Aung San Suu Kyi se voit à la tête de la Birmanie

L’opposante a hissé son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, en tête des intentions de vote des législatives de dimanche. En cas de victoire, elle dirigera le gouvernement.

Partout, elle est accueillie par des supporters vêtus du rouge de la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Des foules en délire brandissent le portrait d’Aung San Suu Kyi en criant « Amay Suu » , littéralement « mère Suu ». L’aura de la Dame de Rangoun est toujours palpable. Pour autant, les élections de dimanche, qui verront s’affronter 83 partis pour 498 sièges au Parlement, sont loin d’être gagnées. Le tout-puissant parti du gouvernement, l’USDP, a bénéficié de moyens financiers supérieurs pendant la campagne.

« Au-dessus du Président »

Ce parti composé en majorité d’anciens militaires a établi des relations étroites avec les chefs de village, qui influencent le vote rural. Si bien qu’Aung San Suu Kyi doit souvent rappeler à la foule : « Ne regardez pas les noms des candidats, votez simplement LND. » Le parti au pouvoir a également bénéficié de l’aide du Ma Ba Tha, un groupe religieux radical très actif. Il reproche à la Prix Nobel de la Paix de ne pas assez défendre l’identité bouddhiste. « Aung San Suu Kyi n’a que le mot ’’peuple’’ à la bouche, accuse le moine Wirathu, mais elle ne fait rien pour le défendre. Les gens de la LND sont si arrogants… Ils ont peu de chance de gagner cette élection. » Ironiquement, c’est précisément pour son silence sur les exactions à l’encontre des musulmans qu’Aung San Suu Kyi est aujourd’hui attaquée par la presse internationale. Celle qui s’est toujours défendue d’être une icône rejette le terme de « génocide » de la minorité des Rohingyas. Depuis son entrée en politique, la chef de la LND multiplie les compromis, avec la junte militaire, les extrémismes religieux et l’opinion publique, pour assurer la victoire de son parti. Rien n’est joué. Le vote des jeunes n’est pas acquis. Les moins de 30 ans respectent la Dame de Rangoun, mais n’ont pas les mêmes liens affectifs que leurs parents avec elle. Les cadres de la LND sont âgés. Tin Oo et Win Htein, deux candidats pressentis pour la présidence, ont respectivement 88 et 74 ans. La libéralisation des mœurs très attendue ne viendra pas d’eux. Aung San Suu Kyi l’a-t-elle senti ? Elle vient d’annoncer, hier, qu’en cas de victoire de sa Ligue, elle dirigera le gouvernement, malgré une Constitution qui la prive de ce poste suprême, sous prétexte que ses deux enfants sont britanniques. Elle se situera « au-dessus du Président » qui devra « travailler en accord avec la politique de la LND. » Article de Carol ISOUX.