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Jours tranquilles à Paris
20 janvier 2019

Président Trump, an II : état d’urgence

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Après quatre semaines de « shutdown » pour forcer les démocrates à voter le financement du « mur » qu’il veut ériger, le président américain s’est senti dans l’obligation de manœuvrer, alerté par une accumulation de sondages négatifs.

Un président sait qu’il est dans la difficulté lorsqu’il est obligé de s’exprimer un samedi après-midi, au début d’un long week-end de trois jours, Martin Luther King Day oblige.

Après quatre semaines de blocage (« shutdown ») d’un quart du gouvernement fédéral, pour forcer les démocrates à voter le financement du « mur » qu’il veut ériger à la frontière avec le Mexique, Donald Trump s’est senti dans l’obligation de manœuvrer, alerté par une accumulation de sondages négatifs.

Il a donc proposé à son opposition un compromis « de bon sens » : le financement d’un ouvrage définitif contre une protection temporaire des sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis. Sauf que ces derniers échappent déjà provisoirement aux expulsions du fait d’une décision de justice. Les démocrates n’ont pas du tout été emballés.

« Penser grand »

Le président n’a manifestement pas relu récemment le premier ouvrage signé de son nom : Trump, the art of the deal, publié en 1987. Le deuxième chapitre, intitulé Trump cards, the elements of the deal, rassemblait les recettes qui feraient immanquablement du lecteur un condottiere de la finance ou de l’industrie.

La première astuce était de « penser grand ». Dans le cas du « mur », le président voit de plus en plus petit. Il a rappelé, samedi, qu’il n’irait pas d’un océan à un autre, tout comme il a renoncé à nouveau à la muraille de béton promise au profit d’une plus modeste barrière métallique dont la localisation et la hauteur restent à définir. Bref le « mur » n’est plus le « mur », tout en le restant pour des raisons de promesses électorales.

Dans ce même chapitre, l’homme d’affaires suggérait de « maximiser ses options ». « Je me protège en étant flexible, je ne m’attache jamais trop à un deal ou à une approche », expliquait-il. Le président a pourtant rivé son destin à ce « mur », au point que ses moindres gestes sont scrutés par son aile droite, attentive au moindre signe de faiblesse. La pamphlétaire anti-immigration Ann Coulter n’a d’ailleurs pas apprécié l’allocution présidentielle de samedi. « On a voté pour Trump et on a Jeb » Bush, candidat malheureux à l’investiture républicaine en 2016 et jugé trop laxiste en la matière, a-t-elle pesté sur son compte Twitter.

« Connaître son marché »

Toujours dans le même ouvrage, le magnat de l’immobilier recommandait de « connaître son marché ». Mais le président semble imperméable à l’idée que le Congrès lui est défavorable depuis les élections de mi-mandat, en novembre 2018. Les démocrates sont désormais majoritaires à la Chambre des représentants et Donald Trump n’est même pas certain de disposer de la majorité qualifiée pour faire adopter ses nouvelles propositions au Sénat.

En 1987, le promoteur assurait que « la pire chose est de donner l’impression de vouloir à tout prix » quelque chose. C’est précisément la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui avec un « mur » dont la réalisation dépend d’autres que lui.

Par sa proposition de samedi, manifestement négociée entre républicains et donc peu susceptible d’être acceptée par les démocrates, Donald Trump n’espérait sans doute pas trouver une issue au gel partiel du gouvernement fédéral, mais plutôt, en anticipant leur refus, transférer sur leurs épaules une partie de la responsabilité du « shutdown ».

Pour le malheur des fonctionnaires fédéraux, le roi de la négociation est resté enfermé dans les pages publiées en 1987.

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