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Jours tranquilles à Paris
19 octobre 2019

Sexe : faut-il tout essayer en début de relation ?

sexe tout essayer

par Maïa Mazaurette

Frustration, rétention, peur de manquer - les logiques comptables sont parfois appliquées à la chambre à coucher, et ça n'est ni innocent, ni exaltant.

"Pour les plans à trois, pour le bondage, pour les jeux de prostate, je préfère attendre quelques années. Il faut échelonner les plaisirs. Sinon, on n'aura plus rien à découvrir à 40, 50, 70 ans."

Cette logique d'inventaire (avec planification quinquennale et courbes de progression) traverse encore souvent la manière dont nous "gérons" la sexualité de couple. De la mesure ! De la lenteur ! De la prudence !

Ce réflexe est fondé, avant tout, sur la peur de manquer. Sauf qu'en sexualité, tant que votre partenaire a du désir, vous ne manquerez pas : il n'y a aucune quantité prédéfinie de sexe dont vous pourriez arriver au bout. Il n'y a pas non plus de quantité prédéfinie de nouveauté, sauf si vous pensez réellement pouvoir explorer de votre vivant tous les fantasmes (j'espère que vous avez des RTT et des barres protéinées).

Vous aurez toujours suffisamment de sexe, tant que vous aurez de la curiosité, de l'imagination, et tant que vous susciterez le désir. Et pour le susciter, effectivement, deux stratégies s'opposent (ou se complètent):

- La rétention. Vous donnez moins, pour créer de la frustration. C'est la logique des plaisirs gardés pour plus tard, qui n'a de sens que si on considère le répertoire érotique comme figé.

- La réinvention. Vous donnez autant que vous le désirez (et autant que l'autre en a envie), mais vous avez toujours de nouvelles idées. Ce qui signifie que vous élargissez au fur et à mesure votre répertoire érotique.

Attention : ça ne signifie pas que vous deviez tout faire tout de suite, par principe. Certaines pratiques sont plus faciles à réaliser quand on connaît suffisamment ses partenaires, pour anticiper leurs limites et leurs préférences. Mais ça ne signifie pas que tout le monde ait besoin de délais. Une partenaire expérimentée pourra pratiquer la sodomie le premier soir, une autre attendra trois ans, une autre n'aura jamais envie.

Le temps joue en votre faveur parce qu'il faut du temps pour se connaître soi-même, pour connaître l'autre, pour développer un lien de confiance, et pour explorer. Estimer que le temps va se refermer comme un piège sur la relation, c'est estimer que l'expérience vous fait perdre quelque chose. Non seulement ça ne tient pas la route, mais c'est une prophétie auto-réalisatrice. Si vous commencez à agir comme si le sexe était un champ limité, c'est exactement ce qui va se produire.

En suivant vos désirs (partagés), vous ne perdez ni nouveauté, ni "innocence" Déjà parce que vous vous jetez à corps perdu dans l'aventure, et que c'est une chouette manière de rendre les choses pétillantes et explosives. Ensuite parce qu'il y aura encore et toujours des espaces de nouveauté, d'apprentissage et de saut dans l'inconnu.

A ce titre, balayons une idée reçue : ce n’est pas la répétition du sexe qui rend les choses banales, ennuyeuses, routinières. C’est la répétition tout court. Or la répétition se nourrit d’inexpérience, et nourrit cette inexpérience en retour. Moins vous en savez, moins vous en faites, et moins vous en faites, moins vous en savez... c’est un cercle vicieux. A l'inverse, plus vous explorez le territoire de la sexualité, plus le territoire inexploré augmente : ça fonctionne exactement comme des cercles concentriques.

Ne vous laissez pas intimider par ceux qui prétendent qu’en sexe, "on fait le tour de la question". Plus vous faites le tour, plus il y a d’espace. Plus vous pratiquez le sexe, plus il y en a.

Terminons d'ailleurs sur une petite mise en garde : quand on prétend que vous pourriez pratiquer "trop" de sexe, c'est mauvais signe. Pire encore quand on avance que "trop" de sexe équivaut à du "moins bon" sexe. Il n'y a aucune corrélation entre quantité et qualité. Par contre, il y a une corrélation entre ce genre de discours toxique, et la volonté d'emprise de celles et ceux qui les diffusent.

(Petit bonus : cette idée qu’on pourrait faire le tour de la question sexuelle, en psychologie, repose sur l’effet Dunning-Kruger : un biais cognitif très documenté de surconfiance, qui veut que moins on est qualifié sur un sujet, plus on estime en maîtriser les contours. En sexualité, il n'y a pas de contours. Enjoy !)

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