Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
8 janvier 2018

Macron en quête de réciprocité pour sa visite en Chine

Par Brice Pedroletti, Pékin, correspondant, Bastien Bonnefous - Le Monde

Le chef de l’Etat veut établir avec Pékin un partenariat au long cours et rééquilibrer les échanges commerciaux.

Emmanuel Macron aime construire sa diplomatie au gré de symboles historiques et politiques forts. Le choix de Xi’an, la ville où le président français entame, lundi 8 janvier, sa première visite d’Etat en Chine – et en Asie – en est un : la capitale du Shaanxi, connue pour son armée enterrée de guerriers en terre cuite, se veut la terre d’origine de la famille du président chinois Xi Jinping. C’est là que M. Macron, qui appelait dans son livre Révolution (XO Editions) à voir en la Chine une « chance » plutôt qu’un « péril », prononcera un discours sur les relations franco-chinoises, le patrimoine et l’avenir du multilatéralisme.

C’est à Pékin, en revanche, qu’auront lieu les rencontres avec les dirigeants politiques, les acteurs de la culture, de l’économie et du monde de l’entreprise. Les séances de travail sont prévues mardi 9 avec Xi Jinping, mais aussi avec le premier ministre Li Keqiang. Premier chef d’Etat européen à se rendre en Chine après le 19e congrès, qui a renouvelé pour cinq ans le mandat de M. Xi à la tête du Parti communiste, le président français se veut porteur d’un projet de refondation de l’Europe. C’est donc « le moment opportun pour aller discuter avec Xi Jinping alors que la Chine veut renforcer sa place dans la gouvernance mondiale », explique-t-on à l’Elysée.

Cette visite sera aussi l’occasion de signer plusieurs accords économiques et culturels et d’approfondir le « partenariat stratégique global » entre les deux pays, autour de « coopérations structurantes » au long cours dans l’aéronautique et le nucléaire, mais surtout, espère-t-on à Paris, autour de nouvelles convergences dans les secteurs liés à la lutte contre le réchauffement climatique. La France souhaite aussi raffermir sa position sur les marchés prometteurs de l’agroalimentaire, des nouvelles technologies ou de l’économie du vieillissement.

« Les sujets carbone »

M. Macron entend profiter du retrait contraint d’Angela Merkel de la scène européenne, du fait de ses difficultés à former une coalition en Allemagne, pour évoquer au nom de la France mais aussi de l’UE « les grands défis mondiaux actuels » avec son homologue chinois. Au menu des échanges, la crise avec la Corée du Nord et la lutte contre le financement du terrorisme avec la sollicitation de l’appui de la Chine à la force antidjihadiste G5 Sahel en cours de développement.

Sur le front du réchauffement climatique, Pékin est vu également comme « jouant désormais un rôle-clé » après la décision des Etats-Unis de sortir de l’accord de Paris sur le climat. « Ce sera pour moi l’occasion de parler de l’implication de la Chine dans la lutte contre le réchauffement climatique, je souhaite que l’on puisse travailler sur les sujets carbone liés à la Chine », a expliqué M. Macron, mercredi 3 janvier. La Chine se pose en exécuteur exemplaire de l’accord de Paris : elle multiplie les initiatives, comme l’annonce fin décembre de la création d’un marché carbone.

Comme d’autres avant lui à l’Elysée, le chef de l’Etat a l’ambition de « rééquilibrer » les relations commerciales entre les deux pays. Un problème lancinant : lors de la dernière visite de François Hollande en Chine en 2015, ce déficit était de 25 milliards d’euros. Il approche désormais les 30 milliards – le plus lourd du commerce extérieur français. Face à ce gouffre qui se creuse, l’Elysée met en avant la « volonté de réciprocité du président pour l’accès au marché chinois » et des conditions de concurrence souhaitées plus « équitables ».

M. Macron, comme ministre de l’économie début 2016, avait appelé l’Europe à faire front face au déferlement d’acier chinois à bas prix. Aussitôt élu président, il avait cherché à convaincre ses partenaires européens de mieux contrôler les investissements stratégiques chinois en Europe. L’Europe, depuis, travaille à une plus grande coordination des régimes nationaux. Attirer des investissements chinois en France n’en est pas moins, aussi, une priorité, assure l’Elysée.

Le président français, qui sera accompagné par plus de cinquante chefs d’entreprises, espère aussi récolter des contrats. « Dans l’aéronautique, le nucléaire civil, le numérique, l’économie du vieillissement, nous aurons un nombre exceptionnel d’accords stratégiques signés, environ une cinquantaine », prédit l’Elysée.

Un fonds pour les PME

Paris attend notamment des ventes d’Airbus et de moteurs Safran, un accord avec Areva pour la construction d’une usine de retraitement de déchets radioactifs – un dossier vieux de dix ans aujourd’hui en phase de négociation finale – ou l’implantation de maisons de retraite avec le groupe Orpea. Dans l’agroalimentaire, les espoirs se portent sur une ouverture « d’ici quelques mois » du marché chinois à la viande bovine française, des facilités d’enregistrement pour les vins et spiritueux, qui représentent 50 % des exportations françaises d’agroalimentaire en Chine, et la levée de l’embargo sur la volaille. Les deux pays devraient par ailleurs annoncer la mise en place d’un nouveau fonds franco-chinois pour les PME.

Accompagné de son épouse Brigitte Macron, de plusieurs ministres et de parlementaires comme le sénateur Jean-Pierre Raffarin, « grand ami de la Chine », et par l’ex-président de la COP21 Laurent Fabius, Emmanuel Macron évoquera à Xi’an le projet des « nouvelles routes de la soie », cher à Xi Jinping. La renaissance de ces routes historiques, dont Xi’an était un carrefour, en un vaste programme d’infrastructures et d’équipements allant jusqu’à l’Europe, est appelée à avoir un impact majeur sur les équilibres économiques et géopolitiques de demain.

Selon l’Elysée, M. Macron devrait insister sur l’importance de travailler sur des projets communs, avec « comme état d’esprit » de « regarder les mérites propres de chaque projet », selon les propositions communes des pays européens édictées lors du Forum des routes de la soie, à Pékin, en mai 2017. La délégation européenne avait proposé à la Chine l’adoption de règles de gouvernance les plus vertueuses possibles, sans toutefois obtenir d’engagement de la part de Pékin.

Publicité
Commentaires
Publicité