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Jours tranquilles à Paris
9 janvier 2019

Les Etats-Unis s’enfoncent dans la crise après l’allocution de Trump sur son « mur » à la frontière

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trump01

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le président américain a choisi un ton plus solennel qu’à l’habitude, mardi, pour tenter de convaincre, alors que son projet est à l’origine du gel d’un quart du gouvernement fédéral depuis le 21 décembre 2018.

Donald Trump avait choisi la solennité d’une adresse présidentielle, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, mardi 8 janvier, pour tenter de gagner la bataille de l’opinion à propos du « mur » qu’il veut ériger sur la frontière avec le Mexique, mais qui est refusé par les démocrates. Ce blocage est à l’origine du gel (« shutdown ») d’un quart du gouvernement fédéral depuis le 21 décembre 2018.

Après des semaines de messages comminatoires et très souvent mensongers publiés sur son compte Twitter, le président des Etats-Unis, avec gravité, a défendu son projet avec une plus grande mesure, sans céder cependant un pouce de terrain.

La réponse des responsables démocrates du Congrès, la speaker (présidente) de la Chambre des représentants Nancy Pelosi (Californie) et le sénateur Chuck Schumer (Etat de New York) a montré qu’ils n’étaient pas plus disposés à des concessions.

Le « shutdown » est en passe de devenir le plus long de l’histoire des Etats-Unis si aucun compromis n’est forgé avant la fin de la semaine. Le record actuel remonte à un conflit entre le président démocrate Bill Clinton et les républicains à propos du déficit budgétaire. Ces derniers avaient fini par rendre les armes après vingt et un jours de blocage.

Tour de passe-passe

Nul ne peut dire pour l’instant qui cédera le premier cette fois-ci, ou bien si un accord finira par se dessiner sous la pression des modérés des deux camps. Alors qu’une poignée de sénateurs républicains commence à exprimer leur soutien pour une solution transitoire défendue par les démocrates – un financement temporaire des départements fédéraux concernés pour permettre une négociation plus sereine –, Donald Trump a prévu de battre le rappel des troupes mercredi à l’occasion d’un déjeuner au Congrès. Il doit également se rendre près de la frontière au Texas jeudi.

Peu à l’aise dans un exercice très contraint qu’il pratiquait pour la première fois, le président des Etats-Unis a renoncé, mardi, à déclarer un état d’urgence évoqué les jours précédents qui lui aurait permis de contourner le Congrès et de mobiliser l’armée. Cette démarche hardie mais risquée aurait sans doute été la promesse de contestations devant les tribunaux et les précédents en la matière ne plaident pas en faveur du président.

Ce dernier a également remisé les formules chocs, dénoncées comme fausses, assénées les jours précédents. Il n’a ainsi pas fait mention du flot de « terroristes » transitant selon lui par la frontière dont sa propre administration n’a jamais trouvé la trace. Mais il a une nouvelle fois assuré que la construction d’une séparation physique protégerait les Etats-Unis du trafic de drogue, alors que celui-ci passe principalement par les points de passage légaux.

Après avoir martelé pendant la campagne présidentielle que le Mexique financerait l’ouvrage d’art, Donald Trump a affirmé, mardi, que les économies qui seraient selon lui réalisées grâce à la réduction du trafic de drogue dégageraient des bénéfices équivalents aux 5,7 milliards de dollars (5 milliards d’euros) exigés pour sa construction, tout comme le nouveau traité de libre-échange négocié avec ce voisin des Etats-Unis. Une présentation qui relève sur ce dernier point du tour de passe-passe.

Aucune véritable ouverture

Fidèle à ses premiers propos de candidat, en juin 2015, le président des Etats-Unis a également associé une nouvelle fois l’immigration au crime. « Au fil des ans, des milliers d’Américains ont été brutalement tués par ceux qui sont entrés illégalement dans notre pays, et des milliers d’autres vies seront perdues si nous n’agissons pas maintenant », a-t-il dit. « Combien de sang américain devra être versé avant que le Congrès fasse son travail ? », a-t-il ajouté au terme d’une longue liste de victimes.

De nombreuses études, y compris celles issues du cercle de réflexion libertarien CATO, insistent au contraire sur le fait que les immigrants commettent proportionnellement moins de crimes que les personnes nées aux Etats-Unis.

Donald Trump n’a pas exprimé de compassion à l’égard des fonctionnaires fédéraux et des sous-traitants directement touchés par le gel du gouvernement fédéral. Il « reste fermé pour une raison et une seule : les démocrates ne veulent pas financer la sécurité des frontières », a assuré le président qui avait pourtant assuré en décembre 2018 qu’il serait « fier » de provoquer ce blocage pour ce motif.

A quelques détails près, comme la promesse de fonds supplémentaires pour mieux accueillir les demandeurs d’asile, ou la nature de ce « mur », qui serait désormais constitué de lames de métal et non plus de béton, Donald Trump n’a esquissé aucune véritable ouverture.

Il n’a pas évoqué par exemple, comme le lui suggèrent pourtant de nombreuses figures conservatrices – de l’ancien speaker Newt Gingrich aux milliardaires Charles et David Koch –, un éventuel « troc » entre le financement de cette muraille et la régularisation des sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis. Ces derniers bénéficiaient, depuis 2012, d’un statut légal qu’il a supprimé en septembre 2017, même si cette décision a été gelée ultérieurement par la justice.

Pelosi : « cesser de prendre les Américains en otages »

Dans leurs réponses, Nancy Pelosi et Chuck Schumer ont tenté de recadrer le débat dans une perspective qui leur soit plus favorable, tout en affichant leur unité. « Ne vous y trompez pas : les démocrates et le président veulent tous renforcer la sécurité à la frontière. Nous sommes toutefois en profond désaccord avec le président sur la façon la plus efficace de le faire », a assuré le sénateur, après que Nancy Pelosi avait dénoncé un projet « très coûteux et inefficace ». « Le président doit cesser de prendre les Américains en otages, cesser de créer de toutes pièces une crise [à la frontière] et doit rouvrir le gouvernement », avait-elle exigé.

Les deux camps sont d’autant moins enclins à se rapprocher qu’ils pensent l’un comme l’autre pouvoir profiter de cette crise. Après avoir failli brièvement renoncer à ce financement en décembre 2018, suscitant alors la colère de son aile droite, Donald Trump est désormais convaincu qu’il doit camper sur cette exigence et sur cette promesse de campagne, surtout à la veille de se lancer dans la bataille pour une éventuelle réélection.

De leur côté, les démocrates sortis renforcés à la Chambre lors des élections de mi-mandat considèrent être en position de force parce que le président avait centré sans succès sa campagne sur la situation à la frontière.

Ils considèrent aussi que les sondages qui montrent qu’une majorité de personnes interrogées jugent majoritairement Donald Trump responsable du blocage jouent en leur faveur.

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