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Jours tranquilles à Paris
20 octobre 2019

HUANG YONG PING, 1954 - 2019

huang

Huang Yong Ping, artiste contemporain français d’origine chinoise, est décédé brutalement le 19 octobre 2019 à l’âge de 65 ans. Né en 1954 à Xiamen, Fujian, Chine, il est reconnu comme une figure majeure de l’art d’avant-garde en Chine et dans le monde.

Le très grand artiste, l’homme exceptionnel, qui disparaît aujourd’hui avait entrepris au milieu des années 1980 en Chine une œuvre combative dont l’enjeu était de parvenir à une nouvelle correspondance entre l’art, la culture et la conscience politique. Il a développé des formes inédites qui au-delà de leurs stupéfiantes qualités plastiques témoignaient d’une profondeur philosophique rare. Son œuvre célébrée dans les plus grands musées du monde, accompagnée par les plus grands professionnels de la culture, est admirée pour sa capacité à inventer des situations nouvelles, qui portaient ses réflexions sur l’humain, l’art, l’histoire, la politique, les relations entre l’Orient et l’Occident, entre l’art et la vie.

Après la révolution culturelle, de 1978 à 1982, il étudie à l’Académie des Beaux-Arts du Zhejiang, dans la ville de Hangzhou. De 1985 à 1987, il est le fondateur du groupe Xiamen Dada, dont le mot d’ordre est « Le zen est Dada, Dada est le zen ». Proclamant l’équivalence entre la pensée du Bouddhisme Zen et celle de Marcel Duchamp, il réalise des actions radicales qui développent des correspondances entre l’art, la vie et le politique. Dans un contexte de révolte culturelle et politique, cultivant une stratégie artistique du paradoxe et de la déconstruction, les artistes du groupe Xiamen Dada répondent à la censure par la mise à feu de leurs œuvres. Personnalité centrale pour sa génération, l’artiste marquait sa volonté d’inscrire son travail dans l’histoire de l’avant garde occidentale tout en montrant la conformité de cette attitude avec le gout du paradoxe zen.

En 1989, Huang Yong Ping est invité par Jean-Hubert Martin à participer à l’exposition séminale « Les Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette à Paris. Alors qu’il est en train d’installer son œuvre, éclatent à Pékin les événements de la Place Tiananmen. Il décide alors de s’installer à Paris, d’où il rayonne peu à peu dans le monde entier.

Dans les années 1990, il est très tôt soutenu par des professionnels de premier plan comme Hou Hanru, Fei Dawei, Jean de Loisy, Jean-Hubert Martin, Philippe Vergne, Hans-Ulrich Obrist, Kasper König, Saskia Bos, Thierry Raspail, Marie-Claude Beaud ou Hervé Chandès. De la Fondation Cartier à la Biennale de São Paulo, en passant par le CCA Kitakyushu, De Appel Amsterdam et le PS1 de New York, son art se déploie alors dans des installations de plus en plus monumentales, qui entremêlent les mythes anciens et l’actualité la plus brûlante.

En 1999, date à laquelle il devient citoyen français, Huang Yong Ping représente la France à la 48° Biennale de Venise avec Jean-Pierre Bertrand. Pour l’occasion, il transperce le toit du Pavillon Français par neuf colonnes représentant des animaux fantastiques, illustrant sa stratégie consistant à « Frapper l’Orient avec l’Occident, frapper l’Occident avec l’Orient ».

Au début des années 2000, il retourne pour la première fois en Chine depuis onze ans pour son « projet Chauve-souris » (Bat Project), consistant à reproduire un avion à taille réelle, finalement censuré. Il affirme alors sa pratique des installations monumentales qui bouleversent notre rapport au réel, et son questionnement des limites de la liberté d’expression. Ainsi encore très récemment, son œuvre majeure Théâtre du Monde (1993) mettant en scène des insectes vivants, n’a pas pu être activée lors de l’exposition d’envergure sur l’art contemporain chinois au Musée Guggenheim de New York, qui pourtant lui avait emprunté son titre (Theater of the World : Art and China after 1989, 2017).

Huang Yong Ping a su affirmer un riche langage plastique, toujours déployé in-situ, comme son installation permanente Bouddha de Mille Bras créée à Münster à l’occasion de Skulptur Projekte en 1997.

Souvent, les animaux jouent de leurs symboles pour dialoguer avec leur contexte : Arche de Noé revisitée à la Chapelle des Petits Augustins de l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris (Arche 2009, 2009), pieuvre géante au Musée océanographique de Monaco (Wu Zei, 2010) ou encore squelette de serpent géant échoué sur la plage dans l’Estuaire de la Loire (Serpent d’Océan, Saint-Brévin-les-Pins, installation permanente, 2012).

Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles, notamment au De Appel, Amsterdam, CIAP de Vassivière en 2006, au Astrup Fearnley Museum d’Oslo et au Barbican Art Center de Londres en 2008, au Musée d’art contemporain de Lyon en 2013. Une grande rétrospective itinérante lui a été consacrée entre 2005 et 2008 au Walker Art Center de Minneapolis, MASS MOCA à North Adam (Massachusetts), et au UCCA à Pékin. L’exposition Bâton Serpent eut lieu en trois volets au MAXXI à Rome, puis au Red Brick Museum à Pékin en 2015 et enfin à la Power Station of Art  Shanghai en 2016.

Huang Yong Ping est représenté par la galerie kamel mennour (Paris/Londres) depuis 2009.

En 1999, il a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, puis en 2015 Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Ministère de la Culture et de la Communication. En 2000, il a reçu le Prix UNESCO pour la Promotion des Arts récompensant des réalisations créatives remarquables (UNESCO Prize for the Promotion of the Arts in recognition of Outstanding Creative Achievement in the filed of visual arts). En 2016, il fut le lauréat du Prix Wolfgang Hahn (Musée Ludwig, Cologne, Allemagne) consacrant la carrière d’artistes exceptionnels.

Huang Yong Ping fut l’artiste invité par le Ministère de la Culture pour la 7ème édition de Monumenta, dans la Nef du Grand Palais à Paris, en mai - juin 2016. Son œuvre Empires représentait un paysage portuaire composé de 305 conteneurs maritimes sur lesquels une copie démesurée du Bicorne de Napoléon était encerclée par un immense squelette de serpent de 254 mètres de longueur.

L’œuvre de Huang Yong Ping, toujours profonde et percutante, comme sa personne joyeuse, brillante et pleine de sagesse, s’attachaient à vivifier le rôle de l’art, non pas comme une matière morte et des objets esthétiques, mais comme une essence de vie débordante. Sa pensée incarnée n’a jamais cessé de souligner ces paradoxes d’un point de vue philosophique vis à vis d’un monde affecté par les turbulences politiques et géopolitiques. En Occident comme en Asie, cet artiste essentiel a pour toujours marqué l’histoire de l’art et l’esprit et le coeur de ceux qui l’ont connu.

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