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Jours tranquilles à Paris
1 mars 2019

Dents cassées, traumas thoraciques et aveugles renversés… Les trottinettes électriques causent des accidents à Paris

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SOCIETE Depuis leur arrivée en libre-service il y a huit mois, les trottinettes électriques ont envahi les rues (mais aussi les trottoirs) de Paris et de nombreuses villes d’Ile-de-France. Elles amènent avec elles leur lot d’accidents

Pour l’instant, aucune autorité n’est en mesure de donner les chiffres exacts des accidents impliquant des trottinettes à Paris.

Cependant, à leur niveau, de nombreux acteurs pointent un nombre important d’accidents dus aux comportements des utilisateurs, aux villes non adaptées ou encore aux engins eux-mêmes.

Nouveau moyen de déplacement = nouveaux conducteurs = nouveaux accidents. « Je suis monté dessus, j’ai fait à peine quelques mètres et là, j’ai dû faire un léger faux mouvement, j’ai perdu le contrôle de la trottinette et j’ai chuté en avant. C’est ma main droite et mon genou qui ont pris ». Il y a un mois et demi, Jérémy, 27 ans, est tombé d’une trottinette électrique en libre-service dans Paris.

Pourtant ce skateur aguerri avec un bon sens de l’équilibre ne roulait qu’à une quinzaine de km/h. « Le moindre petit geste peut faire dévier la roue avant, comme la pression du frein qui se trouve sur le guidon. Quand tu fais un faux mouvement, c’est irrattrapable. La trottinette a une configuration telle, qu’on ne peut pas contrôler la chute. »

Des traumas thoraciques et abdominaux à cause du guidon

Jérémy a eu de la chance de ne souffrir que d’hématomes. D’autres ont beaucoup moins de chance. « Il n’y a pas un jour où on ne voit pas un ou deux accidentés de trottinette passer », assure Côme Légaut, médecin urgentiste à l’hôpital privé d'Antony, tout en précisant ne pas non plus observer de suraccidentologie par rapport aux accidents de vélo.

« Ce sont essentiellement des blessures bénignes, des fractures des membres supérieurs comme les mains. Parfois on part sur le côté, les mains restent sur le guidon, donc ce sont les coudes et les épaules qui prennent, observe le professionnel de santé. On voit aussi pas mal de traumas thoraciques et abdominaux parce que les personnes qui chutent en avant se prennent le guidon. »

« J’ai dû procéder à une greffe d’os et de gencive »

Si les loueurs de trottinettes électriques indiquent généralement sur l’application qu’il est nécessaire de porter un casque, peu d’utilisateurs respectent la recommandation. « Du coup, on voit également passer des traumas crâniens, des visages râpés et des lésions dentaires », ajoute Côme Légaut.

« Dents cassées, déchirures de la lèvre, parfois du menton », énumère le docteur Bertrand Bismuth. Ce chirurgien-dentiste assure qu’au minimum deux interventions sur des accidentés de trottinettes électriques sont réalisées chaque semaine dans sa clinique dentaire Trocadéro située dans le 16e arrondissement. « Une fois j’ai eu un jeune homme de 18 ans qui avait perdu sa dent et s’était fracturé l’os qui la maintenait. J’ai dû procéder à une greffe d’os et de gencive, faire un implant dentaire et poser une prothèse. Heureusement que ses parents avaient les moyens de payer, sinon le préjudice esthétique aurait été majeur et définitif. »

« Je vois surtout des gosses de 16 ans, dans 80 % des cas, des garçons »

Le chirurgien-dentiste observe également chez ces nouveaux patients quelques points communs. « Je vois surtout des gosses de 16 ans qui ont voulu aller à toute allure. Je dirais que dans 80 % des cas, ce sont des garçons. » Un profil type d’accidentés ? De son côté, Nathalie Guibet-Roy, chargée de projets marketing à la société d’assurance la MAIF , dresse deux portraits d’utilisateurs de trottinettes électriques plus exposés aux risques d’accidents.

« Il y a ceux qui vont acheter une trottinette. Ils ont plutôt dans les 40-50 ans, il s’agit de leur propre bien, qu’ils utilisent régulièrement et souvent sur des trajets connus, comme celui pour aller au travail par exemple. Ils vont donc y faire plus attention, souvent s’équiper de protections et mieux savoir l’utiliser. Ils sont plus responsables, mais aussi plus fréquemment exposés aux dangers de la circulation. Il y a ensuite des utilisateurs, souvent plus jeunes, qui louent occasionnellement les trottinettes électriques en free floating. Eux vont avoir tendance à moins faire attention dans leur conduite car il ne s’agit pas de leur bien et à ne pas porter de protection, puisque le déplacement n’était pas forcément prévu. Ils sont moins fréquemment exposés aux dangers, mais plus irresponsables. »

« Beaucoup de non-voyants ont énormément de mal à ressortir dans la rue »

La MAIF rappelle également que la plupart des loueurs en free floating n’assurent pas leurs utilisateurs. « Si vous vous blessez seul il vous faut une garantie corporelle active. Si vous blessez quelqu’un, c’est votre assurance responsabilité civile qui prend en charge les frais. »

Et les piétons qui vivent particulièrement mal l’arrivée des trottinettes, ce sont les malvoyants et non-voyants. « Des accidents avec choc ou chute, on nous en rapporte plusieurs fois par mois en Ile-de-France, assure Thierry Jammes, vice-président de la Fédération des aveugles de France. Les trottinettes électriques sont silencieuses donc nous ne pouvons pas les anticiper. C’est très traumatisant. Après ça, beaucoup de non-voyants ont énormément de mal à ressortir dans la rue. » L’expert en mobilité pointe également du doigt les utilisateurs qui laissent n’importe où les engins une fois leur trajet fini. « Pour nous, c’est encore un objet supplémentaire à contourner sur des trottoirs déjà très encombrés. »

Des amendes pour les trottinettes circulant et stationnant sur le trottoir

La fondation a demandé aux autorités à ce que les trottinettes électriques ne soient plus tolérées sur les trottoirs et que des amendes soient réellement distribuées, mais aussi à ce que soit rendue obligatoire la mise en place d’un système sonore sur ces engins. « Il faudrait également créer des espaces pour les garer et redimensionner les pistes cyclables au vu de tout ce que l’on veut mettre dessus. »

De son côté, la Ville de Paris, qui souhaite favoriser ces mobilités douces et innovantes, a annoncé un certain nombre de mesures pour assurer la sécurité des Parisiens et des Parisiennes. Dans un communiqué du 6 novembre, elle assure par exemple que « les trottinettes électriques circulant sur les trottoirs » seront verbalisées, tout comme celles « stationnant sur les trottoirs » et gênant la libre circulation des piétons. Des stationnements réservés sont expérimentés dans les 2e et 4e arrondissements.

« Que l’on roule à 25 ou à 5 km/h, un impact mal placé sur le crâne peut être fatal »

La mairie n’est cependant pas très bavarde sur le sujet des accidents. Si on nous glisse qu’effectivement « un phénomène est observé », le cabinet en charge des transports assure ne pas avoir « d’éléments précis » sur le sujet. « On sait en revanche avec certitude qu’il n’y a aucun accident mortel en 2018 ni en 2019 impliquant un usager de trottinette. » Même manque d’informations du côté des pompiers ou de la police où l’on nous indique cependant qu’en 2018, à Paris, la police est intervenue « sur une vingtaine d’accidents impliquant des véhicules motorisés et des trottinettes électriques ».

Pour tous nos intervenants l’un des principaux problèmes réside dans le manque de protections des utilisateurs. « Que l’on roule à 25 ou à 5 km/h, un impact mal placé sur le crâne peut être fatal », rappelle le médecin urgentiste. « Je roulais seulement à 15 kilomètres et ma chute était particulièrement violente. Je n’ose pas imaginer pour les gens qui en ont à 25 », lâche Jérémy qui n’est plus jamais monté sur une trottinette électrique.

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