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Jours tranquilles à Paris
26 octobre 2019

Dans Astérix, Adrénaline bouleverse le quotidien de l’irréductible village

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Par Frédéric Potet

« La Fille de Vercingétorix », le 38e album de la collection réalisé par le tandem Conrad-Ferri, sort jeudi dans tout ce que le pays compte de points de vente.

Sans René Goscinny, mort six ans plus tôt, Albert Uderzo avait inventé un fils à Astérix en 1983 (Le Fils d’Astérix, Editions Albert René), chérubin chahuteur qui s’avéra ne pas être le sien. Le duo d’auteurs ayant repris les aventures du célèbre Gaulois, Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin), ont, eux, imaginé une fille à l’un des personnages clés de la série, bien qu’on ne le voit quasiment jamais : Vercingétorix, le chef et roi des Arvernes, vaincu à Alésia en 52 avant J.-C..

Propulsée par une campagne de teasing savamment orchestrée, sa fille n’a cependant plus aucun rapport avec lui. Comme elle l’exprime affectueusement au milieu du 38e album de la collection, La Fille de Vercingétorix (Editions Albert René), disponible ce jeudi 24 octobre dans tout ce que le pays compte de points de vente (librairies, supermarchés…), elle est revanche dotée de « deux papas ».

Adrénaline, tel est son prénom, a été recueillie après la reddition de son père par deux fidèles lieutenants de celui-ci, Monolitix et Ipocalorix. Traquée par les troupes de César, qui aimerait faire d’elle une Romaine, l’adolescente vient trouver asile dans l’irréductible village d’Astérix et Obélix. Son tempérament fugueur va alors bouleverser le quotidien des habitants, sur fond de conflits intergénérationnels.

Des clins d’œil à l’actualité

Pour subtile qu’elle soit, l’allusion au débat sur l’homoparentalité, qui n’en finit pas de traverser la société française, n’est pas développée plus que cela dans le récit. Tout album d’Astérix a en effet vocation à rassembler les lecteurs au sein des familles, et non à les diviser autour d’un sujet pouvant paraître clivant.

Les enjeux économiques invitent, il est vrai, à la prudence du côté d’Hachette Livres, propriétaire des Editions Albert René. Avec cinq millions de ventes attendues – dont deux millions dans l’espace francophone –, La Fille de Vercingétorix devrait être le tirage le plus important de l’édition française en 2019, tous genres confondus.

Si les auteurs se gardent bien d’aller au-delà de la mission de divertissement consensuel qui leur a été confiée, certains lecteurs ne manqueront néanmoins pas de lire entre les lignes et observer qu’il est possible, à l’image d’Adrénaline, d’avoir deux pères et d’être une jeune fille parfaitement équilibrée…

L’autre lien à l’actualité présent dans l’album concerne la personnalité de l’héroïne, en qui il n’est pas interdit de voir une incarnation de Greta Thunberg. Sa queue-de-cheval et ses rêves d’île lointaine, préservée des hommes, la rapprochent en effet de la jeune militante écologiste suédoise.

Mais la comparaison s’arrête là également, et pour cause : quand Jean-Yves Ferri a commencé l’écriture de l’album, Greta Thunberg n’avait pas encore lancé son mouvement de grève devant le Parlement suédois. Didier Conrad, lui, qui vit aux Etats-Unis, n’avait même jamais entendu parler d’elle quand il a commencé à croquer Adrénaline.

Une douce folie qui fait défaut à l’album

Pour le reste, on ne sautera pas au plafond, même avec une dose de potion magique, à la lecture de cette quatrième collaboration entre les deux auteurs (après Astérix chez les Pictes en 2013, Le Papyrus de César en 2015 et Astérix et la Transitalique en 2017). Ni indigne ni génial, l’album s’avère surtout irréprochable sur un plan technique.

Le dessin de Conrad est vraiment confondant de ressemblance avec celui d’Uderzo, comme si l’élève s’était fait greffer la main du maître à la place de la sienne. Le scénario de Ferri respecte, lui, à la lettre le « cahier des charges » légué par Goscinny. Rien ne manque : les gags, les jeux de mots, les anachronismes, les bagarres, les citations latines, les pirates, les sangliers… Rien ne manque, non, sinon l’essentiel : ce supplément d’âme, cette douce folie, ce classicisme teinté d’irrévérence qui faisaient la marque des albums d’autrefois.

Ferri et Conrad n’y sont pour rien ; ils sont très certainement les meilleurs à ce poste. C’est seulement le poste en question – de moine copiste – qui est impossible. Même avec la meilleure volonté du monde, lire une nouvelle histoire d’Astérix sans se demander ce que Goscinny et Uderzo en auraient fait, à leur époque, relève de la gageure.

On se prend du coup à rêver que la série, à l’instar de Spirou et Fantasio, soit un jour réinterprétée, et non imitée, par de grands auteurs contemporains, sans que ceux-ci aient besoin de s’adapter au style de leurs prédécesseurs. Un Astérix fait par Tardi ou par Blutch (qui publiera prochainement une histoire inédite de Tif et Tondu) serait d’une autre audace.

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