étant que trois d’entre ces filles avaient moins de 18 ans : l’on peut supposer que ces dernières avaient été réduites en esclavage sexuel, crime sur lequel avait fermé les yeux ledit responsable de la lutte contre le trafic d’êtres humains qui profitait à l’œil des plaisirs offerts par l’établissement, nourriture et bière comprises. Les 85 autres masseuses du lupanar, pour la plupart étrangères, ont été accusées de « vente illicite de prestations sexuelles » et pourraient être expulsées. Pas de chance pour ces dames, dans un pays où différentes études évaluent le nombre de péripatéticiennes dans une fourchette située entre 70 000 et 2 millions de personnes…

Ce n’est certes pas la première fois que des policiers sont mêlés à des affaires de prostitution à Bangkok, la ville qui s’enfonce dans le sol mais croule aussi sous les bordels. La junte militaire arrivée au pouvoir depuis 2014 a bien tenté, au début de son « règne », de fermer des établissements de plaisir. Mais, comme toujours, il s’est agi là de mesures cosmétiques, comme si des salons de massage avaient été pris au hasard – ou peut-être parce que les patrons des deux ou trois établissements fermés ne s’acquittaient pas assez dûment des oboles aux bonnes œuvres de la maréchaussée, l’on ne sait…

L’implication de fonctionnaires d’envergure dans le scandale des bordels ne contribuera pas en tout cas à redorer le blason d’une junte militaire souvent fustigée pour son incompétence. Arrivés au pouvoir pour prétendument se débarrasser d’un précédent gouvernement accusé de corruption, les généraux qui ont endossé le costume de ministre devraient prendre soin d’assurer leur légitimité en donnant l’image adéquate de « MM. Propre ». L’impression donnée par la dernière sordide affaire en date tendrait au contraire à prouver que Bangkok continue de s’enfoncer dans la boue. Au (mal)propre comme au figuré.

20 février 2018

SOCIETE Xdolls, le premier établissement français de location de poupées sexuelles...

SOCIETE Xdolls, le premier établissement français de location de poupées sexuelles, a ouvert le 1er février dernier dans le 14e arrondissement à Paris…

Article de Romain Lescurieux

L’adresse de cet espace unique en France de 70 m2 « de plaisir » est tenue secrète.

Entre chaque passage, la poupée est nettoyée avec un protocole très précis.

« Nous faisons de la location de jouets. Ni plus, ni moins », explique le fondateur du lieu.

Suce mon plastique pour la Saint-Valentin. Au lendemain de la fête des amoureux, Joaquim Lousquy a la banane. « Nous avons eu des gens hier soir », lance le fondateur et gérant d’un lieu, actuellement unique en France : une « maison close » de poupées sexuelles. Le nom: Xdolls. Cet espace de 70 m2 « de plaisir » – à l’adresse tenue secrète – a ouvert ses portes le 1er février dernier, dans le XIVe arrondissement de Paris. Ambiance tamisée, posters de fesses siliconées, plantes empotées et poupées figées… 20 Minutes a fait le tour du propriétaire.

« Titillé l’esprit »

Poupées de plaisir, poupées sans son. Elles s’appellent Kim, Sofia et Lily. Chacune dans leur chambre – ou plutôt « espace de jeu », précise Joaquim Lousquy –, elles font la joie de plusieurs clients et clientes, prêts à débourser 89 euros pour une heure et 120 euros en couple. Chaque doll a son style, ses mensurations. « Kim – Latine – 1m53 – 38 kilos. Brune aux yeux verts, j’ai des lèvres charnues, et des formes très… très… généreuses », lit-on sur le site, qui permet de réserver un créneau avec la poupée. Ce concept qui fait fureur notamment au Japon, a germé il y a six mois dans la tête de cet entrepreneur, davantage passionné de « nouvelles technologies que de cul ».

« Je suis tombé sur un article de presse qui m’a titillé l’esprit », explique Joaquim Lousquy, cigarette électronique en main, son précédent business. Après un passage en Espagne et en Allemagne – où ces établissements existent déjà –, l’homme de 28 ans décide de monter le concept en France.

Après « quelques galères » de banques et d’assurances, le projet voit finalement le jour. « Tout est un peu compliqué dans ce domaine mais nous avons réussi à faire quelque chose de carré, propre et légal. » Sur ce dernier point, Joaquim Lousquy est clair. « Nous faisons de la location de jouets. Ni plus, ni moins. On parle d’un squelette de métal, avec du silicone par-dessus », tranche-t-il. Une option de réalité virtuelle pour s’immerger encore plus, est également proposée. Pour quelle clientèle ?

Port de la capote obligatoire

« Même moi j’avais des clichés. Je m’attendais à recevoir des gens peu recommandables, violents, étranges, pervers, sadiques. Mais pas du tout, je reçois des gens très bien, entre 30 et 50 ans, CSP + qui ont envie de découvrir une nouvelle pratique, une nouvelle expérience sexuelle », détaille-t-il. Des couples viennent aussi chez Xdolls. Joaquim accueille tout le monde, à partir de 18 ans et dès lors que les gens respectent les règles. À côté des lits, le matos est soigneusement aligné : Capotes (port obligatoire), lubrifiant, sextoy et essuie-tout. Ici, on ne rigole pas avec l’hygiène. Joaquim tient à ce que la maison soit clean et que les clients s’y sentent bien.

Entre chaque passage, la poupée est nettoyée (tout comme « l’espace de jeu ») avec un protocole très précis. D’abord avec du savon, puis avec des produits désinfectants, à l’intérieur comme à l’extérieur. Puis, elle est vaporisée d’une autre solution bactéricide et fongicide. Enfin, elle talquée, préparée et prête pour une nouvelle utilisation. Et quel avenir?

« Il est fort probable qu’on soit embêtés »

Dans les prochains mois, des poupées masculines débarqueront dans les espaces de jeu Xdolls. Joaquim croit au secteur. Il va ouvrir six autres établissements de ce type en France. Notamment en Bretagne, en Savoie, dans le Sud et le Nord. « Nous allons quadriller la France », assure-t-il entre provoc' et lucidité. « Je ne sais pas à quoi m’attendre, mais il est fort probable qu’on soit embêtés : peut-être une descente de police pour contrôler, un tollé de la mairie et d’associations. C’est le jeu, sourit-il et il en faut pour tout le monde ».

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