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Jours tranquilles à Paris
18 avril 2014

Pompéi tombe en ruines, l’Italie se désole

Le site archéologique de Pompéi, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, est-il en péril ? Les écroulements de murs de maisons antiques se sont multipliés ces trois dernières années. L’Italie a été rappelée à l’ordre par l’Union européenne.

Umberto, gardien du plus grand site archéologique du monde, montre un alignement de pierres blanches incrustées dans les larges pavés.« Ça, c’était la signalétique de l’époque romaine. La lumière de la lune s’y reflétait et servait à s’orienter de nuit dans les rues de Pompéi. » Une trouvaille qui lui sert toujours pendant ses gardes nocturnes, plus de 2 500 ans après la fondation de la cité romaine. Umberto pourrait arpenter les rues désertes du site les yeux fermés. Il ne craint ni les ombres des chiens errants ni les restes des anciens habitants de Pompéi.« Vous voyez ici ? C’est une femme enceinte », explique-t-il en montrant du doigt ce qui ressemble à une statue. En fait, une dépouille calcifiée après l’éruption du Vésuve, en 79 après J.-C. Imperturbable, le gardien du site nous montre cette fois des ossements. Sans doute ceux de malfaiteurs pris au piège par une seconde explosion du volcan alors qu’ils cherchaient à piller la cité. L’impassible Umberto se désole en revanche devant les grilles fermées de certaines domus (maison), 25 en tout, en cours de restauration ou restaurées depuis des années, mais restées fermées au public.« Voilà la Casa dei Vetti, la plus belle de Pompéi. Elle est fermée depuis environ treize ans… » Lenteurs bureaucratiques, manque de personnel de surveillance, dégradations dues aux infiltrations d’eau et au manque d’entretien général font que le site de Pompéi est aujourd’hui l’ombre de ce qu’il fut dans le passé.« Je ne me rappelle pas qu’autant de maisons étaient fermées il y a dix ans », raconte Laure, une Française passionnée d’archéologie. Pourtant, Pompéi continue d’attirer plus de deux millions de visiteurs chaque année. En cet après-midi printanier, les rues grouillent de touristes émerveillés. En italien, français, anglais, chinois ou russe, les guides racontent à l’infini comment Pompéi a disparu sous les cendres du Vésuve le 24 août 79, et comment ce trésor caché ne fut découvert qu’à partir du XVIIIe siècle. Depuis 1748, les fouilles archéologiques se sont progressivement élargies sur 44 hectares. Un site aujourd’hui difficile à entretenir. Récemment, après de fortes pluies, des pierres de l’arc du temple de Vénus et d’un mur de la nécropole de Porta di Nocera sont tombées. Au cours des trois dernières années, la maison des Gladiateurs, la maison du Moraliste, la maison de Loreius Tiburtinus, la villa des Mystères ont elles aussi été endommagées par les intempéries.

« Facile de crier au loup »

L’Unesco et l’Union européenne ont rappelé l’Italie à l’ordre, à plusieurs reprises, l’exhortant à« prendre soin de Pompéi, lieu emblématique pour l’Europe mais aussi pour le monde ». « C’est un peu facile de crier au loup, se défend le surintendant actuel du site, Massimo Ossana.En réalité, énormément de travail est fait, mais ça ne se voit pas. Des travaux de manutention sont effectués sur les maisons affectées par des éboulements et en parallèle le Grand Projet Pompéi vise à la restauration du site d’ici à 2015. » Lancé en grande pompe en 2012, il prévoit la restauration complète de cinq domus et la mise en sécurité des édifices. Mais en deux ans, sur 55 projets en tout, si quatorze ont fait l’objet d’appel d’offres, seuls cinq chantiers ont démarré. Et pour l’instant, une seule maison a été restaurée. Cause de ces atermoiements : les lenteurs administratives liées aux appels d’offres, aux contrôles antimafia et aux recours des entreprises dont le projet a été débouté. Le Grand Projet Pompéi a été doté d’un budget de 105 millions d’euros dont 42 millions financés par l’Union européenne. Le gouvernement italien vient de débloquer 2 millions d’euros pour des interventions d’urgence. Mais en réalité, ce n’est pas l’argent qui manque, selon un responsable syndical qui dénonce en revanche des erreurs dans la gestion des fonds. Chiffres en main, Antonio Peppe explique que la billetterie du site rapporte environ 20 millions d’euros par an. Une somme considérable, qui s’ajoute aux subventions européennes et autres financements publics. Cette mine d’or pourrait-elle attiser les appétits de la mafia qui gangrène l’arrière-pays de Naples ? Cette hypothèse, souvent évoquée dans la presse, est écartée d’un revers de la main par le syndicaliste.« Les seules infiltrations que j’ai vues ici ce sont les infiltrations d’eau. Je vis ici depuis toujours, et je n’ai jamais vu un mafieux se promener dans les ruines de Pompéi, ironise-t-il.La seule chose à faire aujourd’hui pour garantir l’avenir du site, c’est d’engager des ouvriers pour l’entretien. » Il y a urgence à intervenir.« À la dégradation et au traitement que l’Italie réserve à Pompéi, on associe désormais l’image d’une nation entière », déplore Antonio Irlando, avocat passionné d’histoire. Mais les misères et mystères de Pompéi font aussi partie du charme du site touristique le plus visité d’Italie. Texte de Mathilde AUVILLAIN.

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