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Jours tranquilles à Paris
8 novembre 2019

Francis Bacon - Salvador Dali

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Bacon — Dali : Métamorphoses érotiques

16 octobre → 1 décembre 2019

 

Dans cette exposition, Dali Paris interroge deux artistes rarement opposés sur leur acharnement à maltraiter les corps. Salvador Dalì s’attache à les métamorphoser, d’une manière perverse et adolescente tandis que Francis Bacon les évoque de manière névrotique, leur fluidité et leurs fluides.

Pour cette confrontation, la galerie a souhaité s’appuyer sur le pilier des deux artistes : leur partenaire — Gala pour l’un, John Edward pour l’autre.

Si la rencontre avec Gala constitue un bouleversement majeur, elle révèle Dalì à lui-même. En tant qu’être sexué, artiste et homme. De l’amour courtois à l’amour sadique, il explore l’érotisme de toute la richesse de son art.

Bacon quant à lui, homosexuel revendiqué dès le plus jeune âge, est dans l’exploration viscérale de sa sexualité. Ainsi la représentation qu’il en fait est moins frontale mais non moins pénétrante.

Dali Paris regarde par un trou de serrure pour s’attarder sur deux œuvres spécifiques : la pièce centrale du Triptyque Août et Marianne et le Chevalier.

Salvador Dalì représente la scène du Marquis de Sade dans toute sa laideur de manière très crue en esthétisant l’ensemble par une opposition de couleurs complémentaires. Francis Bacon utilise ces mêmes couleurs complémentaires, mais dans des valeurs chromatiques beaucoup plus glauques, dans cette scène d’accouplement, acte qui normalement sublime la beauté des corps, en en faisant ressortir toute la douleur psychologique qu’elle peut susciter chez l’artiste inverti.

L’approche onirique de Dali fait un jeu de miroir avec la noirceur des toiles de Bacon que lui-même estime tellement moins horrible que la vie réelle. Considérant que « l’odeur du sang humain ne [le] quitte pas des yeux »2, Bacon révèle ses luttes intérieures dont l’objectivation n’est pas sans rappeler le principe de la méthode paranoïa-critique.

Cependant, l’inspiration classique persiste dans les deux œuvres avec un travail de construction : le cadre dans l’œuvre qui fige l’action dans l’espace et la contraint, ainsi que des courbes ciselées qui évoquent la beauté corporelle. Enfin une similitude intéressante se crée avec la lévitation du personnage masculin dalinien.

Ces deux contemporains ne sont pas simplement des géants du XXème siècle, ils se nourrissent des sources du classicisme, Velasquez (pour le Portrait d’Innocent X et son rang au panthéon dalinien1) et des métamorphoses surréalistes (notamment le Chien Andalou). L’Exposition Internationale du Surréalisme de 1936 aurait pu accueillir les deux artistes sur les mêmes murs. Mais Bacon est refusé par André Breton, qui quelques années plus tard évincera Salvador Dali du mouvement. S’ils prennent des chemins différents, tous deux seront mus par leurs relations sentimentales et la littérature. En parallèle de l’exposition rétrospective des vingt dernières années de Bacon à Beaubourg, Dali Paris propose d’envisager cette confrontation artistique.

Expo Dali Bacon Paris

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by Marie-Elisabeth De La Fresnaye

On le voit sur une photo devant le Grand Palais le jour de l’inauguration de sa rétrospective de 1971 légèrement hagard ou absent. Son compagnon George Dyer s’est suicidé la veille dans leur chambre d’hôtel et s’ouvre alors une rupture et période stylistique radicalement nouvelle. C’est le point de départ qu’a choisi le commissaire de la captivante exposition du Centre Pompidou, Didier Ottinger qui a su trouver une veine autre que celle déjà largement exploitée sur ce grand génie de la peinture.

« Je fais des images et à travers ces images, je tente de piéger la réalité. »

Le commissaire se penche en effet sur la place de la littérature dans la vie et l’œuvre du maitre orchestrant un parcours ponctué par des échappées sur 6 grands auteurs qui n’ont cessé de l’accompagner. D’Eschyle et ses figures de la culpabilité et de la vengeances (les Erinyes) présentes dans de nombreux triptyques dont trois « noirs » exposés, en hommage à son amant défunt, à Nietzsche et les figures contraires d’Apollon et de Dionysos, T.S Eliot et l’impossible rédemption du poème the Waste Land que Bacon connait par cœur, Conrad et la fascination pour le néant d’« au cœur des ténèbres », Bataille et les carcasses des abattoirs, ou Michel Leiris et la joute de l’arène d’une corrida.

Des flashes de l’ordre de la fulgurance comme le décrit Didier Ottinger que lui procurent ces incursions dans sa bibliothèque riche de 1000 ouvrages, Proust en tête. Fragments de livres que l’on découvrira dans le chaos de l’atelier savamment entretenu par le maître des lieux parmi une marée d’images et d’outils expérimentaux divers recouverts d’une bonne dose de poussière.

La scène ouvre sur 3 Autoportraits aux visages distordus, brouillés, murés de l’intérieur. Un duel avec soi-même et la mort qui rode. Celle de son sulfureux amant, dépressif et instable, la tourmente de son souvenir mais aussi les crises d’asthme qui le perturbent et l’étouffent. Mais ce désarroi n’a rien de mortifère pour autant et les cris qui vont devenir omniprésents dans les figures puisés dans le film de Serguei Eisenstien « le Cuirassé Potemkine », offrent le miroir d’une humanité tiraillée, en proie à des cauchemars lancinants. L’admirable Crucifixion de 1944 « Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion » de la Tate d’une intense dramaturgie ouvre à l’abime du réel, cette vérité qu’il traque sans relâche, osant la figuration à une période où les autres artistes s’y refusent. « Il s’agit pour moi, explique- t-il, quand j’affronte la peinture, de dresser un piège au moyen duquel je veux saisir un fait à un point le plus vivant ». On peut alors citer Vélasquez, Van Gogh et Picasso, les lutteurs de Muybridge, l’ivresse de la couleur, la place du hasard…, il n’est plus bientôt question que d’une chose : le corps. Ce défi à chaque fois rejoué dans un espace mental de l’ordre de l’enfermement et d’une trivialité déconcertante. Cette tâche qui ouvre la voie et la chair qui surgit, offerte et inutile. Ni mort, ni vif, humain trop humain. Repoussant et exaltant. Tragique.

INFORMATIONS PRATIQUES

Bacon en toutes lettres

Jusqu'au 20 janvier 2020

Centre Pompidou

Galerie 2 – Niveau 6

Place Georges-Pompidou

75004 Paris

https://www.centrepompidou.fr

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