La Demeure du Chaos
Bon, j'ai enfin compris le jugement de 25 pages de la Cour
d'Appel de Grenoble. Après 5 re-lectures, ce jugement réservé aux Bac +18
(incluant le Doctorat en Droit) se résume finalement assez bien. Selon l'arrêt
de Grenoble, l'oeuvre d'art n'a aucun droit d'exister de manière autonome sur
l'espace public. Elle doit se conformer impérativement au plan d'occupation des
sols et autre plan local d'urbanisme. Elle doit répondre au nuancier de
couleurs de la région, voire avec une monochromie conforme à la couleur
d'enduit du coin. L'œuvre d'art doit être en parfaite harmonie avec les
pavillons des années 80 et les pierres dorées. Et des comme ça en pire, j'en ai
sur plus de 12 pages.
Pour faire court, on enlève donc à l'oeuvre d'art tout ce
qui la distingue de l'urbanisme : sa singularité, l'empreinte de son auteur,
ses signes distinctifs, sa forme, son médium, son sujet. Pour aller plus loin,
je pense sincèrement que je n'ai jamais vu d'écrits aussi mortifère sur les
conditions d'existence de l'œuvre d'art en France
Cet arrêt par lequel je forme un deuxième pourvoi en
Cassation est une véritable condamnation à mort irrévocable du statut de l'œuvre d'art en France. Malraux doit se retourner dans sa tombe. Et c'est
justement parce que ce quatrième jugement de Grenoble est un chef d'œuvre de
technicité juridique, dépourvu de toute sensibilité humaine qu'il est si dangereux.
Nous avons dans les mains, une jurisprudence pour killer toute forme de
création artistique.
Concernant la liberté d'expression, on atteint alors des
sommets dans le jugement. Là aussi je vais faire court : Oui monsieur Ehrmann,
vous pouvez vous exprimer à l'intérieur de chez vous mais ne venez surtout pas
troubler l'espace public ou le regard d'autrui. C'est un peu comme si on
demandait à un musicien d'aller donner un concert en plein désert. Je l'ai dit,
je le répète, le Tribunal suprême est l'histoire de l'art, et ce Tribunal a
déjà jugé la Demeure du Chaos ; ce que peut être n'ont pas pu accepter avec
humilité, la Cour d'Appel de Grenoble.
Quant à l'avocate générale qui me traite de terroriste
intellectuel, son réquisitoire implacable de deux heures traduit un rejet
absolu de toute sensibilité artistique, voire pire, de toute forme de liberté
d'expression. Les journalistes européens et étrangers qui ont suivi le procès
étaient effarés que la France puisse pendant plusieurs jours dans le cadre d'un
procès historique éteindre toute forme de débats sur l'oeuvre d'art et son
statut juridique pour écouter notamment des témoins tels que le directeur des
affaires pénales de la DDE, ou l'ABF, où leurs interventions et la tristesse de
leurs propos auraient poussé au suicide un hypomaniaque.
Je vous mettrai en ligne dans quelques jours l'intégralité
des minutes que nous sommes en train de remettre au propre. Pour ceux et celles
qui ont pris des notes, n'hésitez pas à me les envoyez sur contact @ demeureduchaos.org.
Ce procès historique est hélas, tout à fait dans l'air du
temps, Tarnac, lois d'exception, durcissement des lois sur la presse, contrôle
de l'Internet, fichage, etc… Je constate quand même que ce jugement donne
raison à une bande de réacs haineux pour détruire 3123 oeuvres depuis 1999 et
qui au passage se moque éperdument des 81 000 signataires de la pétition et des
312 000 visiteurs depuis notre ouverture gratuite en 2006.
Comme je le disais sur les télévisions et les journaux,
"mieux vaut mourir pour ses idées que de trahir sa philosophie". Ce
n'est peut être pas pour rien que nous avons peint avec Cart'1 le procès de
Socrate en géant sur sept mètres de haut vers le Temple protestant.
Comme je l'ai répété aux télés, que les fachs, les réacs,
ennemis de la Demeure du Chaos ne se réjouissent pas trop vite, je leur ferai
connaître l'enfer millimètre par millimètre, seconde par seconde, ce sera
"Les Rivières Pourpres" en respectant les règles républicaines . Il
est évident que l'histoire de la Demeure du Chaos se traduira in fine par un
jugement en notre faveur contre la France à la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Je suis en train de devenir un incollable de la
jurisprudence de l’article 10 de la convention européenne des Droits de l’Homme
sur la liberté d’expression et de la procédure relative à la C.E.D.H.
Finalement, ce procès nous révèle une société française à l'agonie, usée, laminée par une normalisation mortifère où toute forme d'expression ou de création artistique est considérée comme un crime ou un délit.
Thierry Ehrmann
Photo JS.La Demeure du Chaos vue de l'extérieur.
Photo JS.La Demeure du Chaos vue de l'extérieur.
Photo JS.La Demeure du Chaos vue de l'extérieur.