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Jours tranquilles à Paris
3 décembre 2011

LE MUSÉE MAILLOL RESSUSCITE POMPÉI

Jaillis du volcan

Par Maxime Rovere

Pour son exposition de rentrée, le Musée Maillol reconstitue l'atmosphère raffinée d'une maison de Pompéi. Puisant dans les collections du musée archéologique de Naples et dans les réserves de fouilles encore en cours, l'exposition déploie du sol au plafond tout le panel des séductions antiques.

Les murs s'écroulent, un volcan s'éveille : exactement un an après l'effondrement, en novembre 2010, de la « Maison du gladiateur » puis du mur d'enceinte de la « Maison du moraliste » à Pompéi, quelques fleurons du fragile patrimoine de la ville antique trouvent refuge à Paris. Impossible de parcourir l’exposition du Musée Maillol sans y penser : le sentiment de la catastrophe imminente plane sur les témoignages qui nous racontent l'existence paisible des hommes du Ier siècle avant J.-C. À mesure que les habitants de Pompéi reprennent vie, les peurs contemporaines se réactivent. Le 24 août 79 – date de l'éruption du Vésuve qui engloutit Pompéi – se télescope avec le 11 septembre 2001 ou avec le 11 mars 2011 (date du tsunami entraînant l’accident de Fukushima), et il nous semble que le prochain désastre, naturel ou culturel, nous guette déjà. Les témoignages de la beauté et du raffinement pompéiens n'en sont que plus poignants. Derniers émois avant la catastrophe

L'intimité romaine

C'est une exposition d'atmosphère : il s'agit moins de montrer des œuvres (sculptures, peintures à fresque, objets d'art…) que d'accueillir le visiteur dans une maison romaine. Luxe – la superficie d'une domus variait entre 300 et 3000 m2 ! – calme – on reçoit dans l'atrium, sorte de cour intérieure en retrait du monde – et volupté – le repas commence entre 15 et 16h et dure jusque tard dans la nuit… Éclairé par des panneaux qui indiquent l'usage de chaque pièce, le musée réussit parfaitement sa métamorphose en maison pompéienne, sans reconstituer le mobilier ni jouer le mimétisme. Nouvelle machine à remonter le temps, l'exposition est faite pour la rêverie, notamment dans le triclinium, destiné aux banquets, où l'on mangeait couché parmi les fresques. Ici, c'est un génie ailé, là, une amazone assise. Dionysos apparaît à Ariane qui l'aime, qu'il a abandonnée. L'éclairage rasant met merveilleusement en valeur les touches de pinceau sur l'enduit.

Arts vivants

On retrouve donc avec plaisir les merveilles de l'art antique descendues de leurs socles, devenues familières, accessibles. Parmi les instruments domestiques, on découvre des formes d'objets proches des nôtres, d'autres plus spécifiques ; le cratère où l'on mélangeait l'eau et le vin pourrait efficacement servir de seau à champagne… Qui a dit que l'imaginaire antique était liquidé ? Que les révolutions de l'art au XXe siècle nous avaient coupé des traditions gréco-romaines ? Plus loin, le petit bestiaire blanc des fontaines – grenouille, tortue, dauphin – côtoie les statues d'éphèbes en bronze aux lèvres cuivrées. Hors du péplum en noir et blanc prudemment projeté dans l'entrée, rien ici n'est kitsch – car en réalité, aucun objet n'est autonome, aucun ne se pose en œuvre d'art, mais tous participent d'un même monde enchanté. Par conséquent, si l'on apprécie la facture d'une fresque plutôt que d'une autre, cette hiérarchie s'établit sur le seul critère du plaisir et non selon les codes des beaux-arts. La plus belle sculpture exposée est sans doute la table en marbre dont le pied montre le satyre Silène portant dans ses bras Dionysos enfant. Ce meuble troublant, étrange, à la fois sensuel et spirituel, monstrueux et tendre, se termine en patte de lion. Tout Pompéi est là – ou bien dans ce panneau mythologique où un satyre en érection dévoile une ménade endormie.

L'ombre de la mort

Mais les pièces les plus bouleversantes demeurent les célébrissimes moulages des corps réalisés à partir de 1863 par Giuseppe Fiorelli : directeur des fouilles à Pompéi, Fiorelli eut l'idée de faire couler du plâtre dans le vide que les corps avaient laissé dans la cendre. Ces instantanés en trois dimensions, admirablement présentés dans un austère recoin noir, sont décidément saisissants. Les commissaires ont choisi de les placer au début de l'exposition – manière de suggérer que l'art triomphe même de la mort. Mais il y a plus. Toutes ces fouilles (d'ailleurs encore en cours, malgré de faibles subventions) ne sont-elles pas aussi un cadeau de la catastrophe ? Les centres tombées sur Pompéi l'ont figée dans l'éternité, et les fleuves de lave l'ont menée au musée Maillol, jusqu'au 12 février.

Exposition « Pompéi. Un art de vivre. »

Voir mes précédents billets : 24 août 2006, 24 août 2007, 24 août 2009, 10 mai 2011, 22 septembre 2011

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