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Jours tranquilles à Paris
20 juin 2019

Georges Pompidou - Mandat présidentiel 20 juin 1969 – 2 avril 1974

L’hommage de Macron à Pompidou, président d’une France « heureuse »

Qu’y a-t-il de commun entre le conservateur et catholique pratiquant du Cantal et celui d’Amiens, héraut revendiqué du progressisme ?

Par Olivier Faye  

On peut avoir décroché des murs du palais de l’Elysée les tableaux des « présidents morts », pour reprendre une expression d’Emmanuel Macron, et en même temps leur rendre hommage. En cette année du cinquantenaire de l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République (1969-1974), le chef de l’Etat ne cesse de célébrer la mémoire de son prédécesseur.

Le 2 avril, jour anniversaire du décès de M. Pompidou, le président de la République assistait à une messe célébrée en son honneur à l’église parisienne de Saint-Louis-en-l’Ile. M. Macron devait par ailleurs prononcer, jeudi 20 juin, le discours d’ouverture d’un colloque de deux jours destiné à soupeser l’héritage pompidolien. Las, il est finalement retenu à Bruxelles par le Conseil européen, mais comptait se rattraper en recevant, mercredi soir à l’Elysée, les protagonistes du colloque. Pourquoi tant d’égards ?

Certes, des similitudes existent dans les parcours respectifs des deux hommes. Passés l’un et l’autre par la banque Rothschild, MM. Pompidou et Macron ont en commun d’avoir accédé aux plus hautes fonctions sans être passés par la case élu local ou parlementaire. Mais il est difficile de s’aventurer plus loin dans le jeu des comparaisons.

Qu’y a-t-il de commun, sur le papier, entre le natif de Montboudif (Cantal), conservateur et catholique pratiquant, qui charrie l’image d’un homme enraciné, et celui d’Amiens, ancien ministre d’un président socialiste et héraut revendiqué du progressisme ? A la faveur de la crise des « gilets jaunes », M. Macron est même apparu honni par une partie de la France provinciale.

« L’art d’être français »

« Pompidou, c’est le président des Français, qui a su en être aimé, ce qu’Emmanuel Macron rêve d’être. Ce qu’il n’a pas réussi à être jusqu’à présent », juge le chiraquien Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel.

Ces hommages répétés à l’ex-chef de l’Etat trouvent leur source dans une forme de nostalgie, celle de la fin des « trente glorieuses ». « Pour des millions de Français, le nom du deuxième président de la Ve République est associé à une époque heureuse, écrit Emmanuel Macron, qui a signé la préface du livre La Présidence de Georges Pompidou (Nouveau Monde, mai 2019, 29,90 euros). Celle du plein-emploi, de la croissance, de l’augmentation continue du pouvoir d’achat. Celle d’une nation sûre d’elle-même, embrassant les défis de la modernité avec confiance. » Autant de qualités que le chef de l’Etat aimerait réinsuffler dans les voiles du pays.

Surtout, le jeune quadragénaire cherche à dessiner son autoportrait en regardant dans le miroir tendu par ce normalien agrégé de grammaire et amoureux des arts. « Le président pense que Georges Pompidou incarnait l’art d’être français. C’est un enraciné, un littéraire, un moderne, souligne-t-on à l’Elysée. Il y a une forme d’écho entre la conception que porte le président Macron et celle qu’a porté le président Pompidou. » Un homme qui mariait l’« ordre » et le « progrès », selon les mots d’Emmanuel Macron.

Histoire personnelle

pompidou

Georges Pompidou accompagnée de sa femme Claude, aux Jeux olympiques de Grenoble, le 13 février 1968. AFP

Dans la préface qu’il a consacré à son prédécesseur, le président de la République souligne le caractère avant-gardiste du couple formé par Georges Pompidou et sa femme, Claude. « Pompidou et Macron sont les deux présidents qui ont voulu moderniser l’aspect intérieur de l’Elysée », rappelle l’historien Eric Roussel. L’un et l’autre y ont introduit l’art contemporain. « Pompidou, c’est le grand président cultivé qui incarne la fonction avec dignité et une certaine qualité d’expression. Emmanuel Macron cherche à s’inscrire dans cette lignée-là », relève Emmanuelle Mignon, ancienne directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, invitée du colloque.

Sur un plan intime, un épisode de la présidence Pompidou résonne avec l’histoire personnelle d’Emmanuel Macron. Le 22 septembre 1969, le locataire de l’Elysée est interrogé sur le suicide de Gabrielle Russier, 32 ans, professeure dans un lycée marseillais. La jeune femme avait été incarcérée à plusieurs reprises pour détournement de mineur après avoir noué une idylle passionnée avec l’un de ses élèves de 17 ans. L’affaire fit grand bruit dans la France post-Mai 68, choquée par l’archaïsme de l’institution judiciaire.

Questionné par un journaliste, Georges Pompidou se garde de répondre sur le fond. L’auteur d’une Anthologie de la poésie française (Hachette, 1961) livre son sentiment en citant Paul Eluard : « Comprenne qui voudra. Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d’enfant perdue. Celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés. » En conclusion de la préface consacrée à son prédécesseur, Emmanuel Macron – qui a épousé sa professeure de lycée, Brigitte Trogneux – adresse un clin d’œil au grand homme en convoquant Eluard, « comme Georges Pompidou le fit en de célèbres circonstances » : « Son espoir est vivant. »

Olivier Faye

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