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Jours tranquilles à Paris
19 janvier 2016

Helmut Newton

Peut-être n'aurait-il pas renié les circonstances de sa mort : en octobre 2004, alors qu'il est âgé de 84 ans, Helmut Newton meurt des suites d'un accident dans sa fort belle voiture, emboutie près de l'hôtel de Hollywood où il réside chaque hiver avec sa femme, sous le soleil, dans un décor sans défaut...

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Helmut Newton détestait l'hiver, celui qui lui rappelle le Berlin de son enfance, au froid mordant, quand sa mère lui faisait quitter l'appartement deux heures pour la laisser en paix. Le jeune Neustädter naît en 1920, dans une famille juive aisée, qui a pour habitude de passer l'été dans de beaux hôtels de villégiature. Cette ambiance de luxe et de légèreté semblera ne plus le quitter. Son goût du sport le fait devenir un excellent nageur et son peu d’appétence pour les études le dirige vers la photographie. Si l'histoire veut qu'il s'achète son premier appareil à 12 ans, son apprentissage se fera à partir de 1936 à Londres chez Alexandre Korda (futur metteur en scène du Troisième Homme) et, surtout, à Berlin avec Yva (Else Simon), femme photographe de mode et de nu qui l'influencera toute sa vie.

Mais l'histoire de l'Allemagne de l'entre-deux-guerres contraint les destins. Alors que son père sera le premier juif allemand déporté, sa mère s'enfuit en Argentine avec son frère aîné. Helmut, lui, préfère l'Extrême-Orient, et le jeune Berlinois quitte avec une déconcertante insouciance son pays pour la Chine. Jusqu'en 1940, il travaille à Singapour et notamment au Singapore Straits Times. Puis il emménage en Australie où il sert dans l'armée, et acquiert la nationalité australienne en 1946.

June Brunell (Browne de son vrai nom) est une actrice australienne qui ne tourne pas beaucoup. Pour arrondir ses fins de mois, un ami retoucheur lui propose de poser comme modèle dans le studio où il travaille. À défaut de la payer, le photographe, Helmut, épousera celle qui restera sa plus proche collaboratrice jusqu'à sa mort. Elle-même entamera une carrière de photographe sous le nom d'Alice Springs en 1970. Le déclic vient quand elle remplace au pied levé son mari malade pour campagne de publicité.

La carrière de Helmut Newton décolle à la toute fin des années 1950. Le couple fait alors de longs voyages en Europe et Vogue UK offre à Newton un premier contrat qui ne dure que 11 mois, les Britanniques paraissant trop pudibonds pour les images qu'il propose. En revanche, la révélation sur ce qu'est véritablement la mode lui sera faite par les Parisiens et l'édition française de Vogue. Cette collaboration se poursuivra un quart de siècle. Durant la même période, il travaille pour Elle, Le Jardin des modes, Playboy (US), Marie-Claire, Queen et quasi toutes les éditions de Vogue, dont occasionnellement le Vogue russe. Le couple emménage rue Aubriot dans le quartier du Marais en 1961. Là sera prise l'une des plus célèbres images du photographe, qui sera choisie comme affiche de la grande rétrospective que le Grand Palais organisera en 2012.

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En 1971, alors qu'il a plus de 50 ans, c'est une autre contrainte qui lui donne, si l'on peut dire, un second rebond : une attaque cardiaque manque de le terrasser. Il développe alors la dimension artistique de sa pratique ; il devient photographe, et plus uniquement un photographe de mode. En 1988, June analyse cet épisode comme celui lui qui lui a permis de faire "des choses intelligentes" et des images "pour lui-même". Helmut apporte plus de réflexion à son travail et sort de la photo de commande. Il renverse le processus : il a une idée et cherche ensuite à la vendre, non plus l'inverse.

Une exposition en solo est la suite logique de ce changement ; elle a lieu à la galerie Nikon de Paris en 1975 et sera suivie de la publication d'un premier album, début d'une longue série : White Women.

De 1984 à 1995, Newton s'offre un écrin idéal pour ses propres images en créant le Helmut Newton’s Illustrated. Sous la direction artistique de June herself, quatre numéros thématiques aux titres évocateurs sortent : Sex and Power, Pictures from an Exhibition, I Was There et Dr. Phantasme.

Le fameux "Sumo" chez Taschen sort en 1999 et Work en 2000, à l'occasion de son 80e anniversaire, célébré par la Neue National Galerie de Berlin.

Sa reconnaissance en tant qu'artiste s'internationalise et s'officialise : en 1992, il est fait Officier des Arts, Lettres et Sciences à Monaco et Grand-Croix de l'Ordre du Mérite de République Fédérale d'Allemagne. En France, il est fait Commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres en 1996.

En octobre 2003, il lance sa fondation à Berlin dont l'ouverture se fera à titre posthume en juin 2004. Le lieu fait aussi une large place aux photographies d'Alice Springs.

On a pu reprocher à Newton ses photographies glorifiant la femme-objet, trop sexy, scandaleusement impudiques, voire pornographiques. Susan Sontag sur le plateau d'Apostrophes en 1979 les trouve terriblement misogynes. Catherine Deneuve admet lui avoir ouvert une part de son intimité en l'autorisant à la photographier chez elle, par exemple, et c'est avec une débutante dans le genre, Charlotte Rampling, que Helmut Newton a commencé ses photos de nu... Toutes deux reconnaissent sa capacité à tisser une relation particulière avec son modèle. June dit elle-même que "la vision qu'il a des femmes n'est ni cruelle, ni tendre, ni affectueuse, mais simplement admirative."

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