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Jours tranquilles à Paris
14 octobre 2019

Maintenir le cap malgré les « frictions », le défi posé à Macron

Par Cédric Pietralunga, Olivier Faye

L’entourage du président de la République s’inquiète du retard pris sur certains dossiers-clés du quinquennat, comme l’écologie.

Tout avait si bien commencé. Après six mois de crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron était sorti rasséréné de son été, passé sans affaire Benalla ni démission surprise d’un Nicolas Hulot à gérer. Lors de ses premières prises de parole, après trois semaines au fort de Brégançon (Var), le chef de l’Etat était apparu déterminé à appliquer la feuille de route de l’acte II de son quinquennat, décidée après le grand débat. Fini « Jupiter » et les réformes anxiogènes, place à l’écoute et à la justice sociale, expliquait alors l’exécutif.

Las ! Passé le sommet réussi du G7, organisé fin août à Biarritz, Emmanuel Macron voit déjà sa « roadmap » bousculée par des événements aussi inattendus que périlleux. Ce fut d’abord la mort de Jacques Chirac, le 26 septembre, qui l’obligea à reporter son premier débat citoyen sur les retraites, prévu à Rodez. Puis l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, le même jour, où l’exécutif n’a pas réussi à rassurer la population.

Une semaine plus tard, il y eut l’attaque au couteau à la Préfecture de police, le 3 octobre, commise par un policier radicalisé. Enfin, jeudi 10 octobre, ce fut le rejet par le Parlement européen de la candidature de Sylvie Goulard, désignée par le chef de l’Etat pour rejoindre la Commission européenne, malgré les mises en garde sur le risque éthique posé par son profil.

Ne pas tomber « dans la chiraquisation »

Au-delà de leur caractère dramatique ou inopiné, ces épreuves successives sont venues bouleverser le récit de rentrée de l’Elysée.

« Nous sommes aujourd’hui entre Charybde et Scylla, les événements se bousculent et entament notre cohérence, reconnaît un conseiller présidentiel. Dans ces moments, il est important de garder le cap et de respecter les fondamentaux de l’acte II : ni tomber dans la chiraquisation ni revenir à l’hyperprésidence. »

« Ce que les gens retiendront, c’est ce qu’on a fait. Il faut continuer notre action et faire le pari du courage politique », appuie Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’Etat chargé des transports.

A l’Elysée, on a d’ailleurs théorisé le moment, y voyant même un parallèle avec les « frictions » décrites par Carl von Clausewitz dans son célèbre traité militaire De la guerre. Instruit par les guerres napoléoniennes, le général prussien y explique que le meilleur des plans doit toujours composer avec les « frictions » générées par les différents acteurs du champ de bataille. « A la guerre, tout est simple, mais les choses les plus simples sont difficiles. Les difficultés s‘amoncellent et provoquent une friction », peut-on y lire.

Boulevard laissé aux écologistes

N’empêche, certains s’inquiètent que ces « frictions » ne fassent dérailler l’acte II. Dans la majorité, on pointe notamment le retard pris en matière d’écologie, l’une des priorités de la deuxième partie du quinquennat, au même titre que la justice sociale et les sujets régaliens.

La convention pour le climat a bien été installée par le premier ministre, Edouard Philippe, le 4 octobre, mais personne ne s’en est aperçu, et les premières propositions des 150 citoyens tirés au sort pour y siéger ne sont pas attendues avant janvier 2020. Un déplacement du président à la COP25, prévue du 2 au 13 décembre à Santiago du Chili, a été un temps envisagé, mais il ne serait plus d’actualité. « L’agenda international est surchargé. Le président ne peut pas tout faire », reconnaît l’Elysée.

Résultat, certains s’inquiètent du boulevard laissé aux écologistes à quelques mois des élections municipales. « On prend du retard, il faut faire attention », met en garde un ministre. Dans plusieurs grandes villes, les candidats Europe Ecologie-Les Verts se trouvent désormais en position de l’emporter ou, en tout cas, d’imposer des triangulaires au second tour.

Certains macronistes plaident donc pour que le sujet soit rendu plus visible dans l’Hexagone, et pas seulement dans les conférences internationales. « Il faudrait qu’Emmanuel Macron fasse sur l’environnement un ou des grands débats, comme il en a fait à Rodez sur les retraites, estime l’eurodéputé Pascal Canfin. Il a un bilan, mais il ne le met pas assez en avant, ce serait l’occasion. » Selon nos informations, M. Macron envisage de se rendre dans les prochaines semaines devant la convention pour le climat.

« Maîtrise du langage »

D’autres s’inquiètent aussi qu’à force de devoir répondre sur toutes sortes de sujets, M. Macron ne soit à nouveau rattrapé par son hubris et ses petites phrases. La façon dont le chef de l’Etat a réagi à l’annonce du rejet de Sylvie Goulard, le 10 octobre, a interloqué. En deux mots, le président en a fait porter la responsabilité à Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission.

« Le président veut être mieux compris et sait que cela passe par une maîtrise du langage », assure son entourage, où l’on veut croire que « le passé est le passé ». Dès vendredi midi, M. Macron a d’ailleurs adouci son propos vis-à-vis de Mme von der Leyen. « L’acte II, c’est aussi l’autocorrection en permanence », approuve un soutien.

Désireux de s’expliquer, Emmanuel Macron envisagerait d’ailleurs de s’adresser de nouveau aux Français. « Une prise de parole en novembre, sous forme de bilan de mi-mandat, est en réflexion », assure un proche. Après s’être rendu au centenaire du quotidien clermontois La Montagne, le 4 octobre, le chef de l’Etat veut également poursuivre son travail de réconciliation avec les médias. Un déjeuner à l’Elysée avec les rédacteurs des principaux titres de la presse nationale était prévu en octobre mais a dû être repoussé.

Reste à savoir si le volontarisme du président et la vigilance de son entourage suffiront à maintenir le cap. Dans son traité d’art militaire, Clausewitz assure qu’« une volonté de fer peut surmonter ces frictions et briser les obstacles ». Mais, ajoute l’officier prussien, « la machine s’y disloque aussi ». Emmanuel Macron est prévenu.

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