Par Isabelle Regnier
Après sa victoire aux Golden Globes pour un rôle dramatique, la Française sera cette fois face à Emma Stone, également couronnée, pour « La La Land », côté comédies.
La liste des nominations aux Oscars 2017 est tombée, mardi 24 janvier en début d’après-midi et, de ce côté de l’Atlantique, la grande nouvelle est sans conteste la présence d’Isabelle Huppert dans la liste des actrices retenues. Deux semaines après avoir remporté le Golden Globe de la meilleure actrice dans un rôle dramatique pour sa performance dans Elle, de Paul Verhoeven, voilà donc la championne dans les starting-blocks pour la distinction hollywoodienne suprême.
Dans le dernier round de ce match médiatico-diplomatique qui a débuté avec les festivals nord-américains de la fin de l’été (Toronto, New York, Londres…), elle sera en concurrence avec Ruth Negga (pour Loving, de Jeff Nichols), Natalie Portman (pour Jackie, de Pablo Larrain), Emma Stone (pour La La Land, de Damien Chazelle) et Meryl Streep (pour Florence Foster Jenkins, de Stephen Frears).
La manière dont elle a su s’imposer, portant fièrement les couleurs d’un film sulfureux – l’histoire d’une femme qui s’engage dans une relation de séduction perverse avec celui qui l’a violée – réalisé par un cinéaste qui ne l’est pas moins – conspué par la critique après Starship Troopers et traité de fasciste, définitivement répudié après le fiasco financier de Showgirls –,prouve, en tout état de cause, qu’elle est à la hauteur du défi.
Soutenue par Sony Classics, distributeur du film aux Etats-Unis, qui lui a organisé minutieusement son planning de rencontres avec la presse, cocktails glamour et autres dîners de galas, Huppert a su séduire les votants alors même que le film n’a pas été retenu pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Qu’elle remporte ou non l’Oscar le 26 février, cette nomination est d’ores et déjà une victoire pour cette actrice à la carrière éblouissante et internationale, mais dont les rapports avec les Etats-Unis ont toujours été houleux. Venue pour la première fois y tourner en 1979 à la demande de Michael Cimino pour jouer une petite maquerelle de l’Ouest dans La Porte du paradis, chef-d’œuvre maudit dont les dépassements de budget ont précipité la fermeture du studio United Artiste, elle a frôlé la gloire en 2001, au moment de La Pianiste,de Michael Haneke.
Alors que la presse la tenait pour une sérieuse candidate à l’Oscar, le film s’est avéré inéligible pour des raisons techniques – un dépassement de délai imputable à une négligence du distributeur américain –, a-t-elle confié ce mois-ci à Vanity Fair.
Monument d’opacité
Il faut croire que le personnage qu’elle joue dans Elle, monument d’opacité, de passion sadomasochiste, de puissance brute et d’humour froid, qui condense de nombreuses facettes de son génie, a excité l’Amérique. Et que le numéro d’enthousiasme exalté auquel elle s’est livrée en recevant son Golden Globe a fait le reste.
L’autre fait saillant de cette liste de nominations est la persistance du raz-de-marée La La Land, qui engrange à lui seul 14 nominations – égalant le record de Titanic (1998) et de All about Eve (1951). A ce titre, et si l’on se fie aux choix des jurés des Golden Globes qui lui ont attribué le prix de la meilleure actrice de comédie ou de comédie musicale, Emma Stone est sans doute la concurrente la plus dangereuse pour Isabelle Huppert.
Nommée dans la catégorie du meilleur film, la comédie musicale de Damien Chazelle jouit d’une très forte cote, mais les jeux sont encore ouverts, et on pourrait aussi bien voir couronné un des six films suivants : Premier Contact du Canadien Denis Villeneuve, Fences,de Denzel Washington, Tu ne tueras point, de Mel Gibson, Comencheria, de David Mackenzie, Les Figures de l’ombre, de Theodore Melfi, Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan, Lion, de Garth Davis, ou encore Moonlight, de Barry Jenkins.
La France, qui avait choisi Elle pour porter ses couleurs (film réalisé par un Néerlandais, mais en langue française, et produit par un Français, Saïd Ben Saïd) n’est donc pas représentée parmi les candidats à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Elle concourt, en revanche, pour celui du meilleur film d’animation, avec Ma Vie de courgette, de Claude Barras, qui affronte Kubo et l’armure magique, de Travis Knight, La Tortue rouge, de Michael Dudok de Wit (coproduit par des Français), Zootopie, de Byron Howard et Rich Moore, et Vaiana, la légende du bout du monde, de John Musker et Ron Clements.