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Jours tranquilles à Paris
24 septembre 2016

« Tintin au pays des Soviets », l’album mal aimé d’Hergé, prend des couleurs

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Peinte par Hergé à la gouache, la couverture est la seule image en couleurs, à ce jour, de « Tintin au pays des Soviets ».

« Tintin au pays des Soviets ».

Ce n’est certes pas une nouvelle aventure de Tintin. Ce n’est pas pour autant un petit événement pour les fans du célèbre héros de bande dessinée : les éditions Casterman et Moulinsart SA, la société de droit belge chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre d’Hergé, sortiront une version colorisée de Tintin au pays des Soviets au début de 2017.

Prépubliée dans Le Petit Vingtième – supplément du journal belge Le Vingtième Siècle – entre 1929 et 1930, cette histoire est la première de la série des « Aventures de Tintin ». Elle est aussi la seule à n’avoir jamais été remaniée par le dessinateur et à être restée dans sa forme originale : en noir et blanc.

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C’est dans « Tintin au pays des Soviets » qu’est créée la houppe du personnage, sous l’effet d’une accélération brutale de sa voiture.

Attendue pour le 11 janvier 2017, cette version colorisée a été réalisée par Michel Bareau, directeur artistique des Studios Hergé, et ancien directeur artistique de Casterman. C’est lui qui a eu l’idée du projet. Il a travaillé sur ordinateur pendant plus d’un an, dans le plus grand secret, à partir des planches originales – restaurées – qui ont été rescannées pour l’occasion.

« Le résultat est extraordinaire et respecte l’œuvre d’origine, tout en faisant une très bonne promotion de celle-ci, a indiqué au Monde Nick Rodwell, le patron de Moulinsart. On laissera bien sûr le public et les journalistes se faire leur opinion. Il y a toujours un petit risque quand vous vous lancez dans ce type de projet, car personne ne sait comment Hergé aurait colorisé telle case. »

M. Rodwell est, depuis 1993, le mari de l’ancienne épouse d’Hergé, Fanny Vlamynck, devenue la légataire universelle de l’œuvre du dessinateur à la mort de celui-ci, en 1983 : « Mon épouse est ravie du résultat », assure M. Rodwell.

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C’est dans « Tintin au pays des Soviets » que le reporter va écrire le seul article de sa carrière.

Près de 240 millions d’albums écoulés dans le monde

Cette « nouveauté » signera en quelque sorte le retour de Tintin en librairie. Hergé ayant décrété que son personnage ne lui survivrait pas, ses ayants droit doivent faire preuve d’imagination sur le plan éditorial afin d’entretenir le fonds et les ventes qui vont avec.

Près de 240 millions d’albums de Tintin ont été écoulés dans le monde à ce jour ; un million d’ouvrages en français, dont 600 000 dans l’Hexagone, continuent de s’acheter chaque année alors que la série n’est enrichie d’aucune aventure inédite.

Tout l’enjeu pour Casterman et Moulinsart sera de démontrer que cette mise en couleur n’est pas un « coup marketing » mais qu’elle a du sens sur le plan artistique. « Elle va rendre l’album plus lisible, estime Benoît Mouchart, le directeur éditorial du département bande dessinée de Casterman. L’histoire en noir et blanc est très peu contrastée, avec un trait uniforme : pour un lecteur habitué à la “ligne claire” d’Hergé et à son art de la profondeur de champ, les images peuvent apparaître plates. La mise en couleur donne de l’homogénéité à l’ensemble, et accroît en même temps le plaisir enfantin de lire un récit basé sur une course-poursuite. »

Hergé a entretenu une relation complexe avec les Soviets, dont il voyait les nombreuses imperfections graphiques et narratives. Commandée par l’abbé Norbert Wallez, alors rédacteur en chef du Vingtième Siècle, l’histoire est un brûlot anticommuniste assez primaire et se compose d’une suite de gags trouvés souvent au dernier moment, juste avant le bouclage de l’hebdomadaire d’obédience catholique.

Réapparue quarante-trois ans après sa création

Longtemps reniée par son créateur, l’aventure est tombée dans l’oubli avant de devenir introuvable, puis l’objet de nombreuses contrefaçons. Casterman – « où travaillait à une certaine époque un certain nombre de gens d’extrême gauche », selon Benoît Mouchart – a attendu 1973 pour la rééditer au sein d’un volume rassemblant quatre albums jeunesse d’Hergé (Archives Hergé tome I, Casterman), puis 1981 pour la mettre en vente sous la forme d’un élégant fac-similé.

« Tintin au pays des Soviets ».

« Hergé est passé de la gêne d’avoir commis un épisode si imparfait et critiquable au projet – jamais concrétisé – de le remanier comme les autres, puis à l’envie de le voir réédité tel quel sous forme d’archives, malgré les nettes réticences exprimées par Casterman », résume Philippe Goddin, grand spécialiste du maître bruxellois, qui publiera, en janvier 2017, Hergé, Tintin et les Soviets (Moulinsart).

L’annonce de cette version colorisée de Tintin au pays des Soviets coïncide avec le début d’une vaste exposition consacrée à Hergé au Grand Palais, à Paris (du 28 septembre au 15 janvier 2017). Des originaux de l’album en question y figureront, aux côtés de plusieurs centaines d’autres pièces. Frédéric Potet - Journaliste au Monde

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