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Jours tranquilles à Paris
2 avril 2019

Brexit : les députés britanniques ne parviennent pas à s’accorder sur une alternative au plan de May

Par Philippe Bernard, Londres, correspondant

Après avoir rejeté trois fois déjà l’accord de la première ministre, les élus ont dit non aux nouvelles options qui leur étaient présentées et proposaient notamment de maintenir des liens étroits avec l’Union européenne.

A onze jours de la nouvelle échéance fixée au 12 avril, le jeu de massacre du Brexit continue. Le Parlement de Westminster se faisait fort de réussir là où Theresa May a échoué : sortir le processus de l’impasse en réunissant une majorité sur un plan alternatif à celui que la première ministre ne parvient pas à leur faire avaler. Mais les députés ont donné une nouvelle fois, lundi 1er avril au soir, le spectacle de leur désunion, de leur impuissance, voire de leur irresponsabilité, renforçant l’impression déjà forte de chaos.

Aucune des quatre motions soumises à leur vote – qui proposaient soit une rupture plus douce que celle voulue par Mme May, soit une remise en cause du Brexit – n’a recueilli de majorité. Il a manqué seulement trois voix (273 voix favorables contre 276) à la motion portée par l’ancien ministre conservateur Kenneth Clarke, doyen des Communes et proeuropéen de choc, pour passer. Celle-ci proposait le maintien du pays dans l’union douanière européenne. Le texte prônant l’organisation d’un second référendum, lui, a été défait à peine plus largement (280 voix favorables contre 292).

A première vue, l’échec des députés est une relativement bonne nouvelle pour Mme May, qui en a bien besoin. Aucune des propositions alternatives mises aux voix lundi n’a obtenu les 286 voix que l’accord de Brexit qu’elle défend, a recueillies lors de son troisième passage devant les députés, le 29 mars. De quoi l’encourager à se lancer dans une quatrième tentative dans les jours qui viennent. « Si vous ne votez pas enfin mon deal, vous aurez un Brexit édulcoré, ou des élections, voire un nouveau référendum [qu’ils redoutent] », pourrait-elle menacer en substance les députés conservateurs. Sans garantie de succès car cela suppose qu’elle convainque de se rallier plus de trente députés, les plus remontés contre elle.

Mardi 2 avril, le gouvernement est convoqué pour une réunion de cinq heures où la suite des opérations devrait être décidée, y compris la mise en ordre de marche pour d’éventuelles législatives. De leur côté, les députés, peu habitués à la sorte d’autogestion qu’ils ont conquise face à un gouvernement déliquescent, se sont séparés lundi soir sans plan précis. Un créneau parlementaire est réservé pour une nouvelle séance, mercredi 3 avril, au cours de laquelle les propositions les plus populaires rejetées lundi soir pourraient fusionner pour être à nouveau soumises au vote.

Paysage dévasté

Dans ce paysage dévasté, les options de la première ministre sont limitées et toutes, hormis un vote miraculeux de son deal au quatrième tour, présentent des dangers politiquement mortels pour son gouvernement, pour elle-même ou pour le pays. Qu’elle soit tentée par la sortie sans accord (« no deal »), ce « saut de la falaise » décrit comme une catastrophe économique mais souhaité par les ministres ultras, et la faction modérée de son gouvernement démissionnera. Mme May serait alors fortement exposée à un vote de défiance et le pays à des élections législatives. Qu’elle tente au contraire un compromis autour d’un « Brexit doux » en maintenant la proximité avec l’Union européenne (UE), et les ultra pro-Brexit de son équipe s’éclipseront avec des conséquences comparables.

Dans ces circonstances d’extrême instabilité, on voit mal comment Mme May, sauf choix suicidaire du « no deal », éviterait de solliciter de l’UE un deuxième report du Brexit, de longue durée cette fois. Un nouveau délai que les vingt-sept autres Etats de l’Union n’accorderaient qu’à deux conditions : que le Royaume-Uni accepte d’organiser les élections européennes le 23 mai, et que le pays se soit accordé pour convoquer soit des élections législatives, soit un second référendum. Deux issues qui provoqueraient probablement le départ de Theresa May, mais dont personne n’est sûr qu’elles trancheraient définitivement la question du Brexit.

« Pas fins politiques »

Le Parlement « tente de faire en quelques jours ce que Theresa May aurait dû faire depuis deux ans et demi », a grincé Joanna Cherry, l’une des trente-cinq députés du Parti national écossais (SNP, indépendantiste). De fait, alors que les élections législatives de 2017 avaient reflété la préférence des électeurs pour un Brexit modéré, la première ministre n’a jamais cherché à constituer une majorité avec des élus du Labour, se cabrant au contraire sur ses « lignes rouges » radicales dont elle est aujourd’hui prisonnière. Après avoir tenté de court-circuiter les députés, elle tente aujourd’hui de leur mettre des bâtons dans les roues.

Mais les parlementaires, peu habitués à tant de liberté, « ne se sont pas montrés fins politiques », comme leur a lancé Kenneth Clarke à l’issue des quatre votes stériles. Certes, le Labour avait mis de l’eau dans son Brexit en soutenant la motion dudit conservateur Clarke. Mais les partisans du second référendum – Libdems, SNP et indépendants, soit 57 députés au total – ont refusé toute concession et refusé de voter en faveur d’un simple maintien dans l’union douanière.

Après l’annonce des résultats, le député tory Nick Boles, qui défendait une autre motion rejetée, favorable à un statut d’association à l’UE proche de celui de la Norvège, a demandé la parole et annoncé sa démission du Parti conservateur. « J’ai échoué parce que mon parti se refuse à tout compromis », a-t-il articulé d’une voix blanche.

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