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Jours tranquilles à Paris
5 février 2019

Emmanuel Macron retrouve le charme des pratiques de l’« ancien monde »

macron21

Par Olivier Faye

Le chef de l’Etat renoue avec le terrain, mais aussi avec le contact direct avec les journalistes, qu’il avait jusqu’ici maintenus à distance. Et n’exclut pas de toucher au non-cumul des mandats.

En astronomie, le propre d’une révolution pour un corps céleste est de repasser à son point de départ. Il peut en être de même en politique. Pendant sa campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron, auteur du livre Révolution (XO, 2016), se campait ainsi en « outsider » du « système » politique, qui allait impulser un « renouvellement des pratiques ».

Fini le « président de l’anecdote » que représentait à ses yeux François Hollande, place au « président du temps long », comme il le promettait dans un entretien au Monde, le 4 avril 2017. Finis, aussi, ces échanges informels à tout bout de champ avec les journalistes qu’affectionnait son ancien mentor, devenu contre-modèle.

« Je veux tourner deux pages. La page des cinq dernières années et la page des vingt dernières années », ambitionnait alors l’ancien ministre de l’économie. Las, son impopularité tenace et la crise des « gilets jaunes » le contraignent, presque deux ans plus tard, à revoir certaines de ces aspirations pour revenir à des méthodes plus « classiques ».

Exercice inédit

Jeudi 31 janvier, le président de la République a reçu à l’Elysée, pendant près de deux heures trente, six journalistes de différents médias nationaux pour leur exposer sa vision des choses. L’exercice, courant chez la plupart de ses prédécesseurs, était inédit pour celui qui a longtemps revendiqué tenir la presse à distance. « J’étais halluciné de le voir recevoir les éditorialistes, souffle un poids lourd de la majorité. Lui qui a passé son temps à taper sur François Hollande car il parlait trop aux journalistes… »

Le 27 janvier, déjà, M. Macron avait longuement évoqué les sujets de politique nationale avec la presse en marge de son déplacement officiel au Caire. Depuis le début de son quinquennat, pourtant, le chef de l’Etat s’était fixé comme règle de ne jamais parler de politique intérieure depuis l’étranger. « Le président s’exprime dès lors que sa parole est utile », justifie-t-on aujourd’hui à l’Elysée.

Au-delà de la forme, ce rendez-vous du 31 janvier avec la presse a été l’occasion de passer plusieurs messages, notamment sur le fonctionnement des médias en France. « Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’Etat doit financer, a estimé le locataire de l’Elysée. Il faut financer des structures qui assurent la neutralité. » Face à la propagation des « fake news », il a évoqué la possibilité que « la vérification de l’information » soit soutenue par « une forme de subvention publique assumée ».

Soucieux de la vie des rédactions, donc, le président de la République s’est aussi montré attentif à « la vie des gens ». « C’est un sujet présidentiel », a-t-il estimé, citant l’exemple de la réforme de l’Etat avec ces fonctionnaires trop affairés à leurs bureaux et « pas assez au guichet ». Une implication de tous les instants rendue nécessaire par le rythme effréné du quinquennat – Nicolas Sarkozy et François Hollande l’ont éprouvé en leur temps –, mais qui va à rebours de la manière dont le candidat Macron imaginait la fonction. « A partir du moment où le président devient le débiteur des actions du quotidien, d’ajustements, comme cela s’est passé sous les précédents quinquennats, il s’affaiblit. De manière colossale », estimait-il auprès du Monde, le 4 avril 2017.

Reprendre la main

« C’est une période de transition car la cellule de communication de l’Elysée est en train d’être réorganisée, note le communicant Robert Zarader, qui a conseillé François Hollande avant de soutenir M. Macron. Il a décidé de reprendre la main en direct sur un certain nombre de sujets : les élus locaux, les médias, pour préparer la sortie du grand débat national. » En parallèle de ses rencontres avec les maires, le chef de l’Etat doit en effet recevoir tout au long de la semaine l’ensemble des présidents de groupes parlementaires dans le cadre de consultations menées sur le grand débat.

Le premier ministre, Edouard Philippe, doit pour sa part s’entretenir avec syndicats et associations. Des acteurs qui ont souvent regretté depuis le début du quinquennat de ne pas être assez consultés. « Emmanuel Macron est en campagne, dénonce Boris Vallaud, député PS des Landes et ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée durant le quinquennat de M. Hollande. Il parle à la presse, aux maires, mais si ce débat finit simplement en grand monologue du président de la République face à différents interlocuteurs, ce ne sera qu’une tentative de remise en selle sans rien changer au fond de sa politique. »

Il est un point sur lequel une marche arrière semble en tout cas possible : le cumul des mandats, que François Hollande avait strictement limité. Sur France Inter, le 30 janvier, Edouard Philippe a jugé pas « incompatible » le cumul éventuel entre un mandat de maire d’une petite commune et celui de parlementaire. « Si le maire d’un village était sénateur, je ne vois pas où serait le problème, explique un proche du premier ministre. D’ailleurs, je le pense aussi pour le maire de Marseille. Mais c’est une question posée seulement par les élus ou les parlementaires, je ne crois pas que ce soit une priorité. »

La porte semble néanmoins ouverte à des aménagements à la suite du grand débat. « Le Sénat est par nature une chambre de représentations des territoires, mais la question se pose pour les députés », précise-t-on à l’Elysée. Dans l’entourage de M. Macron, on plaide en faveur d’une double « réflexion ». « Sur l’organisation du temps parlementaire », d’un côté, « de manière à libérer du temps pour être en circonscription », et de l’autre « sur le cumul des mandats, en respectant l’esprit de la loi, qui est de considérer qu’on ne peut pas être maire d’une grande ville et parlementaire ». Le temps où certains députés marcheurs se voyaient comme des législateurs qui n’ont pas vocation à s’investir sur le terrain local semble révolu.

Un visiteur du soir de l’Elysée, qui a connu plusieurs présidents, raillait ces dernières semaines la prétention de la macronie à inventer un « nouveau monde » politique : « Depuis Aristote, Cicéron, Machiavel, tout a été écrit sur l’exercice du pouvoir. Si Emmanuel Macron croit encore à sa théorie du nouveau monde, il devrait les lire. » En somme, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

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