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Jours tranquilles à Paris
1 novembre 2018

Compiègne, terre de mémoire

Par François Bostnavaron

Un impressionnant bunker, un musée à ciel ouvert le long de la ligne de front, la célèbre clairière de l’Armistice… A la veille du centenaire de 1918, visite mémorielle autour de la commune de l’Oise, au cœur de la Grande Guerre.

Clairière de l’Armistice de Rethondes, en forêt de Compiègne. C’est là que démarreront les festivités du centenaire de la fin de la Grande Guerre, avec, en point d’orgue, une cérémonie à laquelle assisteront le président de la République Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, dans l’après-midi du 10 novembre.

Car l’Oise et son histoire sont évidemment liées à la première guerre mondiale. Pour comprendre les enjeux de ce conflit, se souvenir, transmettre, visite mémorielle de Compiègne et sa région.

Le wagon de l’Armistice

Commencer par le Mémorial de l’Armistice est le meilleur moyen pour s’immerger dans ce passé. Auparavant vieillot et poussiéreux, l’endroit, à la faveur des cérémonies du centenaire, a bénéficié d’une rénovation et d’une nouvelle scénographie, ainsi que d’une extension de plus de 500 mètres carrés de la surface d’exposition.

Le célèbre wagon – du moins un wagon identique, l’original ayant été détruit – dans lequel fut signé l’armistice, est toujours là. Mais pour le reste, Bruno Badiche, le scénographe, a opté pour une présentation chronologique évoquant notamment les temps forts du conflit.

Une visite en une dizaine d’étapes qui fait la part belle à la 3D : celle d’époque avec les photos sur plaque de verre selon le vieux procédé steréoscopique qui donne un effet de relief saisissant – une technique qui consistait à prendre une photo avec un appareil à deux objectifs recréant ainsi les conditions du relief –, et celle d’aujourd’hui, générée par ordinateur, dans une nouvelle salle de projection.

Au sortir du musée, faire un tour dans la clairière à la découverte d’émouvants monuments, dont cette dalle sacrée sur laquelle on peut lire, gravé dans le même granit de Vire (Calvados) que la tombe du Soldat inconnu de l’Arc de triomphe : « Ici le 11 novembre succomba le criminel orgueil de l’empire Allemand vaincu par les peuples libres qu’il comptait asservir ».

La vie des poilus

A quelques minutes en voiture de la clairière de l’Armistice se trouve le point d’entrée du Musée Territoire 14-18. Une notion un peu floue pour une réalisation bien concrète : ce musée est, en fait, une balade à ciel ouvert sur une soixantaine de kilomètres.

En une vingtaine de sites, on appréhende mieux la vie des villages, des poilus, où se mêlent souvent l’Histoire avec un grand H et celle du quotidien, faite de souffrance et d’absence.

Il y a pourtant un point de départ incontournable pour toutes ces balades : l’exposition très didactique et très complète qui se trouve dans l’ancien presbytère de l’église de Rethondes. Une église qui se visite également pour ses vitraux, et dont les cloches ont été les premières à sonner l’Armistice. L’anecdote veut que la vigueur avec laquelle les cloches ont été sonnées aurait provoqué d’importantes fêlures…

Un bunker de 32 mètres

L’abri du Kronprinz, à Nampcel, est l’un des vestiges les plus imposants de la Grande Guerre. Ce bunker, classé à l’inventaire des monuments historiques depuis 1999, tire son nom du Kronprinz de Bavière, qui y aurait, dit-on, séjourné à l’été 1918.

Edifiée entre 1915 et 1916 avec les pierres des maisons détruites de Nampcel, la casemate de 32,8 mètres de long, 10 mètres de large et 6 mètres de haut servait à se protéger des tirs de l’artillerie française. Les Allemands l’occupèrent jusqu’en mars 1917 avant de l’abandonner et de la rependre quatorze mois plus tard… Le bunker est aujourd’hui restauré et mis en valeur par l’Association pour la rénovation de l’abri du Kronprinz. Plusieurs des circuits de randonnée faisant partie du circuit Musée Territoire 14-18 passent par ce lieu.

Les petits soldats de Compiègne

A proximité de Rethondes, il y a évidemment Compiègne et la sous-préfecture de l’Oise ne manque pas de témoignages autour de la Grande Guerre. Deux endroits ont su nous séduire : le Musée de la figurine historique, d’abord, réussit la prouesse de réunir la Grande Guerre et les petits soldats, qu’ils soient en étain, en plomb, en bois ou même en papier… Pas moins de 155 000 figurines retracent l’histoire, de l’Antiquité à la seconde guerre mondiale.

Les poilus font l’objet de deux compositions réalisées par l’abbé Robert Ducoin dans les années 1970 sur « Août 1914 » et « Mars 1918 ». La première montre en détail une batterie de 75 au complet, soit 173 hommes et 168 chevaux. La seconde, nous transporte sur le front de 1918 avec les chars d’assaut, l’arrivée des troupes sénégalaises, la conduite des trains d’équipage et la construction des boyaux et des tranchées. Des petits soldats, comme ceux avec lesquels ont joué tous les enfants du monde, qui racontent l’histoire et témoignent du quotidien des poilus avec un réalisme surprenant.

Le Palais, initialement demeure des rois Louis XV et Louis XVI, puis celle des empereurs Napoléon Ier et Napoléon III, a été transformé en hôpital de l’automne 1914 au printemps 1917, une dimension humanitaire qui préservera l’édifice. L’armée française y installera même son quartier général jusqu’en juin 1918.

Aujourd’hui, la salle des gardes du roi, dans laquelle était installé l’hôpital, a retrouvé son lustre… Elle se visite, comme les appartements de l’Empereur et de l’impératrice, le Musée du Second Empire, celui de la voiture (de l’attelage à la voiture moderne), ainsi que le très beau parc qui voisine la forêt.

Les murs ont de la mémoire

C’est un musée unique en son genre que l’on doit à Serge Ramond, habitant de Verneuil-en-Halatte. L’homme, aujourd’hui décédé, s’est passionné pendant quarante ans pour les graffitis historiques ; l’ancien Musée des graffitis historiques est aujourd’hui devenu celui de la « mémoire des murs ». Ici, plus de dix mille ans de témoignages gravés, du néolithique au XXe siècle, sont mis en valeur.

N’allez pas imaginer que Serge Ramond découpait des bouts de mur ! Il utilisait une méthode très simple : une prise d’empreinte effectuée avec de la plastiline, sorte de pâte à modeler appliquée sur le motif à reproduire. De cette empreinte est tirée un moulage en plâtre, qui reçoit une patine restituant l’aspect de la pierre et révèle le dessin ou le texte gravé.

C’est à l’étage, dans l’un des combles du musée, que se trouve une exceptionnelle collection de plusieurs centaines de moulages de graffitis gravés et sculptés par tous les soldats qui ont cantonné dans les carrières, en Picardie, lors du premier conflit mondial. Français, Anglais, Américains et Allemands ont ainsi contribué à illustrer ce Lascaux moderne. Pas de bisons ici, mais un navire baptisé Liberté en train de couler, œuvre d’un poilu du 218e régiment, entouré d’une phrase, « Septembre 1917, la liberté quittant le monde… », ou cette tête de chef sioux, avec sa coiffe, attribuée à un soldat américain.

A la carrière de la Botte, la guerre souterraine

En nous attendant, Yohan Levaire, membre de l’association Les Souterrains 14-18 de la Carmoye, a glané dans le champ d’en face quelques morceaux d’obus, la terre rendant toujours ce qu’elle a absorbé…

Situés sur les hauteurs de Cannectancourt, au nord-est de l’Oise, dans le massif dit de « la Petite Suisse », près de la ferme de la Carmoye, les souterrains de la carrière de la Botte constituent un lieu unique dans le département.

« L’exemple même de la guerre souterraine », explique Yohan en nous menant à l’entrée de la carrière après une courte marche dans un bois peu touffu où la nature a quand même sur cette longue période repris ses droits. « C’est ici, nous dit-il, que les Allemands se sont enterrés, à plus de dix mètres sous terre parfois plus, de 1914 à 1917. » En mars 1917, la carrière est reprise par l’armée française.

Aujourd’hui, la visite à la lueur d’une lampe reste un moment d’une rare émotion, tant les témoignages qui y subsistent, dessins, objets et autres inscriptions vous transportent un siècle en arrière…

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