Le « made in France » peine à relancer les ventes de sous-vêtements masculins
Par Juliette Garnier - Le Monde
Le succès des slips fabriqués dans l’Hexagone échappe aux hypermarchés, le premier circuit de vente.
Le succès du Slip français fait tourner les têtes. Tous les fabricants de sous-vêtements, réunis au Salon international de la lingerie, qui se tient à Paris du samedi 20 au lundi 22 janvier, rêvent de rencontrer le succès de Guillaume Gibault. La marque qu’il a fondée en 2011 a doublé son chiffre d’affaires en 2017, à 15 millions d’euros. Elle atteint, pour la première fois, l’équilibre d’exploitation. « En 2018, les ventes excéderont 25 millions d’euros », assure Emmanuel Pradère, cofondateur d’Experienced Capital, fonds actionnaire du Slip français depuis 2016.
La marque est parvenue à convaincre les Français de dépenser plus pour enfiler tous les jours un slip fabriqué dans l’Hexagone. Son challenger, Garçon français, marque fondée par Vicky Caffet à la fin de 2012, profite aussi de cette mode, qui oblige à dépenser entre 30 et 40 euros pour un sous-vêtement.
Leurs sous-traitants s’en frottent les mains. A Troyes, dans l’Aube, Garçon français fait tourner deux PME, dont EMO pour ses sous-vêtements. Dans le Nord, autre creuset de la bonneterie, Lemahieu, fournisseur du Slip français, a vu son activité croître de « 15 % en 2017, après 11 % en 2016 », annonce Edith Lemahieu, directrice générale de la PME fondée en 1947 à Saint-André-lez-Lille. Elle estime que « 2018 sera [leur] troisième année de progression. Ce sera au moins 11 % ». L’entreprise, qui emploie cent personnes, embauche en conséquence. A l’autre bout de la France, à Sauve (Gard), l’usine Eminence, autre sous-traitant du Slip français, fait de même.
Guerre des prix
Mais le succès de ces produits chers ne suffit pas à raviver le marché. En 2017, les ventes sont restées stables en volume, et « ont reculé de 4 % en valeur », souligne Hélène Janicaud, directrice du service fashion du cabinet d’études Kantar Worldpanel. En filigrane, les difficultés des hypermarchés : ils ne représentent plus que 8 % des ventes de mode en France, contre « le double il y a une dizaine d’années », rappelle Mme Janicaud.
Outre les Primark, H&M et Kiabi, les hypermarchés sont désormais concurrencés par les champions des petits prix, dont Stokomani, Action ou Lidl. En 2017, Casino, Carrefour, puis Leclerc ont répliqué, en ravivant la guerre des prix. A tel point que le coût moyen d’un slip a chuté à 5 euros, selon Kantar Worldpanel. Soit six à huit fois moins que le prix d’un boxer fabriqué en France.
« Compenser la morosité du marché »
« Il faut compenser la morosité du marché en signant des innovations », prône Dominique Seau, PDG d’Eminence, également fournisseur de la grande distribution. La marque lance de nouvelles gammes techniques pour les sportifs.
Un défi que relève aussi Spartan. La start-up – fondée en 2016 par trois jeunes diplômés de HEC, d’AgroParisTech et de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris, Arthur Ménard, Thomas Calichiama et Pierre-Louis Boyer – vient de signer une seconde levée de fonds, portant à 1 million d’euros ses fonds propres pour accélérer son développement.
Bpifrance et Wilco, « accélérateur de start-up d’Ile-de-France », ont été convaincus par son slip fabriqué dans un fil d’argent propre à protéger les testicules des ondes magnétiques des téléphones portables jugées nocives pour la fertilité masculine. La PME a cependant renoncé à une fabrication en France, préférant un atelier portugais. Selon Thomas Calichiama, produire dans l’Hexagone aurait trop grevé ses prix de revient.