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Jours tranquilles à Paris
24 avril 2015

Génocide Arménien

1,3 million d’Arméniens déportés et massacrés

Les dates

Janvier 1915. L’Empire ottoman, allié de l’Allemagne et de l’Autriche, est défait par la Russie à Sarikamish (Caucase). Quelque 120 000 conscrits arméniens de la IIIe armée, considérés comme traîtres, vont être liquidés.Mars. Le gouvernement JeuneTurc (nationaliste), au pouvoir depuis 1908, décide de vider les zones de peuplement arménien du sud et de l’est de l’Anatolie.24 avril. À Istanbul et dans plusieurs villes de l’Empire, des centaines d’hommes politiques, intellectuels et religieux sont arrêtés. Début d’une déportation massive vers les déserts de Mésopotamie.10 juillet. L’armée ordonne aux préfets de l’Est de mettre à mort publiquement les Turcs qui abritent des Arméniens chez eux et de brûler leurs maisons.Février 1916. Ordre d’exécution des Arméniens encore présents en Anatolie et des survivants dans les camps de déportation le long de la vallée de l’Euphrate.

Les chiffres

Près de 2 millions d’Arméniens vivaient dans l’Empire ottoman avant le génocide. Dès les années 1890, des pogroms avaient déjà fait environ 200 000 morts sous le sultan Abdülhamid.Environ 1,3 million d’Arméniens meurent pendant le génocide, qu’ils soient assassinés ou succombent pendant la déportation et dans les camps.Environ 700 000 Arméniens ont survécu en fuyant dans les Balkans et en Russie. Environ 80 000 à Istanbul et 10 000 à Smyrne ont échappé aux arrestations. 100 000 enfants et jeunes femmes ont été enlevés dans les convois puis assimilés.

Les positions

Génocide. La plupart des historiens s’accordent sur le fait que le massacre des Arméniens est le premier génocide du XXe siècle, même si cette notion sera forgée après la Shoah. Vingt-trois pays dont la Russie, la Grèce, l’Argentine et la France (depuis 2001) qualifient les événements de 1915 de génocide. Les États-Unis, l’Allemagne et Israël préfèrent parler d’un massacre de grande ampleur.La Turquie rejette catégoriquement le terme de génocide. Elle parle de massacres réciproques qui auraient fait 600 000 à 800 000 morts. Mais après le raidissement des années 1970-1980, lié notamment aux attentats de l’Armée secrète de libération de l’Arménie (Asala), le tabou s’estompe. En 2005, un colloque universitaire est toléré à Istanbul. En 2008, plus de 30 000 Turcs signent une pétition lancée par des intellectuels, intitulée « Nous leur demandons pardon ». Le 23 avril 2014, le Premier ministre Erdogan adresse des« condoléances aux petits-enfants […] des Arméniens qui ont perdu la vie dans les circonstances qui ont marqué le début du XXe siècle » . B.R.

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« La position négationniste est de plus en plus intenable »

Entretien

Vincent Duclert.

Historien à l’École des hautes études en sciences sociales (1) .

Pourquoi, un siècle après, le génocide des Arméniens met-il toujours les nerfs à vif ?

Les nerfs sont à vifs… en Turquie, dans la mesure où l’État et le pouvoir politique continuent de tenir une position négationniste de plus en plus intenable, au vu de l’unanimité des chercheurs sur la réalité du génocide. Chez les Arméniens, notamment ceux de la diaspora, ce négationnisme est ressenti comme une négation de leur identité et il perpétue une souffrance considérable.

La Turquie n’est-elle pas en train d’évoluer, même très lentement ?

En Turquie même, la vérité progresse effectivement au sein de la société. Environ 100 000 enfants et jeunes filles enlevés à leurs familles détruites, sur les routes de la déportation, ont conservé le souvenir de leurs origines. Ce souvenir resurgit, notamment dans le dialogue avec les petits-enfants. Par ailleurs, un nombre croissant de chercheurs étudient le génocide et contribuent de plus en plus fortement au savoir scientifique sur la question, en dépit des risques certains qu’implique un tel défi à l’État. Aux côtés des précurseurs, l’historien Taner Akçam, la politiste Büsra Ersanli, l’éditeur Ragip Zarakolu, on trouve de plus en plus de jeunes chercheurs courageux et audacieux, en Turquie ou dans les communautés turques de France et d’Allemagne.

La « vérité » d’État, elle, ne change pas ?

Il ne faut pas se leurrer sur les « condoléances » présentées, en avril 2014, par Recep Tayyip Erdogan : elles sont une manière de clore le problème plutôt que d’accepter la vérité historique, de l’enfermer dans l’émotion et la compassion lacrymale. Ainsi, les autorités ont-elles tenté d’organiser, ce 24 avril, une grande commémoration internationale du centenaire du début de la bataille des Dardanelles, afin d’éclipser celle du génocide.

Le regard des Arméniens évolue-t-il en miroir ?

Oui, par le biais de la recherche scientifique, où l’entente est très étroite entre Turcs et Arméniens, comme l’a montré un colloque à la Sorbonne le 25 mars dernier. Parce que les chercheurs ne se définissent pas exclusivement par leurs origines turques ou arméniennes, mais par une éthique de recherche de vérité. De la même manière, des programmes d’échanges sont montés, par exemple entre artistes de Turquie, d’Arménie, de France… Pour eux, le plus important, c’est la création qu’ils partagent.

Comment sortir de la confrontation ?

Les réactions d’hostilité à l’égard de la société turque sont assez rares chez les Arméniens. Il s’agit plutôt de méfiance ou de prudence. À l’inverse, être Arménien peut être très stigmatisant en Turquie. Ce qui importe, pour sortir de la confrontation, est de permettre à la société en Turquie d’accéder à son histoire et de comprendre que celle-ci est faite de multiples influences mêlées, religieuses, ethniques et culturelles, arméniennes, juives, grecques, kurdes, chiites… et par là de mettre un nom – génocide – sur le vide béant qu’a entraîné la disparition de plus de 10 % de la population entre 1915 et 1923. Il faut réécrire de fond en comble ce passé de la Turquie occulté, ce à quoi s’emploient beaucoup d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels turcs. Regardez le travail du prix Nobel Orhan Pamuk ou du cinéaste Fatih Akin avec son film sur le génocide, The Cut .

Recueilli par Bruno RIPOCHE.

(1) Vincent Duclert vient de publier La France face au génocide des Arméniens (Fayard, 437 p).

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