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Jours tranquilles à Paris
12 février 2014

Ils sont vraiment fichus, nos mouchoirs en tissu ?

Au propre comme au figuré, il est tout sauf banal, notre vieux tire-jus en tissu. Il disparaît pourtant, chassé de nos poches par sa version jetable. À Cholet, la capitale du mouchoir, le musée du Textile a sauvé une machine à tisser. Mais cette petite production ressemble déjà à de l’archéologie industrielle…

Tout le monde se mouche. Ce n’est pas trivial, juste de saison. Même Juliette Gréco vide son joli nez lorsqu’il est plein. Dans un doux carré de tissu blanc ourlé de dentelle. Hors de question qu’un vulgaire papier irrite sa peau… Alphonse Julien, 82 ans, joueur de pétanque du village de Kerivoal, dans le Finistère, est de la même école.« Jamais essayé les mouchoirs en papier. C’est pas à mon âge que je vais changer ! » Sa copine Marguerite Le Droff, dite Guiguitte, le comprend :« Ah les mouchoirs que ma mère parfumait à l’eau de Cologne ! Les Kleenex, c’est plus hygiénique, peut-être. Mais ça évoque moins de souvenirs ! » Jadis, il y avait les« mouchoirs du dimanche » , carreaux rouges pour les paysans, bleus pour les ouvriers, jaunes pour les priseurs de tabac. Un carré de 30 cm sur 30 pour les femmes, 43 sur 43 pour les hommes, selon un décret de Louis XVI… Alphonse et sa bande font figure de dinosaures, aux yeux de leurs petits-enfants, tous convertis au tire-jus américain. La France a longtemps résisté. En 1990, alors que le Yankee moyen consommait 1 200 mouchoirs papier par an, le moucheur hexagonal n’en jetait que 160 après usage. Mais la version cellulose devrait rafler la mise au XXIe siècle. La fracture générationnelle est nette. La plupart des moins de trente ans n’ont jamais vu leurs parents acheter un carré de tissu.« Mais c’est dégueu !, déclare Flavie Martin, Nantaise de 17 ans.Qu’un mouchoir sale puisse être lavé en même temps que mes fringues ? » Cholet, capitale du mouchoir, a sauvé un lieu de fabrication… au musée !« Qu’ils ne comptent pas sur moi pour relancer la production, marre de repasser », assène Évelyne Tremblay, licenciée de la confection des Mauges lorsque celle-ci a migré vers les pays pauvres. Le coût du lin (très absorbant) mélangé au coton (qui gratte moins), la fin des trousseaux de mariage, l’inégalité des tâches ménagères et surtout la chasse aux miasmes finiront par avoir raison du tissu.« À condition de jeter vraiment son Kleenex après usage, relève un médecin interrogé. Je vois beaucoup de patients le remettre en poche ! » Et si, à l’instar des couches lavables, le vrai mouchoir revenait… Article de Christelle GUIBERT.

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