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Jours tranquilles à Paris
11 novembre 2019

11-Novembre : un monument pour les soldats morts en opérations extérieures

Par Nathalie Guibert

Le mémorial sera installé dans le jardin parisien Eugénie-Djendi, du nom d’une combattante d’un corps oublié de la seconde guerre mondiale.

Le 11 novembre 2019 restera dans la mémoire militaire. Le premier monument national « aux morts pour la France en opérations extérieures » sera inauguré par le président de la République lundi à Paris. Il portera les noms de 549 soldats des « opex » recensés depuis 1963, après la guerre d’Algérie. Dont celui du brigadier-chef Ronan Poiteau, tué le 2 novembre au Mali.

Un monument, enfin ! Car il a fallu huit longues années d’atermoiements politiques, de basses querelles parisiennes et de mesquineries de voisinage pour que le projet voie le jour. « Je suis très heureux qu’enfin il aboutisse. Avoir pris autant de temps pour un projet qui a du sens, auquel tout le monde adhère et que les familles attendent est incompréhensible », confie le général Bernard Thorette, qui avait été chargé du projet en mai 2011 et pensait le mener à bien en dix-huit mois.

Le général Thorette et le ministère voulaient l’installer aux Invalides. Les riverains, la mairie du 7e arrondissement, puis les architectes des bâtiments de France s’y sont vigoureusement opposés. La Ville de Paris a refusé de le cofinancer. Le monument des « opex » s’installe donc dans le 15e arrondissement de la capitale, dans un lieu méconnu niché au cœur du parc André-Citroën, le jardin Eugénie-Djendi. Et par un curieux paradoxe, ce nom illustre une mémoire combattante complètement oubliée des armées.

La sous-lieutenante Eugénie Malika Manon Djendi, à qui son père musulman et sa mère pied-noir d’origine italienne avaient donné le goût du risque, avait 20 ans quand elle s’est portée volontaire pour être parachutée en France occupée par les services spéciaux d’Alger le 7 avril 1944, son matériel radio serré contre elle dans son paquetage. Eugénie, alias « Jenny » ou « Jimmy », également formée à Londres, appartenait au Corps féminin des transmissions d’Afrique du Nord (CFT).

opex

« C’est une mémoire injustement oubliée, les merlinettes ! »

Le CFT avait été créé par le général Giraud fin 1942. Le général Lucien Merlin, premier chef de l’arme des transmissions, a instruit ces « merlinettes » en Algérie et en Angleterre. Dans les Forces françaises libres, loin des violentes querelles de légitimité qui ont opposé les services d’Alger et ceux de Londres, les merlinettes furent surtout les premiers soldats féminins de l’armée de terre, passionnément engagées. Elles répondirent nombreuses à l’appel lancé au moyen d’une belle affiche : « Françaises, pour libérer la France, venez au corps féminin des transmissions ! »

Eugénie Djendi fut arrêtée par la Gestapo peu après son parachutage en région parisienne. « Déportée en août 1944 », « Exécutée le 18 janvier 1945 à Ravensbrück », dit la plaque du jardin parisien. L’opératrice radio fut la plus jeune des quatre « merlinettes » volontaires assassinées dans le camp nazi.

On doit à Jean-Georges Jaillot-Combelas, qui a joué des coudes pour assister à ce 11-Novembre lourd de mémoire, l’entretien de ce souvenir. « C’est une mémoire injustement oubliée, les merlinettes ! », répète ce retraité avec émotion. Sa tante Suzanne fut, elle, parachutée en Auvergne depuis Alger dans la nuit du 12 août 1944 au profit de la Résistance, par un bombardier lourd américain B-24. Suzanne, trop modeste, se demanderait bien des années plus tard s’il n’était pas présomptueux de porter sa croix de guerre en public. Elle est morte en 2005. A la Croix Saint-Anne, une petite stèle, posée sur le col d’un plateau herbeux auvergnat, rappelle son engagement.

Début 1943, quand le corps des transmissions est créé avec l’aval du général de Gaulle, les merlinettes sont 1 275. Elles seront 2 500 en 1944, formant un régiment complet qui va participer aux campagnes d’Italie et de France. Lors du débarquement de Provence, dix d’entre elles, sélectionnées parmi trente candidates, furent parachutées par les services spéciaux en France occupée.

Dans son jardin que la ville a longtemps laissé à l’abandon, Eugénie Malika Djendi cohabitera désormais avec des soldats tombés au Liban, en Afghanistan ou au Mali. Le monument des morts en « opex », une sculpture représentant six militaires portant un cercueil invisible accompagnée d’un mur gravé de noms, forme le dixième « haut lieu de la mémoire nationale ».

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