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Jours tranquilles à Paris
26 décembre 2018

Une année de tweets plus ou moins diplomatiques de Donald Trump

twitter-trump-jamais-banni

Par Pierre Bouvier - Le Monde

Avec son téléphone, il prend le risque de provoquer des crises, voire de ruiner la stratégie de ses alliés ou de son administration.

Depuis son élection, le 8 novembre 2016, Donald Trump n’a cessé d’utiliser Twitter. Selon le site Trump Twitter Archive, à la date du 25 décembre, le président américain a tweeté plus de 5 500 fois depuis sa victoire, tous sujets confondus. Imprévisible jusque dans le domaine de la diplomatie, @realDonaldTrump, qui est le chef d’Etat le plus suivi avec 56 millions de followers, prend volontiers le risque de provoquer des crises diplomatiques, voire de ruiner la stratégie de sa propre administration ou celle de ses alliés.

Lundi 24 décembre au soir, en plein « shutdown » et alors que la Bourse de New York achevait sa pire semaine depuis 2008, le président américain a de nouveau publié, en quatre heures, plus d’une dizaine de tweets, traitant du retrait américain de Syrie, du mur en construction à la frontière avec le Mexique ou encore attaquant la Banque centrale américaine (Fed). « L’Amérique est de nouveau respectée ! », a-t-il écrit. « Je suis tout seul (pauvre de moi) à la Maison Blanche », s’est-il aussi lamenté en cette veillée de Noël.

Pour le New Yorker, Donald Trump termine l’année 2018 comme il l’avait commencée, confirmant qu’il n’y a pas de « normalité » à attendre du président.

Du Pakistan à la France

Le 1er janvier, il s’en était pris au Pakistan, allié des Etats-Unis dans la guerre contre les talibans et l’organisation Etat islamique (EI) en Afghanistan. En fin d’année, la « bromance » avec son homologue français, Emmanuel Macron, s’est terminée sur un feu d’artifice de tweets assassins. A peine atterri à Paris où il venait assister aux cérémonies du centenaire de la fin de la guerre de 1914-1918, Donald Trump a décoché un premier tweet contre son hôte, le 9 novembre :

« Très insultant, mais peut-être l’Europe devrait-elle payer sa part (du budget) de l’OTAN, que les Etats-Unis assument largement. »

Emmanuel Macron venait d’évoquer la création d’une « vraie armée européenne » pour que l’Union européenne (UE) ne dépende pas seulement des Etats-Unis face à une Russie « menaçante ».

A peine reparti, Donald Trump a poursuivi dans la même veine : « MAKE FRANCE GREAT AGAIN ! », a-t-il écrit. Ajoutant : « Le problème est qu’Emmanuel souffre d’un taux de popularité très faible en France, 26 %, et d’un taux de chômage de presque 10 %. »

Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteure de Géopolitique des Etats-Unis (Eyrolles, 2018), relativise la portée des attaques : M. Trump « était contrarié par sa défaite lors des élections de mi-mandat et par la phrase de Macron sur la défense européenne ».

Le président américain a poursuivi, en décembre, donnant son avis sur le mouvement des « gilets jaunes » estimant qu’il « est temps de mettre fin à l’accord de Paris ». Paris qui a fini par lui demander de ne pas se mêler de politique intérieure française.

Enfin, il a réussi une improbable synthèse en commentant l’actualité française à des fins de politique intérieure lorsqu’il a établi un lien entre l’attentat de Strasbourg et la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis : « Encore une terrible attaque terroriste en France. Nous allons encore plus renforcer nos frontières », afin de demander aux leaders du Parti démocrate de voter le financement du mur avec le Mexique.

Avant Macron, Merkel, May et Trudeau

Emmanuel Macron a découvert après Angela Merkel et Theresa May, les foucades trumpiennes. Critiqué pour son traitement des familles de migrants qui essaient d’entrer aux Etats-Unis, Donald Trump s’en est pris, le 18 juin, à la politique migratoire de la chancelière allemande : « Grosse erreur dans toute l’Europe que de laisser entrer des millions de personnes qui ont si fortement et violemment changé leur culture ! » Avant d’ajouter : « Nous ne voulons pas que ce qui se passe avec l’immigration en Europe se passe avec nous ! » Et de conclure le lendemain : « La criminalité a augmenté de 10 % à cause de l’accueil des migrants. »

Le 11 juillet, lors du sommet de l’OTAN, Donald Trump a accusé Berlin de ne pas contribuer de manière équitable au budget de l’organisation de défense, puis l’Allemagne d’être « prisonnière de la Russie parce qu’elle tire une grande partie de son énergie » de ce pays.

La première ministre britannique a, elle, eu droit à son lot d’attaques avec l’interview du président dans le quotidien The Sun au cours de laquelle il critique sa gestion du Brexit. Pour Marie-Cécile Naves, Donald Trump, qui « utilise les codes de la téléréalité », « s’en prend souvent à un pays européen en particulier ou à un autre pour attiser les divisions entre les membres de l’UE ».

Son voisin canadien n’est pas épargné : alors qu’il accueillait le sommet du G7, Justin Trudeau se voit qualifier de « très malhonnête et faible », sur fond de désaccords commerciaux entre les deux pays.

Poutine et Kim Jong-un chouchoutés

S’il s’en est pris aux alliés traditionnels de Washington, Donald Trump a souligné la qualité de ses relations avec… Vladimir Poutine et Kim Jong-un. Avec le premier, au mois d’août, il a eu une « rencontre formidable au cours de laquelle beaucoup a été accompli ».

En pleine affaire Khashoggi, il fait preuve de cynisme en acceptant plus volontiers la version de Riyad que celle de ses propres services de renseignement.

Mais c’est avec Pyongyang que le revirement est le plus marquant. En quelques mois, le président est passé du « Rocket Man » (« homme-fusée ») et « fou » en vigueur à l’automne 2017 à de « possibles progrès » du mois de mars avant, en juillet, d’évoquer la « gentille lettre » de son homologue nord-coréen, quelques semaines après leur rencontre à Singapour, en juin.

« Sa communication sur Twitter s’adresse davantage aux observateurs qu’à Pyongyang, puisqu’il n’a aucun réel moyen de pression sur Kim Jong-un », relève Mme Naves.

Son administration court-circuitée

L’annonce de la démission du secrétaire à la défense, James Mattis, après celle du retrait des troupes américaines en Syrie, est la plus récente illustration des effets dévastateurs de son utilisation de Twitter. « Nous avons vaincu l’EI en Syrie, ma seule raison d’être là-bas durant la présidence Trump », a tweeté Donald Trump, mercredi 19 décembre.

« En un tweet, Trump a détruit la politique américaine au Moyen-Orient », a ainsi réagi Victoria Nuland, diplomate américaine, secrétaire d’Etat assistante pour l’Europe et l’Eurasie de 2013 à 2017, dans le Washington Post. « Twitter lui sert à court-circuiter le département d’Etat, ses propres services, mais surtout, à s’adresser à son électorat », analyse Mme Naves.

Don’t feed the troll

« Ses tweets, énigmatiques ou rageurs, brouillent la communication de ses interlocuteurs, observe la chercheuse à l’IRIS. Mais surtout, ils lui permettent de ramener le débat à sa personne, comme lorsqu’il a affirmé que lors du mouvement des “gilets jaunes” des manifestants ont scandé “nous voulons Trump”. »

Après les attaques contre la France, l’ancien secrétaire d’Etat démocrate, John Kerry, a critiqué l’attitude du président qui déclare « son “amour” pour Kim Jong-un (…) mais insulte notre plus vieil allié [la France]. Arrêtez de tweeter ! L’Amérique a besoin d’amis ».

Mais rares sont les chefs d’Etat qui prennent le risque de répondre au président américain, pour ne pas envenimer la situation. Les plus avisés préfèrent le « subtweeter » (lui répondre sans le nommer).

En avril, après une philippique du président américain contre l’aide de la Russie au régime syrien, Dimitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine a répondu que la Russie ne « faisait pas de diplomatie sur Twitter ». Dans une interview à CNN, Emmanuel Macron répondait aux attaques de Donald Trump :

« Je préfère toujours avoir des discussions directes ou répondre à des questions que faire ma diplomatie au travers de tweets. »

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