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Jours tranquilles à Paris
19 décembre 2018

Laetitia Casta : « Je reste coriace ! »

casta214

Elle est une magnifique femme amoureuse dans « l’Homme fidèle » de Louis Garrel. Toujours aussi passionnée, sincère et pudique, elle poursuit ses rêves.

 Anne Michelet

Laetitia Casta : « Je reste coriace ! »

Du théâtre au cinéma, d’une Marianne à l’autre, l’Homme fidèle était une évidence après la pièce de Bergman ?

Laetitia Casta - C’est très étrange, ce prénom. Je me suis demandé ce que j’allais en faire parce qu’il avait déjà eu une première histoire dans Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman. J’ai retrouvé une Marianne grandie dans le film de Louis Garrel, qui est en quelque sorte la continuité du personnage de la pièce. Cette femme sait ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut plus. Elle a traversé des choses, elle a mûri et elle est plus déterminée que celle qui se trouvait dans une soumission totale au début de la pièce. C’était passionnant de travailler sur un personnage qui se défait de ses chaînes.

Comment avez-vous abordé ce rôle ?

Laetitia Casta - J’ai dû confirmer encore plus mon point de vue d’actrice, notamment en choisissant de tourner avec Louis Garrel [son mari]. J’ai travaillé à ma façon, avec mon identité. C’était intéressant de faire évoluer un personnage dans le temps, et un film s’écrit vraiment pendant le tournage. Ce fut une très belle expérience, très forte, pour de multiples raisons.

Marianne paraît dure, notamment quand elle se sépare d’Abel…

Laetitia Casta - J’ai eu beaucoup de mal à comprendre qu’il était possible de larguer un homme de cette manière. Je me demandais comment jouer une telle scène sans culpabilité. Puis j’ai voulu aller à la rencontre de cette femme qui pourrait être n’importe qui et préfère prendre des risques pour vivre pleinement. J’ai assumé son geste. Au début, le scénario était plus sec, mais j’ai suggéré à Jean-Claude Carrière [coscénariste du film] et à Louis Garrel de l’adoucir un peu. Finalement, Marianne a quelque chose qui me ressemble. Une maturité est apparue d’un coup. Ça m’a libérée de savoir ce que je veux sur un plateau comme dans la vie. Maintenant, j’arrive à me détacher du regard des autres.

Abel, joué par Louis Garrel, subit les décisions des femmes…

Laetitia Casta - Il les subit mais, en même temps, ne pas décider, c’est une manière d’avoir le pouvoir. En se laissant ballotter, Abel va finalement là où il veut. Toute l’ambiguïté du film est là : le rôle passif n’est souvent pas si passif que cela et ce n’est pas forcément celui qui s’est débrouillé pour que l’autre prenne une décision qui souffre le plus…

Marianne encourage cet homme à aller voir l’autre femme, Eve, interprétée par Lily-Rose Depp…

Laetitia Casta - Marianne aime Abel. Elle veut construire avec lui sur le long terme. Elle le met à l’épreuve pour qu’il choisisse, car elle ne veut pas le posséder. Ce côté qui paraît calculateur et froid ne l’est en fait pas du tout. Elle est totalement passionnée, mais elle garde ses émotions pour elle. D’où cette scène où elle rit lorsqu’Eve lui dit : « Je veux absolument Abel. » En réalité, un mur se fissure en elle.

Vous, vous êtes passionnée, loyale…

Laetitia Casta - J’y ai cru, mais j’ai parfois pensé être droite alors que je ne l’étais pas. La maturité a modifié les choses. Ce qui est magnifique dans le film, c’est justement l’ambiguïté et la complexité des êtres humains : chacun joue un jeu avec lui-même.

Ce film a beaucoup de charme…

Laetitia Casta - Avec la maturité de Jean-Claude Carrière et la fougue de Louis Garrel, ça a donné quelque chose de très fort, un cinéma à la François Truffaut ou à la Woody Allen. Le film est en décalage et, en même temps, très actuel. Un peu comme Louis Garrel, souvent un peu décalé face aux situations. Au début, quand il me parlait, je ne comprenais pas ce qu’il me disait. Il est là quand on ne l’attend pas et, dans ce film, il vient confirmer quelque chose de très fort chez lui.

Louis Garrel vous a surprise ?

Laetitia Casta - J’ai rencontré un cinéaste et il a rencontré une actrice. Au départ, je ne voulais pas tourner dans le film, parce que j’avais peur de mélanger la vraie vie et le cinéma. J’ai pris le risque car je voulais découvrir cet homme-là, que je ne connaissais pas, et j’ai vu un metteur en scène exigeant, obsessionnel, fulgurant, en recherche constante. Je me suis sentie au bon endroit avec les bonnes personnes. C’était à la fois très agréable et très éprouvant, car ça ne s’arrêtait jamais, que ce soit sur le plateau ou à la maison. Louis et moi fonctionnons différemment sur un tournage : lui a une musicalité très fine qui guide sa réalisation, tandis que chez moi il y a quelque chose d’organique qui me permet de jouer. J’ai essayé de rester moi-même et tout s’est bien passé. J’ai beaucoup de gratitude pour lui, car il m’a offert ce rôle. Ça aurait pu être explosif mais, en fait, ça nous a rendus plus forts.

Vous alternez le théâtre et le cinéma. Vous mesurez le chemin parcouru ?

Laetitia Casta - Oui, mais je m’en rends surtout compte en tant que femme. Moi qui étais extrêmement timide et complexée, j’ai gagné en assurance. Passer de la photographie au cinéma a été un processus très long, mais la passion m’a permis de me lancer. Je crois que le théâtre est le plus important pour une actrice. C’est là que je suis le plus libre et le plus en phase avec qui je suis et il m’a apporté un véritable équilibre. Au cinéma, on dépend de l’univers d’un réalisateur et il y a un moment où les rôles s’arrêtent pour les actrices. Ce côté superficiel est très dur, alors qu’au théâtre on peut continuer à jouer même si on est une vieille dame. Je ne suis pas encore âgée, mais j’y pense, parce que je veux construire quelque chose de durable et de solide.

A 40 ans, vous n’avez plus rien à prouver professionnellement et vous avez trois enfants…

Laetitia Casta - Oh, vous rigolez, j’ai beaucoup de choses à prouver ! Plus que jamais ! Je ne pense pas qu’une femme ne soit épanouie qu’à partir du moment où elle a des enfants. Nous sommes accomplies lorsque l’on y croit vraiment, quand on retourne voir l’enfant que l’on était, les rêves que l’on avait. Le plus important, c’est d’arriver à réaliser ses rêves et surtout de ne jamais les oublier.

Et vous correspondez à la femme dont vous rêviez enfant ?

Laetitia Casta - Mon but, c’est de rester la petite fille que j’étais, malgré l’éducation, les injonctions de la société et les épreuves de la vie, et je trouve que je me débrouille. Les enfants vous aiment très fort mais, au nom de leur amour, ils vous imposent des lois qui ne vous conviennent pas forcément. Quand les miens me disent : « Tu n’as besoin de rien, tu nous as », je ne vais pas tomber dans le piège ! Nous formons une équipe de foot et chacun doit essayer de bien jouer la partie. Je ne suis pas là pour tenter d’être quelqu’un de formidable. J’essaie toujours de me détacher des attentes des autres, je reste coriace.

En janvier, vous changerez d’univers avec l’Incroyable Histoire du facteur Cheval…

Laetitia Casta - Je ne connaissais pas cette histoire, mais j’ai trouvé enrichissant de jouer une femme emplie d’amour qui ne voyait pas cet homme comme un fou. Ce film m’a renvoyée à mes origines : je viens de la campagne, j’ai été élevée au milieu de la forêt, dans une ferme isolée. C’est une histoire très simple. C’était beau d’échanger avec Jacques Gamblin, qui est un acteur de théâtre très engagé, passionné. J’aime beaucoup son intelligence de jeu et notre couple fonctionne.

Vous avez eu une année très riche !

Laetitia Casta - Oui, j’ai beaucoup travaillé. J’ai tourné un film belge, une adaptation du Milieu de l’horizon. Ça se passe dans les années 70, au moment de la canicule dans les fermes. Mon personnage tombe amoureux d’une femme et décide de se libérer et de partir. J’ai adoré ce tournage. Et puis je viens de finir une série pour Arte dont l’action se déroule dans les paysages corses. J’incarne une sirène qui arrive sur Terre pour venger la nature. Elle vient punir les hommes et récupérer la dernière sirène. C’est une série très forte, très actuelle. Maintenant, je vais me poser un peu, car j’ai eu une année très intense.

Vous êtes surprise que l’on pense à vous pour des rôles aussi différents ?

Laetitia Casta - Je suis toujours étonnée par la vie. J’ignore si c’est moi ou la vie qui provoque cela, mais il y a une certaine évidence dans les rôles que l’on me propose. Soit ils me confirment des choses, soit ils me font sortir de ma zone de confort. Je ne sais pas vers quoi j’ai envie d’aller, je préfère laisser les choses se faire toutes seules.

L’Homme fidèle, de Louis Garrel. Sortie le 26 décembre.

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