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Jours tranquilles à Paris
14 janvier 2017

Le littoral français recule de manière accélérée

Par Martine Valo

Les parlementaires examinent une proposition de loi pour permettre aux territoires de s’adapter à l’érosion. Le recul du trait de côte pourrait atteindre, par endroits, 50 mètres en 2050.

Un rempart contre l’océan… Cette parade illusoire ne convainc plus, alors que la puissance de l’érosion à l’œuvre sur une bonne partie des quelque vingt mille kilomètres de littoral français, alliée à la montée des eaux, fait reculer les dunes, effrite les falaises, engendre éboulements et submersion marine. Le rythme du changement est encore loin d’être connu partout, mais l’expertise progresse. L’inquiétude aussi : au moins 22 % des côtes reculent de dix centimètres à huit mètres par an en moyenne.

Aucun département côtier n’est épargné. La quasi-totalité des falaises de Seine-Maritime, par exemple, reculent. Sous l’effet répété de la houle, des tempêtes, du manque de sédiments et des déséquilibres produits par les ports, barrages et autres digues, 142 communes enregistrent un retrait de 50 centimètres par an, et dix-neuf de plus de trois mètres, tandis que des fonds d’estuaires gagnent quelques centimètres.

Selon les services du ministère de l’environnement, le remodelage du littoral correspond à 3 100 terrains de rugby disparus en un demi-siècle, de 1949 à 2005, soit 26 kilomètres carrés. Malgré la menace, l’attractivité des bords de mer n’a jamais été aussi forte. La densité de population y est 2,5 fois supérieure à la moyenne nationale, et quatre millions d’habitants supplémentaires y sont attendus d’ici à 2040. Un inextricable casse-tête pour l’aménagement du territoire.

Mercredi 11 janvier, les sénateurs ont débattu en première lecture d’une proposition de loi sur « l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique ». Ce texte, initialement déposé par les députés socialistes Chantal Berthelot (Guyane) et Pascale Got (Gironde), ainsi que Bruno Le Roux, qui a depuis rejoint le gouvernement, a essentiellement pour objectif de fournir des outils juridiques aux élus locaux concernés, souvent dépassés par des situations inédites. Comment anticiper le recul du trait de côte ? Jusqu’où faire jouer le principe de précaution ? Selon quelles règles indemniser les propriétaires malheureux ? Et surtout, où trouver des espaces pour « relocaliser » quand la commune est déjà sous pression ?

« Bail réel immobilier littoral »

« Il va falloir concevoir autrement nos stations balnéaires : tous les volets ne pourront pas toujours s’ouvrir sur le large », prévient Pascale Got. Elle assure que les maires étaient demandeurs de ces nouveaux moyens d’action. D’autant que tous ceux proposés reposent sur le volontariat.

« Jusqu’à présent, il n’existait que des zones rouges où l’on n’avait pas le droit de faire quoi que ce soit et les zones bleues où l’on pouvait construire n’importe comment. Il manquait une notion plus subtile qui permette le maintien momentané d’activités sur des terrains que l’on sait condamnés à une échéance de vingt ou cinquante ans. »

Les « zones d’activité résiliente et temporaire » devraient donc faire leur apparition. Les pouvoirs publics pourront y acquérir des biens puis laisser leurs occupants dans leurs murs, moyennant un contrat spécifique temporaire : un « bail réel immobilier littoral ». Le texte prévoit aussi des exonérations fiscales pour les entreprises qui devront obligatoirement plier bagage à terme. « Il faut séquencer le recul, sinon nous allons avoir des friches partout ! », lance la députée de Gironde.

D’autre part, dans les territoires déjà frappés de plein fouet par la mobilité du trait de côte, les plages, les herbiers, les mangroves restent les meilleures protections. Il faut les préserver, mais en autorisant dans certains cas d’y bâtir des ouvrages de défense contre la mer, envisage la proposition de loi.

Ce texte plutôt technique, qui insiste sur l’amélioration des connaissances et l’information du public, faisait jusqu’à présent l’objet d’un consensus. Mais voilà qu’arrivé au Sénat, des parlementaires se sont saisis de l’occasion pour tenter, une fois de plus, d’assouplir la loi littoral, un acquis de trente ans cher au cœur des Français, et intouchable aux yeux des défenseurs de l’environnement tant elle a permis de préserver les côtes françaises du bétonnage en cours chez certains pays voisins.

« Dents creuses »

Certains en profiteraient pourtant volontiers pour l’écorner. Tant qu’à déplacer le bâti menacé, pourquoi ne pas en profiter pour ouvrir largement la possibilité d’installer des activités nouvelles dans des zones proches du rivage (entre 300 m et 2 km) ? Une quinzaine d’associations bretonnes ont lancé un appel relayé par France Nature Environnement contre ce genre de tentatives, en particulier celles visant à autoriser l’extension de l’urbanisation en dehors des bourgs et des villages existants. Le gouvernement a lui aussi déposé un amendement établissant sa propre définition de ces fameuses « dents creuses » constructibles, qui se voulait de compromis. Sans succès.

Mercredi soir, dans l’hémicycle, il a bien davantage été question de la loi littoral que du recul du trait de côte. Tout en assurant solennellement son attachement à l’esprit de celle-ci, le sénateur des Côtes-d’Armor Michel Vaspart (LR) n’a eu de cesse de chercher à la détricoter. Le ton a même fini par monter. « On est en train de toucher à un texte fondamental sans précaution comme des gamins ! », a lancé la communiste Evelyne Didier (Meurthe-et-Moselle).

Quoi qu’il en soit, la densification des côtes pose question. Les scientifiques annoncent que la surface de l’océan s’élèvera d’environ un mètre d’ici à 2100. Pour les côtes françaises, cela se traduirait par une augmentation d’un tiers des surfaces et des linéaires d’infrastructures susceptibles d’être submergées lors d’un coup de tabac, ainsi que de la moitié des bâtiments. Sans tenir compte des immeubles nouveaux, ce sont 423 800 bâtiments en métropole et 24 600 outre-mer – plus touché que la métropole par le changement climatique –, qui risqueraient de se retrouver sous les vagues.

Des reculs de 10 à 20 mètres

Cette urgence, Pascale Got l’avait évoquée lors de son discours devant l’Assemblée nationale, le 1er décembre 2016, où sa proposition de loi avait été adoptée. Elle avait alors appelé ses « chers collègues » à « arrêter de finasser » et à agir. Elue de Gironde, elle compte dans sa circonscription le Signal, le bien nommé immeuble dressé au bord de la plage de Soulac comme un symbole de l’érosion en marche.

Bâti dans les années 1960 à deux cents mètres du rivage, il surplombe à présent une dune de sable prête à s’effondrer, tandis que l’océan ne se trouve plus qu’à une vingtaine de mètres. En janvier 2014, face au péril, les pouvoirs publics avaient obligé les habitants à quitter les lieux. Depuis, ces derniers se débattent dans un imbroglio juridique qui empêche leur indemnisation. La proposition de loi contient un amendement à leur intention.

Avec ses tempêtes à répétition, l’hiver 2013-2014 avait été exceptionnellement rude, non seulement pour Soulac, qui avait perdu 40 mètres de plage, mais pour tout le littoral du Sud-Ouest, qui avait subi des reculs de 10 à 20 mètres. L’Observatoire de la côte Aquitaine a rendu publique, en décembre 2016, une étude prospective qui le confirme. Alors que l’érosion chronique s’élève désormais en moyenne à 2,5 m par an en Gironde et à 1,7 m dans les Landes, les parties sableuses pourraient connaître un retrait de 20 m d’ici à 2025 et de 50 m d’ici à 2050 ; les secteurs rocheux perdraient, eux, respectivement de l’ordre de 10 m et 27 m.

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Ganivelle

Une ganivelle, aussi appelée "barrière girondine", est une barrière formée par l'assemblage de lattes de bois (habituellement du châtaignier calibré en 45 mm de large et 13 d'épaisseur) : les lattes sont verticales, séparées les unes des autres par un espace dont la largeur détermine la "perméabilité" de la barrière, et assemblées par des tours de fils de fer galvanisé. Traditionnellement, il s'agit de châtaignier refendu manuellement, ce qui assure une meilleure durabilité que des lattes sciées.

Utilisation

Cette palissade suffit à provoquer une forte diminution de la vitesse du vent qui la traverse et par suite la chute de matières transportées tel que le sable. Ce pouvoir lui confère une notoire utilité dans les actions de reconstitution ou de protection des dunes littorales ; leur fonction de barrière permettant en même temps une gestion des déplacements humains sur les sites.

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