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Jours tranquilles à Paris
17 novembre 2019

Bolivie : cinq morts au cours d’affrontements

bolivie35

Par Amanda Chaparro, La Paz, envoyée spéciale

L’ex-président peut rentrer dans son pays depuis son exil mexicain, mais il devra « répondre devant la justice », a déclaré vendredi la chef de l’Etat par intérim, alors que des heurts faisaient cinq morts dans le centre du pays.

Au moins cinq manifestants ont été tués, vendredi 15 novembre, dans la banlieue de Cochabamba, dans le centre du pays, au cours d’affrontements avec les forces de police et l’armée. Des dizaines d’autres ont été blessés, selon des journalistes locaux qui rendaient compte des scènes de panique à l’hôpital du secteur, débordé par un nombre important de blessés se faisant soigner aux abords de l’édifice, faute de pouvoir y être reçus.

Les manifestants, pour la plupart des cultivateurs de coca du Tropique du Chapare, fidèles alliés d’Evo Morales lui-même originaire de cette zone et ancien cocalero, exigeaient le retour de l’ex-président – exilé depuis mardi au Mexique – et contestaient la proclamation de la présidente intérimaire Jeanine Añez.

Alors qu’ils se dirigeaient vers le centre de Cochabamba, les manifestants en ont été empêchés par les forces de police et de l’armée. Les deux camps se sont affrontés durant plusieurs heures. Selon le commandant de police de Cochabamba, le colonel Jaime Zurita, les protestataires « portaient des armes, des fusils, des cocktails Molotov, des bazookas artisanaux et des engins explosifs ».

Vidéos de corps ensanglantés

Le défenseur du peuple de Cochabamba, Nelson Cox, lui, pointait la responsabilité des forces de l’ordre qui ont fait usage d’armes à feu : « Les morts sont toutes le produit d’armes à feu », a-t-il affirmé. Les vidéos des cinq corps ensanglantés gisants au sol circulaient sur les réseaux sociaux.

Toutefois, le ministre de la présidence, Jerjes Justiniano, a affirmé que l’origine des tirs n’était pas déterminée et a laissé entendre qu’au moins un des morts n’était pas le résultat de « tirs croisés », mais de tirs « par derrière, venant des propres forces [des manifestants] », diffusant la thèse de possibles forces infiltrées cherchant à « générer un état de convulsion ».

Cette répression intervient alors que le gouvernement de Jeanine Añez martelait depuis plusieurs jours que sa mission était de chercher « la paix » et « la réconciliation ».

Toutefois, les propos du ministre de l’intérieur, Arturo Murillo, à peine nommé mercredi, avaient envoyé un message contradictoire, proclamant vouloir faire « la chasse » à l’ancien ministre de la présidence Juan Ramon Quintana – accusé de fomenter les violences – et poursuivre les « séditieux » avec la plus grande fermeté.

Tensions avec le Venezuela

Le gouvernement a également annoncé l’arrestation de neuf Vénézuéliens accusés d’attenter à la sécurité de l’Etat et Cuba a dénoncé l’arrestation de quatre de ses concitoyens.

« Nous avons identifié des groupes subversifs armés, composés de ressortissants étrangers et compatriotes (…) Nous avons identifié une stratégie de blocage des services basiques comme mécanisme d’asphyxie des capitales [des départements] », a proclamé Jeanine Añez en conférence de presse.

Aussi, le personnel de l’ambassade du Venezuela a été prié de quitter le pays dans les jours à venir alors que le gouvernement intérimaire a rompu ses relations diplomatiques avec Nicolas Maduro, reconnaissant l’opposant Juan Guaido, président intérim.

Dans les rues de la capitale administrative, à La Paz, forces de police et chars de l’armée étaient toujours déployés au cœur de la ville près du siège des institutions.

Des scènes de violence ont éclaté et plusieurs journalistes ont été agressés, dont une correspondante d’Al-Jazeera à qui un policier a volontairement lancé du gaz lacrymogène dans les yeux en plein direct.

Affaires courantes

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a fermement condamné « l’usage disproportionné des forces policières et militaire à Cochabamba », rappelant que « les armes à feu doivent êtres exclues des dispositifs utilisés pour le contrôle des protestations sociales ». Elle a aussi dénoncé l’« usage indiscriminé de gaz lacrymogènes en Bolivie portant gravement atteinte aux standards juridiques internationaux ».

Le gouvernement intérimaire a aussi mis en garde l’ex-président bolivien Evo Morales. Celui-ci peut rentrer dans son pays depuis son exil mexicain, mais il devra « répondre devant la justice » d’irrégularités lors de la présidentielle du 20 octobre et d’« accusations de corruption ». La chef de l’Etat par intérim, Jeanine Añez, doit convoquer de nouvelles élections d’ici à soixante jours. Mais la conduite de son gouvernement inquiète, laissant penser que son pouvoir va au-delà de sa mission d’intérim.

Interrogée ce vendredi au sujet des limites des compétences de son gouvernement au cours d’une conférence de presse, la chef d’Etat a dit qu’il s’en tiendrait qu’aux affaires courantes. « Nous ne prenons aucune décision importante. Nous remettons seulement le pays sur pieds, nous le rendons opérationnel de nouveau, pour que tout rentre dans l’ordre. C’est une transition, je ne cesserai de le répéter. »

Pourtant, le ministre de l’économie a assuré vouloir prendre des mesures pour « libérer » l’économie, au plus mal selon lui, avec un déficit commercial et financier inquiétant.

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