Quand les futurs donateurs regardent ailleurs
Nombreux sont ceux qui, de leur vivant, se soucient du
devenir de leurs archives. Ainsi Marc Riboud, cinquante ans d'une grande
carrière, un des derniers fabricants d'icônes photographiques, est sur le point
de conclure un projet de donation de son oeuvre en province. Le bénéficiaire ne
sera donc pas l'État. « Je n'ai rien contre lui, mais il souffre d'une
organisation qui n'est pas fonctionnelle. Pour un photographe, ce qui importe,
c'est l'exploitation de son fonds, pas seulement la conservation.
L'exploitation permet de pérenniser une oeuvre qui continuera ainsi à rayonner
après la mort de son auteur. Il faut néanmoins qu'une donation soit bien
étudiée. Rien ne sert de donner des milliers de négatifs sans se soucier de ce
que l'on va faire avec. C'est pour cela que j'y travaille depuis un an et demi
avec mes interlocuteurs. Nous négocions chaque détail pour que tout le monde y
trouve son intérêt. » Avec cette donation, il souhaiterait aussi promouvoir le
travail de photographes dont il se sent proche, une manière de pérenniser un
lieu d'exposition dédié à la photographie qu'il a toujours défendue.
La photographe Janine Niepce, l'une des figures de la photographie
humaniste, qui fait actuellement l'objet d'une exposition à la Bibliothèque
nationale, à Paris, site Richelieu, revendique de
son côté un fonds très riche sur la société française depuis 1944, sur
l'histoire et l'évolution des femmes en particulier. « J'ai été sollicitée par
plusieurs musées américains grands amateurs de l'école humaniste française.
Mais je rechigne à ce que mes photos partent pour l'étranger. Je suis
aujourd'hui dans l'expectative. »
Une perte pour la France
De son côté, après avoir accepté de nombreuses donations, l'État français peine à séduire de nouveaux photographes. Il peut même les décourager. Le petit milieu de la photographie se souvient encore de la donation de Helmut Newton, un ensemble de clichés que le célèbre artiste d'origine allemande souhaitait ardemment léguer à la France en 2003, peu de temps avant sa mort. L'affaire ne s'est jamais conclue, butant sur les modalités pratiques et une incompréhension certaine entre les deux parties. On en mesure aujourd'hui la perte pour la France, car Helmut Newton a fini par tout donner à sa ville natale, Berlin, en octobre 2003. La réponse n'a pas tardé. Moins d'un an après la mort du photographe, survenue en janvier 2004, la capitale allemande inaugurait la Fondation Helmut-Newton, consacrée à ses oeuvres. Son succès public a été immédiat.