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Jours tranquilles à Paris
20 juillet 2016

Menteur, narcissique, sociopathe : Donald Trump vu par sa plume cachée

Par Luc Vinogradoff

Donald J. Trump est devenu, à la fin des années 1980, l’incarnation d’une certaine idée du rêve américain : le businessman charismatique et manipulateur, le self-made-man capable de vendre de l’eau à un homme qui se noie, l’homme qui ne doit rien à personne.

Cette image soigneusement entretenue a pris une autre dimension depuis que Trump s’est lancé, avec succès, dans la course pour la nomination républicaine à la Maison Blanche. A quelques heures de l’ouverture de la convention qui scellera son statut de candidat, un homme qui connaît très bien Donald Trump, et qui n’avait jamais abordé le sujet avec autant de détails jusqu’à présent, a parlé. C’est l’homme qui a façonné « le mythe Trump ».

En 1985, Tony Schwartz, alors journaliste, devient le nègre de celui qui n’est alors qu’un joueur parmi d’autres dans l’immobilier et les casinos de la côte Est. Après avoir passé plus de dix-huit mois en sa compagnie, il écrit Trump, the Art of the Deal, mi-hagiographie, mi-manuel de motivation pour devenir Donald Trump. Le livre fut un immense best-seller, rapportant des millions de dollars et cimentant dans l’imaginaire collectif l’image que Trump voulait donner de lui-même.

Or tout ou presque était romancé, exagéré ou carrément faux. Presque vingt ans plus tard, alors que le « héros » du livre peut potentiellement devenir l’homme le plus puissant de la planète, le désormais ex-journaliste qui a tout fait pour le rendre sympathique – « J’ai mis du rouge à lèvres sur un cochon » – prend la parole dans le New Yorker pour dire qu’il « regrette profondément ». Et qu’il a de plus en plus peur. Car toutes les tares et les traits de caractère qu’il avait perçus à l’époque (le mensonge systématique, l’absence d’empathie, le narcissisme extrême, une coupure totale avec la réalité) se sont dangereusement exacerbés depuis.

C’est un « sociopathe »

« Je pense sincèrement que si Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de très grandes chances que cela entraîne la fin de notre civilisation. »

Le constat de Tony Schwartz peut sembler exagéré, mais il le dit très sérieusement. Cela n’a rien à voir avec l’idéologie, dit-il, car il pense que Donald Trump n’en a pas. « Le problème était sa personnalité, que Schwartz considérait comme pathologiquement impulsive, égocentrique » et « obsédée par la publicité » écrit le New Yorker.

A ceux qui pensent que le Trump de la campagne, insultant, abrasif, moqueur, incohérent parfois, sera différent du Trump qui entrerait à la Maison Blanche, l’ex-journaliste répond : « Il n’y a pas un Trump privé et un Trump public […]. Tout ce qu’il veut, c’est de la reconnaissance extérieure, toujours plus. » S’il devait écrire à nouveau The Art of the Deal et être honnête, il l’appellerait Le Sociopathe.

« Les millions de personnes qui ont voté pour lui et croient qu’il représente leurs intérêts apprendront ce que tous ceux qui ont vraiment eu affaire à lui savent déjà : il se fiche complètement d’eux. »

Il n’a aucune capacité de concentration

Lors d’un meeting de campagne de Trump, à Raleigh (Caroline du Nord) le 5 juillet.

Tony Schwartz se rappelle que, pour écrire le livre, il a dû abandonner la technique de travail habituelle, qui consiste à poser des questions à la personne dont parle le livre, car Trump se comportait « comme un gamin de maternelle qui ne peut pas rester tranquille en cours ».

« Il est impossible de le faire se concentrer pendant plus de quelques minutes sur un sujet qui ne concerne pas son auto-glorification (…). Il est stupéfiant de voir à quel point ses connaissances sont superficielles (…). S’il devait être briefé dans la “situation room” [salle de crise de la Maison Blanche], je ne l’imagine pas rester concentré très longtemps. »

Sa nécessité d’être au centre des choses est aussi « complètement compulsive ». Schwartz use d’une métaphore un peu douteuse avec un junkie voyant dans la présidence des Etats-Unis le fixe ultime d’un homme qui s’est toujours shooté à la reconnaissance.

« Il a réussi à augmenter la dose pendant quarante ans. La seule chose qui lui manquait était d’être candidat à la présidence. S’il pouvait se présenter pour être empereur du monde, il le ferait. »

Il ment comme il respire

Lors d’un meeting de campagne de Trump, à San Jose (Californie), le 2 juin.

Le mensonge est un outil que tout homme politique qui veut durer a utilisé, mais pour Donald Trump, c’est plus profond – « une seconde nature » – et presque maladif, à en croire Tony Schwartz.

« Il a, plus que n’importe quelle autre personne que j’ai connue, cette capacité à se convaincre lui-même que tout ce qu’il dit est vrai, ou à moitié vrai, ou, au moins, devrait être vrai. »

Les mensonges que Schwartz a passés sous silence pour la biographie sont anodins (le prix d’un achat, le lieu de sa naissance), financiers (pour doubler un concurrent ou écarter un partenaire) ou plus profonds (le mythe du self-made-man s’effondre lorsqu’on sait que c’est le père, Fred Trump, qui a lancé le fiston), mais ils sont constants.

S’il était attaqué sur ses mensonges ou approximations, « Trump en remettait une couche et devenait agressif », ce qui n’est, note le New Yorker, « pas une qualité idéale pour un chef d’Etat ».

Donald Trump, qui n’a jamais caché ce comportement pendant la campagne, le prouve lorsque le New Yorker l’appelle pour les besoins de l’article. Il jure que Tony Schwartz – « très déloyal ! » – n’est que le « coauteur » et que c’est lui qui « a écrit le livre […], certains disent même que c’est le livre de business le plus vendu de tous les temps ». Ce que la maison d’édition dément totalement – « Trump n’a pas écrit une ligne ». Le milliardaire « s’est apparemment auto-convaincu de l’avoir écrit », constate le New Yorker.

La croix de Tony Schwartz

« The Art of the Deal », sorti en 1987, fut un immense best-seller, rapportant des millions de dollars et cimentant dans l’imaginaire américain l’image que Trump voulait donner de lui-même.

Après avoir lu cette longue confession, on comprend que Tony Schwartz a l’impression de porter une croix. Il se sent coupable d’avoir participé à la création d’un monstre, et à mesure que la candidature de Donald Trump passait de la blague à la réalité, il a décidé de dire sa vérité, même si cela s’apparentait à un crachat dans la soupe (en tant que coauteur, il a empoché la moitié des royalties, qui s’élèvent à plusieurs millions de dollars).

« J’ai de profonds remords d’avoir contribué à faire de Trump quelqu’un de plus attirant qu’il ne l’est réellement, et à lui avoir donné un public élargi […]. Je garderai cela en moi pour le reste de ma vie. Il n’y a aucune façon de le réparer. »

Pour tenter de « racheter son âme », il va donner sa part des royalties reçues en 2016 à des ONG et œuvres caritatives « qui défendent des personnes dont Trump veut réduire les droits ».

Sa contribution à détruire l’idole qu’il a en partie érigée a beau être l’équivalent politique d’un bombardement au napalm, on a bien vu, tout au long de la campagne, que même les polémiques les plus toxiques glissent sur Donald Trump comme de l’eau sur les plumes d’un canard.

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