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Jours tranquilles à Paris
3 août 2018

Comment Macron veut réinvestir Brégançon

bregancon

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Par Virginie Malingre - Le Monde

Le chef de l’Etat devrait partir, le 3 août, dans la résidence présidentielle du Var, dont il veut faire un « Elysée d’été ».

La fatigue, Emmanuel Macron ne l’évoque jamais. Le président aime à dire qu’il dort peu. Mais après l’affaire Benalla, qui a fait tanguer la macronie et révélé un certain nombre de failles dans son dispositif, le chef de l’Etat ne dédaignera pas un peu de repos. Tout en espérant que cette pause estivale achève de faire retomber la pression politico-médiatique des derniers jours. Mercredi 1er août, il a reçu, avec son épouse, Brigitte, les membres du gouvernement et leurs conjoints à dîner à l’Elysée. Jeudi, il devait « rencontrer plusieurs conseillers pour faire le point sur des dossiers », précise la présidence. Il partira pour Brégançon vendredi, à l’issue du dernier conseil des ministres.

M. Macron, qui y restera une quinzaine de jours, a décidé de réinvestir cette résidence, assimilée dans l’esprit des Français à l’intimité des présidents. Nicolas Sarkozy lui préférait la demeure des Bruni-Tedeschi au cap Nègre. Et François Hollande, après y avoir séjourné à l’été 2012, en avait confié la gestion au Centre des monuments nationaux, afin de l’ouvrir au public l’été. Si les curieux peuvent toujours la visiter quand le président n’y est pas, ce château du XVIIe siècle, perché sur un piton rocheux, est donc redevenu un lieu de villégiature présidentielle.

« Coup de jeune »

Mais pas seulement. Emmanuel Macron souhaite redonner à Brégançon un caractère officiel. Le fort aura ainsi vocation à abriter des rencontres diplomatiques « dans un cadre intimiste, comme les présidents américains à Camp David », précise l’Elysée. Même si les délégations accueillies à cette occasion ne peuvent être pléthoriques, « la table de la salle à manger ne pouvant accueillir que vingt personnes ». Si François Mitterrand y avait reçu le chancelier allemand Helmut Kohl en 1985, Jacques Chirac son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika en 2004 et Nicolas Sarkozy la secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice en 2008, ces précédents sont restés rares. « Brégançon fait partie du soft power à la française », explique un conseiller élyséen. Comme le Louvre, où Emmanuel Macron a choisi de se rendre le soir de son élection, le château de Versailles, où il a reçu Vladimir Poutine au début du quinquennat, ou encore les Invalides, où il a accueilli Donald Trump.

Pour leur première soirée au fort, le couple Macron a invité à dîner la première ministre britannique, Theresa May, et son mari, Philip. Au menu des discussions, le Brexit, que le président de la République et la locataire de Downing Street n’avaient jusqu’ici pas eu l’occasion d’aborder en tête-à-tête, précise l’Elysée, où l’on laisse entendre que les vacances du chef de l’Etat seront studieuses. A la suite d’une année « vraiment intense », ce dernier « va prendre du repos tout en continuant à travailler dans une ambiance calme », indique ainsi son entourage.

Emmanuel Macron sait les dégâts que les premiers congés varois de François Hollande avaient occasionnés, à l’été 2012. Les Français avaient reproché au socialiste cette pause estivale, qui signait selon eux une trop grande désinvolture, alors que les dossiers brûlants s’accumulaient. Les photos du « président normal » en bermuda et polo trop large, aux côtés de sa compagne Valérie Trierweiler, avaient eu un effet dévastateur dans l’opinion. Tout comme les révélations sur les quatorze coussins à 200 euros pièce que l’Elysée avaient alors achetés pour améliorer le confort de Brégançon.

Piscine hors sol

De son côté, l’ancien conseiller de François Hollande a souhaité redonner un « coup de jeune » à la résidence présidentielle, délaissée depuis plus de dix ans. Cent cinquante mille euros ont été débloqués (ils s’ajoutent à un budget de fonctionnement annuel de 100 000 euros) pour refaire l’électricité, la peinture et la cuisine. Le couple Macron a également fait installer une piscine hors sol (pour un coût de 34 000 euros), qui a suscité une polémique, même si l’Elysée réfute, chiffres à l’appui, tout procès en « présidence des riches ». « C’est moins coûteux que la sécurisation de la plage », fait-on valoir, « laquelle nécessite onze gendarmes postés sur des bateaux de sauvetage, pour un coût de 60 000 euros ». La piscine a un autre avantage, elle permet de se baigner à l’abri du regard des paparazzis…

Les temps ont changé depuis l’époque où Bernadette Chirac refaisait la décoration de la bâtisse provençale et où les Pompidou achetaient du mobilier Pierre Paulin et y suspendaient des toiles de Hartung ou Poliakoff pour moderniser l’endroit.

Pour un président, les vacances sont un exercice périlleux en matière d’image. Nicolas Sarkozy avait été très critiqué après ses premières vacances, sur le yacht de l’homme d’affaires Vincent Bolloré d’abord, puis aux Etats-Unis, dans une résidence de luxe. Plus discret, le fort de Brégançon offre la parade. Mais ce n’est pas la seule raison de l’engouement d’Emmanuel Macron pour cette bâtisse perchée à 35 mètres de hauteur au-dessus de la Méditerranée. « Le chef de l’Etat s’inscrit dans les pas de ses prédécesseurs, il est attaché à la continuité de la présidence sous la Ve République », explique un conseiller.

M. Macron « est habité par l’idée de s’inscrire dans l’histoire de France et dans ses symboles », écrit Guillaume Daret, dans son livre Le Fort de Brégançon (Editions de l’Observatoire) « et le fort de Brégançon est l’un de ces symboles, il est associé au pouvoir tout autant que l’Elysée ». Les Français se souviennent des bains de foule de Jacques Chirac à la sortie de la messe à Bormes-les-Mimosas, des échappées en vélo de Nicolas Sarkozy, de Georges Pompidou sans cravate ou de Valéry Giscard d’Estaing en maillot de bain. En avril 1995, François Mitterrand y avait reçu une poignée de journalistes pour faire taire les rumeurs sur l’aggravation de son état de fatigue, lié au cancer dont il mourra quelques mois plus tard.

Même Charles de Gaulle, qui n’a passé qu’une seule nuit à Brégançon, y a été immortalisé, le 15 août 1964, lors des célébrations du vingtième anniversaire du débarquement en Provence. Et malgré le souvenir détestable qu’il en a gardé, à cause des moustiques et d’une literie sous-dimensionnée, le général a décidé d’en faire une résidence présidentielle en 1968.

affaire38

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