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Jours tranquilles à Paris
12 mars 2019

Viktoria Modesta, amputée et star du Crazy Horse

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Avec sa prothèse et son style futuriste, Viktoria Modesta, chanteuse et performeuse britannique, sera bientôt la vedette du cabaret parisien.

Cape en plastique sur les épaules, chevelure noire sculpturale et magnifique prothèse en plastique translucide mise en avant, Viktoria Modesta prend la pose dans le petit salon rouge du Crazy Horse. Presque irréelle et si charnelle, la chanteuse, compositrice et modèle de 30 ans s’excuse de son retard. Arrivée la veille de Los Angeles, elle accuse le décalage horaire.

« Il faut convaincre mon corps qu’il n’est pas cinq heures du matin », lâche-t-elle d’un sourire mutin. Son corps, pourtant, a l’habitude de lui obéir, elle qui l’a refaçonné pour « l’harmoniser avec [son] identité ». Il y a dix ans, la Britannique a décidé de subir une amputation volontaire de la jambe gauche, remplaçant ce membre déficient de naissance par une prothèse. Il s’agissait d’améliorer sa mobilité et l’image qu’elle avait d’elle-même.

Elle défend l’idée de « beauté altérée »

Depuis, elle s’est construit un personnage à l’univers propre. Dans le style gothico-futuriste, la voici « show girl bionique » avec cette prothèse dont elle décline formes et matière, un coup lumineuse, un coup en cristal Swarowski ou en métal poli… Très attentive à son image, elle défend depuis une dizaine d’années l’idée de « beauté altérée ».

Après Dita Von Teese, Clotilde Courau, Arielle Dombasle ou Pamela Anderson, c’est cette beauté, intrigante et fascinante que convie en invitée spéciale le Crazy Horse en juin prochain. Pas pour sa jambe en moins, mais bien parce « qu’elle a un truc en plus », insiste Andrée Deissenberg, directrice de la création du cabaret. « C’est la femme, son esthétique et la puissance de sa réflexion sur l’identité qu’on invite. Avec elle, c’est un regard vers le futur que l’on porte. »

Née en Lettonie, Viktoria passe en grande partie son enfance à l’hôpital, subissant des opérations à répétition. Sans succès. L’innocence de l’enfance la protège. « Les gamins n’ont pas nécessairement conscience d’être différents, j’ai grandi en ayant confiance en moi. Je n’allais pas à l’école, mais faisais d’autres choses… Pour moi tout était possible. » Elle chante, l’art l’attire.

À 12 ans, sa famille émigre à Londres. Nouvelle ville, nouvelle vie. La mode, la vie nocturne et surtout « ces gens libres d’être qui ils voulaient », elle s’y libère, côtoie l’underground, découvre l’artiste expérimental Matthew Barney et le couturier Alexander McQueen qui travaillent avec Aimée Mullins, actrice, mannequin et athlète amputée des deux jambes. Germe en elle l’idée que son corps ne correspond pas forcément à son identité.

« Il y a des gens nés pour être différents »

« Ce corps brisé m’entravait, j’ai décidé de me faire amputer de cette jambe trop courte. » Elle a 15 ans. Il en faut du courage. De la persévérance aussi. Cinq ans durant, les médecins refusent. Elle insiste. « C’était une question de vie ou de mort, le seul moyen de vivre libre plutôt que de subir », souffle-t-elle.

Un médecin accepte. Elle a 20 ans. Délestée, elle prend son envol, multiplie les projets, production musicale, photo, chanson, site Internet… « Je vivais enfin ma réalité. Les autres ne savent pas toujours ce qui est le mieux pour vous. » Sexy, elle joue le côté glamour futuriste. Son leitmotiv : « Être fun, montrer qu’on doit avoir confiance en son imagination, en soi, qu’il faut s’aimer. »

Reine des Neiges bionique de la parade des jeux paralympiques de 2012 à Londres, elle tourne en 2014 pour Channel 4 « Prototype », clip puissant dans lequel elle danse suspendue à des filins avec une pointe effilée au bout de la jambe - une séquence qu’elle pourrait reproduire sur la scène du Crazy. Sorte de rebelle, on la voit effrayer l’ordre établi avec sa prothèse assumée. « Il y a des gens nés pour être différents, pour prendre des risques », lit-on à la fin.

Consciente que « le business et le monde de la pop culture n’ont pas d’intérêt à changer les mentalités », elle s’oriente alors vers le milieu de l’art et de la performance. Tout en cultivant une image glamour sur papier glacé et Instagram, elle côtoie au sein du MIT Media Lab - laboratoire pluridisciplinaire et non conventionnel - artistes et scientifiques, esprits libres cherchant à inventer un meilleur futur…

Le coup de fil du cabaret parisien l’a surprise, mais elle a dit oui, aussitôt, avec l’idée de « conserver l’essence du Crazy Horse tout en portant la féminité dans le futur ». Trois tableaux seront spécialement créés, le spectacle sera adapté et l’esprit rétro-futuriste pourrait envahir la salle…

Est-elle une super héroïne ? « Je ne crois pas… Les superhéros viennent de notre imaginaire, je me suis échappée de mon imagination, je me suis pensée, c’est vrai. C’est au public de décider… Le job des superhéros est de vous faire sentir mieux, si je peux avoir cet effet sur quiconque, ce serait génial ».

« Bionic Show Girl », du 3 au 16 juin, au Crazy Horse (Paris 8e).

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http://www.viktoriamodesta.com/

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