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Jours tranquilles à Paris
5 octobre 2019

Jeff Koons : « Mon œuvre est une main tournée vers les gens »

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L’artiste revient sur la controverse suscitée par son oeuvre gigantesque - un bouquet de tulipes - désormais installée sur les Champs-Elysées.

Jeff Koons, 64 ans, est un des artistes contemporains les plus connus au monde, et les plus célébrés par le marché : il détient actuellement le record de prix atteint en vente publique par un artiste vivant – 91,1 millions de dollars obtenus en mai à New York par la maison Christie’s. L’annonce en novembre 2016 de son intention d’offrir à Paris une œuvre pour rendre hommage aux victimes des attentats qui avaient endeuillé le pays les deux années précédentes a suscité une levée de boucliers. La sculpture est désormais installée sur les Champs-Elysées et doit être inaugurée le 4 octobre.

Avez-vous été heurté par les polémiques entourant le don de votre bouquet de tulipes ?

J’étais surpris, parce que je n’avais pas anticipé la controverse. Jusque-là, tout s’était déroulé simplement : j’avais été invité par l’ambassadrice, Jane Hartley, à faire un don au peuple français et à la ville de Paris. On m’a présenté plusieurs sites possibles pour implanter la sculpture, et j’ai choisi la place entre le Musée d’Art moderne de la ville et le Palais de Tokyo. L’œuvre était une réponse aux horribles attaques que vous avez subies, à Paris puis à Nice. J’ai juste essayé d’offrir mon soutien, de montrer la persistance de l’amitié franco-américaine, mise à mal au fil des temps, mais toujours vivace. Et puis un an ou un an et demi après l’annonce du projet, alors que je m’étais mis au travail, il y a eu cette polémique. Je pense qu’elle venait d’abord d’une incompréhension, d’un malentendu et d’une mauvaise information. Mais nous avons décidé d’un nouvel emplacement, et cela semble apaisé à présent.

En travaillant sur ce projet, avez-vous fait le parallèle avec les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ?

Ils étaient terribles, et il nous a fallu des années pour nous en remettre. Comme vous, et ensemble, nous avons vécu des tragédies. Nous avons alors reçu votre soutien, et nous avons des valeurs partagées, une empathie réciproque pour l’humanité qui, par-delà les catastrophes, nous laissent envisager un futur, et un futur pour nos enfants. Mon travail exprime cet optimisme : une main tournée vers les gens, qui s’adresse à chacun, pour exprimer à la fois une offrande et un continuel soutien. C’est une définition de ce qu’est l’humain, une communauté et des valeurs partagées.

Vous ne l’imaginez pas comme un mémorial ?

Ce n’est pas un mémorial. Les familles des victimes créeront leurs propres monuments, si elles en sentent le besoin. Mais c’est une manière de compatir à leur perte, d’affirmer notre soutien. Et je veux croire que cette œuvre est accessible à tout le monde. Elle est faite pour des gens ordinaires. Quand vous faites une œuvre qui implique une grande interaction avec le public, certains pensent qu’il s’agit d’une forme de mépris, que vous vous adressez au public avec condescendance. Mais aussi que vous diminuez la grandeur de l’art, que vous simplifiez pour plaire au plus grand nombre. Ils vous reprochent, par exemple, de le rendre accessible, parce que nombreux sont ceux dans le milieu de l’art qui voudraient garder l’art pour eux, pour le statut qu’il confère. La source du conflit est là. Mais les enfants, par exemple, ou ceux qui ne savent rien du marché de l’art, répondent spontanément, naturellement, à ces travaux. C’est ce qui m’importe. Parce que je mets en avant le pouvoir de l’art, pour amener les gens qui le regardent à une prise de conscience de leur propre potentiel : ce n’est en rien de la condescendance.

Vous êtes content de son emplacement ?

Il est proche du Petit Palais, qui a des collections superbes, et un jardin intérieur qui est un des plus beaux que je connaisse ; proche des Champs-Elysées ; proche de la Seine, avec des arbres tout autour. J’ai vu la sculpture installée et découverte pour les repérages techniques. Il y avait ce jour-là un temps changeant, du soleil, puis des nuages, en deux heures j’ai eu toutes les météos ! Et je me suis dit que les gens qui passeront là tous les jours verront qu’avec ces lumières différentes cela change constamment. Alors oui, je suis content de l’emplacement, il est magnifique !

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