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Jours tranquilles à Paris
3 août 2019

Chassé-croisé sur les routes : comment peut-on prévoir et mesurer les embouteillages ?

Par Anne-Aël Durand

Les réponses aux questions que vous vous posez lorsque vous êtes coincé dans un bouchon.

Les automobilistes broieront du noir samedi 3 août. Il s’agit de « la journée la plus difficile de l’été sur l’ensemble des grands axes » en France, a prévenu Bison futé, l’organe de prévision de circulation du ministère des transports.

Les prévisions de circulation du 3 août.

Mais comment peut-on prévoir les pics de trafic, et les mesurer en temps réel ? Les réponses aux principales questions qu’on a le temps de se poser lorsqu’on doit patienter dans les embouteillages.

Par quelle méthode mesure-t-on le trafic routier ?

Le système traditionnel consiste à s’installer au bord d’une route pour voir passer des voitures, mais, heureusement, d’autres instruments ont été développés :

Les boucles électromagnétiques. Pour connaître le nombre de véhicules qui circulent, des capteurs sont disposés sur la chaussée. Le bitume est découpé à la scie pour insérer un câble électrique. Le passage d’une voiture ou d’un camion, qui ont des parties métalliques, crée un champ magnétique qui envoie un signal d’occupation. Ces boucles électromagnétiques donnent des informations très utiles sur la vitesse et le nombre de véhicules en un point, mais elles restent insuffisantes, explique Christine Buisson, chercheuse en modélisation de trafic à l’Institut français des sciences et technologies des transports (Ifsttar) : « Sur le périphérique parisien on en trouve tous les 500 mètres, mais sur une autoroute il y en a plutôt tous les dix ou vingt kilomètres, ce qui reste une mesure assez grossière. »

Les systèmes GPS. Le floating car data (FCD), qui existe depuis dix ans, collecte les données des utilisateurs de systèmes de guidage connectés – TomTom, Coyote, Waze, etc. – pour obtenir des temps de parcours sur certains axes. « Ces données sont globalement fiables lorsque le nombre de véhicules est élevé, donc efficaces pour les gros bouchons, mais pas pour des événements isolés », nuance Mme Buisson. Si la mesure du temps perdu est possible grâce à ce système, ce dernier ne permet pas de connaître le débit de la route, donc le nombre total de véhicules concernés. Il faut pour cela croiser l’information avec les boucles électromagnétiques.

La vidéo. Pour repérer les événements qui créent un bouchon, des caméras sont ponctuellement implantées dans les endroits à risque, mais elles présentent l’inconvénient d’être statiques. Un autre outil efficace, mais coûteux, est le survol en hélicoptère. Les chercheurs de l’Ifsttar ont ainsi pu affiner leurs algorithmes expliquant l’apparition de bouchons en filmant depuis les airs des engorgements. La gendarmerie déploie aussi des hélicoptères sur les routes des vacances, mais plutôt pour repérer les conduites à risque.

« Kilomètres cumulés » et « heures kilomètres »

Les médias annoncent souvent les bouchons en « kilomètres cumulés », ce qui permet de convoquer des images simples comme « 800 kilomètres d’embouteillages cumulés le samedi 1er août à 12 h 30, soit la distance entre Paris et Marseille ». Dans les faits, c’est un peu trompeur, puisque les files s’additionnent : une route à quatre voies bouchée sur un kilomètre compte déjà pour quatre kilomètres cumulés.

Pour être plus précis et donner une idée de la durée, les experts mesurent plutôt le volume d’encombrements en « heures kilomètres », une unité moins significative mais plus précise, qui intègre à la fois la durée du bouchon et la longueur moyenne de chaque file bouchée. Ainsi, un bouchon qui bloque trois voies sur deux kilomètres pendant une heure mesure 3 × 2 = 6 heures kilomètres, soit autant qu’un bouchon de 2 kilomètres sur une seule voie et qui durerait trois heures.

Ce cumul global ne renseigne ni sur la densité du bouchon ni sur sa vitesse. Or, pour les automobilistes, l’essentiel est de connaître le temps total perdu, soit la différence entre le temps de parcours à vitesse normale et la réalité. Pour cela, les données du FCD sont très utiles. De son côté, l’exploitant routier – l’Etat, les collectivités ou les sociétés d’autoroute – cherche d’abord à connaître le nombre de personnes concernées par un événement routier pour limiter le nombre de mécontents.

Comment Bison futé décrète une journée « rouge » ou « noire » ?

Bison futé est la marque du Centre national d’informations routières animé par le ministère des transports, créée en 1976 pour conseiller les automobilistes. Chaque année, un calendrier annuel de prévisions de trafic est élaboré en fonction des débits mesurés les années précédentes sur les quatre cents stations de comptage, en partant de l’hypothèse que les conditions de circulation sont comparables.

Le nombre d’épisodes de « circulation très difficile » ou « extrêmement difficile » est maintenu à un niveau quasi constant. On compte chaque année une dizaine de journées « rouges » (samedis d’été, week-ends de ponts, congés d’hiver, etc.), et une à deux journées dites « noires », qui correspondent au retour des juillettistes et au départ des aoûtiens. La réglementation interdit alors le transport d’enfants en autocar, depuis un très grave accident survenu en 1982 sur l’A6.

Quelle est la fiabilité de ces prévisions ?

Des bilans sont réalisés après les pics de trafic. « Nous obtenons un taux de fiabilité des prévisions de 80 % sur les journées “colorées”. En général, les erreurs sont des surestimations volontaires pour sensibiliser les automobilistes et les inciter à décaler leurs voyages », explique Thomas Plantier, adjoint au bureau d’information routière du ministère, chargé des transports.

Ces dernières années, plusieurs pics ont été sous-estimés lors des retours des week-ends d’été. Car les comportements des Français évoluent doucement : « Notre modèle mathématique a déjà été adapté avec les 35 heures, qui ont étalé les départs le vendredi après-midi. Désormais, davantage de personnes prennent l’avion, ou partent pour des durées plus courtes, deux fois deux semaines à des endroits différents plutôt que tout le mois d’août en Espagne. Et les vacances au dernier moment ou les locations par Airbnb changent les pratiques. »

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