À Kiev, l’écrivain Kourkov prend sa part de révolte
Ce week-end, les opposants et les partisans du président Ianoukovitch se font fait face dans les rues de Kiev, en Ukraine. Parmi les « révoltés », l’écrivain Andrei Kourkov, déjà dans la rue en 2004.
Témoignage
Kiev est un chaudron bouillant, ce week-end. Les opposants au président Ianoukovitch, des jeunes en majorité, tiennent la place de l’Indépendance, haut-lieu de la Révolution orange il y a neuf ans. Ses partisans qui, depuis vendredi, arrivent par cars entiers de la partie est, russophone, du pays, se massent quelques centaines de mètres plus loin, place de l’Europe. Sourire en coin, l’œil narquois, l’écrivain Andrei Kourkov, né il y a 52 ans à Léningrad, ne manque pas une miette des événements qui secouent la capitale ukrainienne depuis fin novembre. Cette protestation a surgi quand le pouvoir a renoncé à signer un accord d’association avec l’Union Europénne pour se tourner vers Moscou.« Avec d’autres écrivains, nous organisons des lectures, des discussions Barricaded square (place des Barricades), se réjouit Kourkov que nous avons joint au téléphone à Kiev.Je suis surpris de ce qui se passe. Iouchtchenko (Président issu de la Révolution orange) a loupé l’occasion de faire de l’Ukraine un pays civilisé et européen. Et je craignais d’en avoir pris pour vingt ans. Heureux que les jeunes Ukrainiens ne veuillent pas attendre si longtemps.»
Allergique aux mensonges
Il y a neuf ans, Andrei Kourkov passait ses jours et ses nuits dans une vieille librairie, place de l’Europe, où d’interminables débats enflammaient les intellectuels du pays. Il y avait dans l’air une fièvre révolutionnaire.« Nous voulons la liberté, scandait-il,nous sommes allergiques aux mensonges accumulés depuis l’indépendance en 1991. » Mais l’auteur du Pingouin (1) restait sur ses gardes.« Jamais un président ukrainien ne pourra être heureux. Parce qu’il doit toujours payer sa carrière avec sa moralité et ses principes. » L’histoire récente ne l’a pas contredit. « Je ne suis ni trop optimiste ni trop pessimiste sur ce qui se déroule en ce moment, lâche-t-il.Les jeunes opposants aujourd’hui ont réveillé les acteurs désillusionnés de la Révolution orange. Et même pris les leaders de l’opposition par surprise. L’Ukraine est encore un très jeune pays dirigé par de très vieux politiciens. Quand les étudiants d’aujourd’hui auront 40 ou 50 ans, alors peut-être l’Ukraine sera devenu un état adulte. » En attendant, week-end chaud à Kiev.« Tout est possible, estime Andrei Kourkov. Les hommes politiques au pouvoir aujourd’hui ne savent pas parler. Souvent, ils ne sont pas éduqués et viennent de milieux où les poings sont plus utilisés que les mots. » Les jeunes révoltés de la place de l’Indépendance guettent chaque jour les soutiens qui leur viennent de l’Europe.« Seules la Pologne et la Lituanie sont vraiment nos avocats », regrette l’écrivain. Article de Marc PENNEC.
(1) Le Pingouin, Points, 273 pages, 6,50€. Le dernier amour du président, Liana Levi, 527 pages, 23€.
Le maire de Kiev révoqué
Le maire de la capitale urkrainienne a été révoqué, hier, pour avoir ordonné la dispersion violente de manifestants le 30 novembre dernier.