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Jours tranquilles à Paris
2 janvier 2019

Emmanuel Macron déterminé à reprendre le fil de son quinquennat

Par Cédric Pietralunga - Le Monde

Dix-neuf mois après son élection et alors qu’il vient de vivre six semaines de violente contestation, le président est apparu offensif lors de ses vœux, lundi.

« Je suis au travail (…) déterminé à mener tous les combats. » Dix-neuf mois après son élection et alors qu’il vient de vivre six semaines de violente contestation, Emmanuel Macron est apparu offensif lors de ses vœux aux Français, retransmis lundi 31 décembre et suivis par plus de 11 millions de téléspectateurs. Comme un symbole, c’est debout et sans pupitre que le chef de l’Etat a d’ailleurs prononcé son discours, enregistré dans le salon d’angle de l’Elysée, là où se trouve son bureau.

Loin des paroles de contrition de sa précédente allocution, diffusée le 10 décembre et destinée à calmer la contestation des « gilets jaunes », Emmanuel Macron s’est montré cette fois déterminé à reprendre le fil de son quinquennat, perdu ces dernières semaines sur les ronds-points de l’Hexagone. Plus question de laisser croire que l’action du chef de l’Etat serait entravée par les manifestations et les blocages. Le président n’a d’ailleurs pas prononcé une seule fois le mot de « gilets jaunes » lors des dix-sept minutes de son intervention, comme s’il voulait montrer que l’épisode est derrière lui.

Alors que des violences ont encore émaillé certaines de leurs actions lors de « l’acte VII » du mouvement, samedi 29 décembre, M. Macron a assuré que « l’ordre républicain sera assuré sans complaisance ». Dans une allusion transparente aux leaders de la contestation, l’hôte de l’Elysée a fustigé les « porte-voix d’une foule haineuse » qui s’en prendraient, selon lui, « aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels » sous prétexte de « parler au nom du peuple ».

« Nous ne vivons libres dans notre pays que parce que des générations qui ont précédé se sont battues pour ne subir ni le despotisme, ni aucune tyrannie. Et cette liberté, elle requiert un ordre républicain, elle exige le respect de chacun et de toutes les opinions », a déclaré le chef de l’Etat, en référence aux dérapages commis par certains lors de manifestations ou sur les réseaux sociaux. « J’ai vu ces derniers temps des choses impensables et entendu des choses inacceptables », a-t-il ajouté. A ceux qui réclament sa démission, il a aussi rappelé que si « le peuple est souverain », il « s’exprime lors des élections » et non pas dans la rue.

« Aucun renoncement »

Bien sûr, M. Macron a reconnu qu’il existait une « colère » dans le pays, « contre les injustices, contre le cours d’une mondialisation parfois incompréhensible » ou « contre un système administratif devenu trop complexe et manquant de bienveillance ». Il a également dénoncé le « capitalisme ultralibéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns », et reconnu qu’il fallait « remettre l’homme au cœur » de l’action de l’exécutif. « Nous devons faire mieux », a-t-il aussi concédé, expliquant qu’il allait écrire aux Français dans les prochains jours afin de préciser les contours du grand « débat national » promis pour répondre à la crise et qui doit débuter mi-janvier.

Mais rien à voir avec le mea culpa de ses précédentes prises de parole, lors desquelles l’ancien ministre avait concédé avoir pu « blesser certains » par ses déclarations, comme celle sur le « pognon de dingue » que coûteraient les aides sociales, ou s’était excusé d’avoir donné le sentiment que la « colère » exprimée par les « gilets jaunes » « n’était pas [s] on souci ».

Après avoir renoncé ces dernières semaines à certaines des mesures adoptées depuis le début de son mandat, comme la hausse de la taxe carbone au 1er janvier ou celle de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, Emmanuel Macron s’est engagé à poursuivre les réformes promises durant sa campagne électorale. « L’impatience que je partage ne saurait justifier aucun renoncement », a-t-il expliqué.

Comme il s’y était engagé lors de sa campagne, le chef de l’Etat a listé ses chantiers à venir, indiquant qu’il allait « changer en profondeur les règles d’indemnisation du chômage, afin d’inciter davantage à reprendre le travail, l’organisation du service public, pour le rendre plus efficace, et notre système de retraite, pour le rendre plus juste ». Le prochain conseil des ministres, prévu vendredi 4 janvier, devrait donner un premier aperçu de l’agenda de l’exécutif sur ces sujets. Mais déjà, le gouvernement a publié au Journal officiel, dimanche 30 décembre, un décret durcissant les sanctions pour les chômeurs qui manqueraient à leurs obligations.

Le scrutin européen

Après avoir dû concéder le 10 décembre plus de 10 milliards d’euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat, M. Macron a aussi laissé entendre que cette prodigalité n’était pas amenée à se renouveler. « Il serait dangereux que notre situation nous conduise à ignorer le monde qui nous entoure », a-t-il justifié, alors qu’une partie de la majorité mais aussi du gouvernement s’inquiète de voir le déficit public de nouveau déraper. « Nous dépensons pour le fonctionnement et en investissement pour notre sphère publique plus que la moitié de ce que nous produisons chaque année », a-t-il rappelé.

Signe de cette volonté de se projeter rapidement dans l’après- « gilets jaunes », Emmanuel Macron a enfin évoqué le scrutin européen du 26 mai, qui s’annonce pourtant difficile pour lui. « Je crois très profondément dans cette Europe qui peut mieux protéger les peuples et nous redonner espoir », a-t-il déclaré, assurant qu’il allait proposer « dans les prochaines semaines (…) un projet européen renouvelé ».

Malgré les difficultés, le chef de l’Etat ne semble d’ailleurs pas décidé à changer de stratégie pour cette élection, dont plusieurs de ses adversaires veulent faire un référendum anti-Macron. Comme ses proches le répètent depuis des mois, c’est l’électorat conservateur que La République en marche va tenter de séduire. Dans ses vœux, Emmanuel Macron a ainsi utilisé plusieurs formules destinées à sonner doux à leurs oreilles. « On ne peut pas travailler moins et gagner plus, baisser nos impôts et accroître nos dépenses », a-t-il notamment déclaré. Il a aussi loué le « sens de l’effort et du travail ».

Les leaders de l’opposition ne s’y sont pas trompés et ont très vite attaqué le chef de l’Etat. La porte-parole des Républicains Laurence Sailliet a critiqué mardi sur Europe 1 un président toujours « totalement dans le déni ». Sur Twitter, Marine Le Pen a fustigé « un pyromane » et « un imposteur ». Dans un message de vœux, la présidente du Rassemblement national a aussi salué la « mobilisation fraternelle » des « gilets jaunes ». Le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a, lui, dénoncé sur Twitter « un rideau de fumée » créé par un « lunaire donneur de leçons » et a exhorté le chef de l’Etat au « partage des richesses ».

Reste à savoir si cette détermination mâtinée d’empathie suffira, d’ici au prochain scrutin européen, à redresser la courbe de popularité du chef de l’Etat, qui atteint un étiage inédit. Selon le baromètre Harris interactive publié lundi 31 décembre, les Français ne sont plus que 31 % à faire confiance au président, un chiffre jamais atteint depuis le début de son quinquennat. Et six Français sur dix n’ont pas jugé Emmanuel Macron convaincant lors de ses vœux, selon un sondage réalisé par OpinionWay après l’allocution et publié mardi.

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