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Jours tranquilles à Paris
20 octobre 2019

Président Trump, an III : l’homme-spectacle

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

L’hôte de la Maison Blanche n’a plus aucun filtre, avec pour résultat une présidence toujours plus chaotique, si cela était possible. Samedi, il a renoncé à héberger le G7 dans son golf de Floride.

Passé le millième jour de Maison Blanche, la présidence Trump est celle d’un seul homme, sans aucun filtre. Un spectacle dans lequel on interpelle par courrier un président turc à la veille de l’invasion du nord de la Syrie comme avant une algarade dans un bar : « Ne joue pas au dur, ne fais pas l’idiot. » Avec cependant le ton, qui n’échappe à personne, de celui qui décampera dès les premiers horions.

Un récit désordonné, chaotique en diable. Tragicomique lorsque ce conflit sanglant qui oppose Kurdes et Turcs est également schématisé en une bagarre de cour de récréation entre « deux gosses » qu’il faut bien parfois séparer, même si dans ce cas précis l’un des deux humilie l’arbitre supposé, la première puissance militaire du monde, et que le président de cette dernière s’en déclare extrêmement satisfait.

Parfois, ce récit bute sur un obstacle. Mardi soir 15 octobre, Donald Trump reçoit les parents d’un jeune Britannique tué fin août sur la route par l’épouse d’un diplomate américain qui a profité de son immunité pour regagner précipitamment les Etats-Unis. Le président a eu l’idée de convoquer en même temps la responsable de l’accident mortel qui patiente dans une pièce contiguë, sans que ses visiteurs n’en soient avertis.

Puis il leur propose brusquement une rencontre, que des caméras sont sans doute prêtes à immortaliser. Il insiste. Les parents endeuillés refusent. Donald Trump le regrette un peu plus tard en se défaussant sur le premier ministre Boris Johnson auquel il attribue la paternité du projet, et en déplorant cette façon de conduire à gauche, au Royaume-Uni, qui ne facilite tout de même pas les choses.

Il renonce à accueillir le G7 dans son golf en Floride

L’enfermement du président dans son personnage de Donald Trump le prive pareillement de la distance nécessaire lorsqu’il partage mercredi sur son compte Twitter une photo magistrale prise le même jour lors d’un nouveau face-à-face tendu avec sa meilleure adversaire Nancy Pelosi, la speaker démocrate de la Chambre. La femme politique la plus puissante des Etats-Unis se tient debout, le bras droit à demi tendu, face à un président sur la défensive, assis de l’autre côté d’une longue table de travail.

A l’exception d’une assistante probablement démocrate, installée derrière elle, Nancy Pelosi est la seule femme à l’image. Elle est entourée d’hommes mûrs, le cheveu souvent blanc, parfois un peu empâtés, dont certains baissent la tête. « Pétage de plomb », clame triomphalement Donald Trump en légende de la photo alors qu’elle met au contraire en exergue un leadership qui n’est pas le sien.

Mais déjà un autre cahot nourrit le désordre. La reconnaissance par son bras droit, Mick Mulvaney, jeudi, qu’une aide à l’Ukraine a bien été retenue pour obtenir de Kiev en contrepartie des enquêtes visant les démocrates. Ou bien le démenti du même homme, une poignée d’heures plus tard, qui assure ni plus ni moins que les caméras qui les ont filmés ont déformé ses propos.

Ou encore l’annonce jeudi que le meilleur endroit pour héberger le prochain G7, aux Etats-Unis, n’est autre qu’un club de golf du président, dans une Floride à ce point poisseuse en juin que le taux d’occupation des lieux y est ordinairement au plus bas. Meilleur endroit qui ne l’est plus samedi, emporté par le tumulte. Nouveau renoncement.

« Je peux être plus présidentiel. Regardez ! »

Puis voilà que le président assure, vendredi, que les Etats-Unis contrôlent « le pétrole du Moyen Orient » sans doute dans la zone qu’ils évacuent en Syrie. A peine prononcée, la phrase qui aurait alimenté une controverse d’une semaine en des temps moins troublés disparaît déjà, étouffée par d’autres grondements.

Jeudi soir, le président des Etats-Unis était en meeting au Texas. « Je peux être plus présidentiel, lance-t-il à ses fidèles. Regardez ! J’ai toujours dit que je pouvais être plus présidentiel que n’importe quel président de l’histoire, à l’exception de “Honest Abe” [le surnom d’Abraham Lincoln] lorsqu’il porte son chapeau, parce que là c’est dur, c’est dur, c’est difficile de faire mieux. »

« Etre présidentiel est facile, il suffit d’être un peu raide », assure-t-il. Donald Trump s’écarte alors de son pupitre, boutonne ostensiblement sa veste, puis reprend place derrière son micro et se raidit avant d’adopter un ton monocorde : « Mesdames et messieurs du Texas, c’est un grand honneur d’être avec vous ce soir. » Il s’interrompt aussitôt, reprend sa voix. « Les médias aimeraient beaucoup, mais tout le monde ficherait le camp. D’abord, vous ne seriez même pas venus », assure-t-il. Le spectacle doit continuer.

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