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Jours tranquilles à Paris
13 janvier 2019

Et si l’amant parfait était une lesbienne ?

book PS (62)

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Les hétérosexuels feraient bien de s’inspirer des pratiques saphiques qui les font tant fantasmer et qui fonctionnent !, nous explique la chroniqueuse de « La Matinale », Maïa Mazaurette.

LE SEXE SELON MAÏA

En 2018, la requête la plus couramment tapée sur la plus importante plate-forme pornographique était « lesbian ». Même chose en 2017, 2016, 2015... on ne change pas un hashtag qui gagne ! Nous voici en présence d’un des paradoxes du désir contemporain : une minorité invisibilisée, noyée sous des stéréotypes peu flatteurs, attisant pourtant les fantasmes et la curiosité. Un double discours qui se traduit dans les représentations : des pratiques stéréotypées, conçues de manière écrasante pour un public hétérosexuel (car les femmes, comme les hommes, placent « lesbian » au premier rang de leurs errances érotiques).

Nous avons déjà parlé des raisons de ce succès lors d’une précédente chronique, attaquons-nous donc au nerf de la guerre : les hétérosexuels ont bien raison d’être curieux, vu que les lesbiennes sont incontestablement plus douées au lit. Selon une étude britannique de 2014, elles atteignent l’orgasme 75 % du temps, contre seulement dans 61 % des cas pour les femmes hétérosexuelles (et 58 % pour les bisexuelles). Des résultats confirmés en 2017 aux Etats-Unis : 86 % d’orgasmes pour les lesbiennes, 66 % pour les bi, 65 % pour les hétéros. De telles disparités n’existent pas entre les hommes.

Les choses deviennent encore plus intéressantes quand on entre dans le détail : 25 % des lesbiennes ont un orgasme à tous les coups, contre 16 % des hétéros. A l’autre extrémité du spectre, 2 % des lesbiennes n’ont jamais d’orgasme, contre 7,5 % des hétéros et 13 % des bi. Pour le cliché des lesbiennes frigides et des bisexuelles magnifiquement épanouies, on repassera !

Nulle intention ici de promouvoir une quelconque homosexualité (le lobby gay ne répond pas, il est à Mykonos) : il s’agit d’une simple question d’humilité. Ecartons donc les justifications faciles : oui, les lesbiennes peuvent s’inspirer de leur propre corps pour comprendre celui de leurs partenaires... mais l’identification a ses limites. Une lesbienne n’arrive pas en terrain conquis sous prétexte qu’elle a un clitoris, elle ne possède pas « le code » pour faire jouir une inconnue (astuce : si vous avez besoin d’un code, vous confondez votre compagne avec un coffre-fort).

C’est d’ailleurs quand nous considérons nos partenaires comme des stéréotypes (l’homme, la femme, Mars, Vénus) que nous adoptons des pratiques complètement irrationnelles. Est-ce qu’un homme voudrait qu’on lui gifle le pénis ? Non. Est-ce qu’il vanterait les mérites du « petit coup vite fait » si on parlait de le sodomiser, est-ce qu’il trouverait sympa que ça fasse « un peu mal » ? Devrait-il être amoureux pour jouir ? Non. Le jour où nous cesserons de nous focaliser sur les détails anatomiques pour reconnaître que le câblage est identique, nous pourrons commencer à souffler (de joie).

A ce titre, les lesbiennes ne bénéficient d’aucune science infuse. Seul avantage stratégique : elles sont dispensées de l’attente sociale consistant à « faire la femme » sous prétexte qu’elles sont des femmes (rappel pour les couples hétérosexuels : non, l’homme n’est pas obligé de faire l’homme, sinon vous confondez l’anatomie et le destin, et vous sciez 90 % du champ des possibles).

Comment faire alors pour réveiller la lesbienne en vous ? (Ne faites pas d’histoire, nous avons toutes et tous une lesbienne en nous.) Laissons de côté le scissoring, qui demande beaucoup trop de synchronisation et de muscles dans les cuisses (cette pratique, aussi appelée frottage ou tribadisme, consiste à s’emboîter comme des ciseaux – la pornographie adore, les lesbiennes sont divisées).

Bienveillance sous toutes ses formes

Commençons donc par le commencement, en déclinant la bienveillance sous toutes ses formes. Bienveillance esthétique, en évitant les commentaires désobligeants et les attentes ridicules (les femmes entre elles sont moins susceptibles de se sentir obligées d’avoir des mensurations de rêve ou des vulves « comme à la télé »). Bienveillance dans la patience, l’écoute, la communication. Réalisme envers ses propres capacités : si vous êtes un homme, restez dans la zone située entre le mansplaining (« je vais te faire jouir ») et le suicide (« les femmes sont des grizzlis sans poils, je ne vais jamais y arriver »).

Deuxièmement : au royaume (redoutablement mal nommé) des amuse-bouches, le clitoris est roi. Cessez de considérer le cunnilingus comme un préliminaire, et prolongez-le jusqu’à l’orgasme (car sans surprise, si vous vous arrêtez en plein milieu, ça ne marche pas). Précisez que vous n’êtes pas pressé : parce que les hétérosexuels ont une fâcheuse tendance à instrumentaliser cette pratique pour remettre leur pénis au centre de l’univers (oh, quelle surprise, un pénis !), leurs compagnes se sentent coupables quand une minette dure plus de trois minutes ! Elles peuvent alors se désinvestir, plutôt que prendre le risque d’être déçues ou de paraître en demande.

Bien sûr, tous les cunnilingus ne se terminent pas par l’orgasme. Mais si vous commencez, soyez prêt à continuer pendant quinze minutes – et faites-le savoir, sans mettre la pression. Si vous n’avez pas la force de vous occuper d’un clitoris pendant quinze minutes (pauvre lapin), il est temps de reconsidérer votre hétérosexualité. Bon, j’exagère : les fatigués peuvent évidemment utiliser leurs doigts. Comme l’écrit Marie Candoe dans son guide Osez... les conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme (qui vient de ressortir aux éditions La Musardine) : « Proposez-lui de placer vos doigts sur son clitoris et de vous préciser le rythme qui lui va. Mêlez alors vos doigts aux siens, ralentissez votre pression et observez la sienne, suivez-la, laissez-vous entraîner dans cette caresse à deux, c’est encore comme ça que vous découvrirez le mieux ce que votre amie aime. »

Ce qui fonctionne vraiment

Point suivant, inspirez-vous de ce qui fonctionne vraiment. Une stimulation génitale associée à du sexe oral et des baisers sera satisfaisante pour 80 % des hétérosexuelles et 91 % des lesbiennes (Archives of Sexual Behavior, 2017). Stimulation génitale, ça veut dire qu’on peut mettre les doigts ? Oui. Mais demandez toujours la permission... et coupez vos ongles, Dieu vous le rendra au centuple. Même si vous connaissez votre partenaire, ne considérez jamais son intérieur-cuir comme acquis – rappelons au passage que la pénétration, comme la conversation ou les salsifis, n’est pas obligatoire. Des fois, on n’a pas envie. D’autres fois, on n’est pas prête. (Une femme qui se raidit n’est pas prête.)

Si vous n’aimez pas les cunnilingus, vous pouvez réaliser une double stimulation avec une seule main : le pouce sur le clitoris (délicatement), l’index en pénétration vaginale – hop, vous voici transformé en Rabbit, 2019 commence de manière formidable, non ? Profitez de votre main libre pour étendre votre zone d’action érotique (il n’y a pas que le triangle génital dans la vie) : incluez les orteils, le périnée, le cou, etc.

Pour la pénétration, outre les doigts, pensez aux godemichés montés ou pas sur un harnais, aux vibromasseurs, mais aussi aux sextoys permettant de contourner le tout-pénis. La marque pour lesbiennes Wet for Her regorge d’options comme l’extenseur digital Two, le Rabbit augmenté Amorino, ou le tout nouveau RockHer. Il existe en ligne quantité de vibrateurs adaptables sur les doigts, parfaits pour les couples hétérosexuels. Envie de quelque chose de plus intense ? Si vous avez fantasmé toute votre vie sur la scène finale du film Requiem for a Dream, n’hésitez pas à investir dans le même double godemiché : ces choses-là entrent très bien dans un corps d’homme (inutile de vous évanouir, je sais que vous êtes là).

Dernière recommandation : vous inspirer des lesbiennes dans l’idée de produire une performance cosmétique, tendre et froufroutante serait incroyablement réducteur. Vous avez donc droit à toutes les déclinaisons qui vous font plaisir... y compris le BDSM, le cuir, les orgies et autres jeux de frustration. Les lesbiennes ne sont pas des anges. Les hétérosexuelles non plus !

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