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Jours tranquilles à Paris
31 juillet 2014

In memorem : Cent ans après sa mort, Jaurès fait l’unanimité

Assassiné le 31 juillet 1914, le tribun et philosophe est devenu l’icône d’un socialisme humaniste et pacifiste, dont toute la classe politique continue à se réclamer.

Entretien

Bruno Fuligni, écrivain, historien, maître de conférences à Sciences-Po.

Dans votre anthologie (1) vous recensez un certain nombre de discours, de publications de Jean Jaurès. En quoi ces textes sont-ils toujours actuels ?

Jean Jaurès tentait de comprendre son époque, son environnement à travers ses raisonnements et en les mettant au présent. Ses interrogations sont celles du monde moderne : quelle est ma place dans la société ? Quelle est ma liberté ? Estce que j’ai une place individuelle ou est-ce que je ne peux appréhender mon espace de liberté que collectivement ? Son exigence sur la justice est aussi fondamentale et toujours vive aujourd’hui.

Pourquoi Jaurès est-il toujours aussi présent dans la mémoire collective ?

Jaurès a quitté ce monde d’une façon pour le moins spectaculaire. Il est en quelque sorte le premier mort français de la Grande Guerre. Tous les hommes politiques n’ont pas quitté la scène par un coup de feu tiré dans le dos. Même ses adversaires comme le député nationaliste Maurice Barrès étaient choqués le soir du 31 juillet 1914. Son assassin Raoul Villain a « rendu service » à Jaurès pour sa mémoire. Peut-être que s’il n’avait pas été tué ce soir-là, il aurait pris des positions plus médianes, il aurait été obligé de cautionner l’Union sacrée, ou se serait retiré de la politique. Son souvenir aurait été alors moins éclatant.

Il est aussi récupéré par beaucoup de partis politiques…

C’est le lot commun des grandes figures. Il a joué un rôle éminent dans l’Histoire et suscite l’adhésion. La pensée de Jaurès est vaste : la récupération peut être naturelle, parfois alambiquée, voire malhonnête. Cette vénération du grand homme est à double tranchant : cela peut avoir un côté touchant et sympathique, mais aussi bêtifiant. Même le régime de Vichy avait tenté de récupérer Jaurès : Pétain considérait qu’en tant que pacifiste, il aurait pu être l’apôtre de la Collaboration. Plus récemment, on a fait de lui le prophète de la préférence nationale, ce qui est ridicule puisqu’il était internationaliste. On connaît très peu Jaurès le philosophe. On identifie sa tête, sa barbe, son chapeau, mais sa pensée est complexe. Il faut se plonger dans ses textes. Recueilli par Mathilde SIRAUD.

(1)    Le monde selon Jaurès, Bruno Fuligni, Éditions Tallandier, 18,90 €

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