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Jours tranquilles à Paris
22 juillet 2006

LA PHOTOGRAPHIE ENGAGEE

Alors que ces dernières années des expositions ont été consacrées aux photographes James Nachtwey, Robert Capa et Sebastião Salgado, et que débutent le 4 juillet les Rencontres internationales de la photograhie d'Arles 2006, parrainées cette année par Raymond Depardon, arrêtons-nous sur quelques images dites d'actualité et voyons ce qu'elles nous disent sur le monde.

La photographie de presse informe, rend compte d'un événement et fait sens du monde par l'image. A son apogée dans les années 1970-1980, elle est représentée par  Henri Cartier-Bresson et Raymond Depardon. Ces photographes humanistes ont laissé un héritage très fort et ont conditionné toute une façon de voir le monde. A l'heure où l'on proclame sans cesse la mort du photojournalisme, voyons où en est réellement la photo de presse actuelle. Qui sont ces photographes qui risquent encore leur vie quotidiennement pour informer ? Quels sont les sujets abordés ? La photographie amateur anonyme, dont le point culminant a été atteint avec les photographies de torture d'Abou Ghraïb, menace-t-elle le travail de ces professionnels ? Dans un univers médiatique dominé par le flot continu d'images télévisuelles, la "photographie engagée", du nom de l'exposition qui a eu lieu du 3 mai au 12 juin 2006 à la BNF, est-elle représentée ?


Les pères fondateurs de la photographie humaniste

Tout le monde a en tête les photographies emblématiques de la guerre au Vietnam, du républicain espagnol de Robert Capa (auteur de la photo ci-contre) fusillé net les bras en croix, en 1936. Sacré par le Picture Post comme "le plus grand photographe de presse du monde" pour son travail en Espagne, Capa deviendra une figure légendaire du reportage photographique. Il fondera par la suite avec Henri Cartier-Bresson, David Seymour et George Rodger, l'agence coopérative Magnum dont il sera le président. Fondée sur une tradition de photographie humaniste engagée, l'agence existe toujours aujourd'hui. Robert Capa mourra en reportage en Indochine, victime de l'explosion d'une mine en 1954. Celui qui disait "Si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près" est mort de vouloir trop saisir l'instant.


Quelques successeurs

Mais ces images datent toutes aujourd'hui. Et d'autres noms se sont ajoutés à ces photoreporters mythiques. Des gens comme Raymond Depardon, James Nachtwey, Sebastião Salgado (auteur de la photo ci-contre) ou encore Stanley Greene sont ce que l'on appelle des "photographes engagés" mais alimentent malheureusement plus les cimaises que les journaux. Exposés régulièrement, ces reporters sont aujourd'hui les dignes représentants de la photographie d'information actuelle. Raymond Depardon, fondateur de l'agence Gamma avec Caron, a notamment fait de superbes photos sur le Chili d'Allende pour lesquelles il a reçu le prix Robert Capa et mène une carrière de cinéaste en parallèle. Ramenés d'Afghanistan, de Bosnie, de Tchétchénie, du Rwanda, de Roumanie, du Kosovo, de Somalie, du Sud Soudan, de New York ou de Palestine, les photos de James Nachtwey jouent toutes d'une esthétique visuelle dramatisante. La démarche de Nachtwey est de témoigner de la douleur qu'il rencontre dans les pays en guerre et de la montrer afin que chacun en prenne conscience et ne soit pas indifférent aux souffrances que certains peuvent vivre. Les images de Salgado sont à part. Souvent critiqué pour le soin et l'esthétisme qu'il met pour photographier la misère humaine, il se distingue par ce désir de faire de "belles" photos. Autant dans leur contenu esthétique et informationnel que sémiologique. Stanley Greene, quant à lui, a photographié pendant 10 ans la guerre en Tchétchénie. Ces photos sont réunies dans le livre intitulé 'Plaie à vif'. Toutes ces photographies sont le résultat d'un long travail sur l'image et du désir intense des photographes de témoigner et de rapporter ce qu'ils ont vu.


Les photos chocs d'Abou Ghraïb

Un phénomène apparu ces dernières années est venu troubler le travail des photoreporters. Il s'agit de la photographie amateur et anonyme. Le 21 avril 2004, la chaîne de télévision américaine CBS diffusait dans son émission '60 Minutes', 6 photos chocs prises par des soldats de l'armée américaine dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb. Cette révélation de la torture, exercée par le pays le plus riche qui se présente comme un modèle de civilisation, poussera tous les médias dans une course effrénée à l'image pour diffuser d'autres clichés pris en mode numérique. L'apparition subite de l'anonyme dans la sphère médiatique ne fera que compliquer le travail déjà très difficile des photographes engagés. Prises sans aucune considération éthique ou esthétique, les photos amateurs n'ont pas pour but d'informer mais de choquer et de circuler dans les médias. Dès lors, on n'a cessé de voir se multiplier, au sein des journaux télévisés et de la presse écrite, des images prises avec des appareils photo numériques ou encore avec des téléphones portables. Si ce phénomène ne doit pas inquiéter quant au bien-fondé du travail des photoreporters, on ne peut que se questionner quant aux apparitions subites et incontrôlées d'images souvent très violentes.


Le "happy slapping" : un phénomène de société

Dérive des images d'Abou Ghraïb, le "happy slapping" apparu en 2004 à Londres, se répand de plus en plus. Le "happy slapping" suppose une agression contre un passant, souvent dans les bus ou les métros, par un groupe d'adolescents. L'incident est filmé par un téléphone portable numérique, est diffusé sur Internet et peut être regardé. Toutes ces images amateurs, aussi nombreuses que vides de sens, alimentent plus les médias que la "photographie engagée". Force est de constater que les stars de l'information sont les photos amateurs et les photos d'agences, moins chères et disponibles immédiatement.


Une éthique de l'engagement

D'autres photographes, moins connus aujourd'hui, apparaissent sur la scène de l'information. Lizzie Sadin, Philip Blenkinsop (auteur de la photo ci-contre), Eric Dexheimer, Jane Evelyn Atwood et Guillaume Herbaut entre autres, en font partie. A travers le regard de ces photographes, nous sont présentés des événements tragiques comme la violence qui est faite aux Hmongs, au Laos. Utilisés pendant la guerre du Vietnam par la CIA contre les communistes vietnamiens puis laotiens, les Hmongs ont été abandonnés à leur triste sort. Depuis plus de 25 ans, ils vivent cachés dans des conditions d'extrême pauvreté dans les forêts laotiennes. Pour ce travail sur la région du Vietnam Nord, Philip Blenkinsop a reçu le prix SCAM Roger Pic 2004. La condition des femmes (en prison et les violences conjugales), les banlieues, la guerre en Irak, les réfugiés climatiques, la Palestine, le Rwanda, ou Tchernobyl sont aussi largement traités par la photo d'actualité.
Tous ces photographes travaillent dans des conditions économiques extrêmement difficiles mais n'en demeurent pas moins les témoins de l'Histoire et proposent avec leurs images les derniers tableaux. "Photographie et engagement, un pari nécessaire et utile pour parler du monde et l'aimer", disait Depardon.

Héloïse Padovani pour Evene.fr - Juillet 2006

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Commentaires
T
Cet article m'interpelle... j'arrive pas à dire si ça me dérange ou si c'est bien... mais il ne me laisse pas indifférente.. bein sur qu'on a besoin des médias, mais est ce qu'on pourrait pas vivre mieux s'ils ne nous gachaient pas la vie... J'arrive pas à dire si on doit arrêter de nous donner tant d'informations ou si c'est vraiemnt utile!! La question reste en suspens pour moi!!!<br /> <br /> Merci <br /> Merlin pour ce ptit article..il trouve son utilité je pense...<br /> <br /> milles bisous..<br /> la tite fée
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