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Jours tranquilles à Paris
27 février 2016

En Italie, Mussolini entre au musée pour échapper à ses admirateurs

Le maire de Predappio n’en peut plus de voir les fans du Duce considérer son village comme un lieu symbolique. Pour freiner des célébrations dérangeantes, le village natal du dictateur – où il est aussi enterré – va abriter le Musée du fascisme.

Le Musée du fascisme prendra ses quartiers à Predappio, dans l'ex-siège régional du parti fasciste, construit dans les années 1930.

Giorgio Frassineti, le maire de Predappio, une commune de 6 500 habitants d’Émilie-Romagne, a tenu parole. « Si je suis réélu, nous avait-il dit il y a deux ans, le Musée du fascisme deviendra un projet prioritaire. » Predappio est la ville de naissance de Benito Mussolini. C’est là aussi que repose la dépouille du dictateur, depuis 1957, dans la crypte familiale du cimetière municipal après avoir été transportée de Milan (où elle fut volée) à Pavie (où elle fut retrouvée dans une malle cachée dans un couvent).

“EN OUVRANT UN MUSÉE SOUS L’AUTORITÉ D’HISTORIENS [NOUS VOULONS] FAIRE TRIOMPHER LA RAISON CONTRELA NOSTALGIE.” GIORGIO FRASSINETI, MAIRE DE PREDAPPIO

La présence du Duce dans son village natal attire chaque année d’étranges visiteurs : des nostalgiques en chemises noires défilant le bras tendu, aux fascistes de tout horizon. Ils viennent se recueillir et repartent avec des objets de culte – buste, médailles, drapeaux, tee-shirts, mugs, bavoirs pour bébé… – vendus dans les boutiques qui font commerce du Ventennio, cette période allant de la marche sur Rome en 1922 à la pendaison de Mussolini, à Milan, en 1945.

Comment contrer ce revival des heures les plus noires de l’Italie ? A ces interrogations, Giorgio Frassineti répondait invariablement : « En ouvrant un musée sous l’autorité d’historiens afin de faire triompher la raison contre la nostalgie. » L’affaire n’allait pas de soi, dans un pays où la mémoire du passé reste vive. Mussolini demeure au cœur de controverses, entre ceux qui soutiennent que le fascisme eut du bon pour l’Italie (au moins jusqu’à la promulgation des lois raciales en 1938) et s’en réclament encore, et ceux, heureusement de plus en plus nombreux, qui le rejettent en bloc.

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Une subvention de 2 millions d’euros

Mais cette fois, on y est presque. Le maire (Parti démocrate, de centre gauche) a été réélu en mai 2014, première condition pour porter à bien le projet. Et début février, Luca Lotti, un des très influents conseillers de Matteo Renzi, s’est rendu à Predappio pour assurer l’élu du soutien du gouvernement. L’Etat mettra 2 millions d’euros sur la table – soit 40 % du coût total – pour transformer l’ancienne Casa del fascio e dell’ospitalità, qui accueillait dans les années 1930 le siège régional du parti fasciste, en un centre permanent d’archives et d’études sur plus de 2 000 m2. Par ailleurs, une cinquantaine d’historiens ont pris position en faveur de ce projet, signe que le Duce est en train de devenir un sujet d’étude, débarrassé du chœur encombrant de ses tifosi (supporteurs).

A Predappio, des objets en tout genre à la gloire de Mussolini et du fascisme sont vendus dans les boutiques de souvenirs.

Les associations qui ont accompagné la naissance de ce futur musée du fascisme continuent de veiller afin, disent-elles, que « ce lieu ne puisse abriter aucune commémoration et soit géré avec le maximum de rigueur historique et scientifique ». Giorgio Frassineti, lui, est soulagé : « J’ai essayé avec tous les gouvernements de faire aboutir ce projet. Sans résultat. Je me suis même demandé si ce n’est pas moi qui portais la poisse. Mais cette fois, c’est la bonne… »

 Article de Philippe Ridet (Rome, correspondant) Journaliste au Monde

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