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Jours tranquilles à Paris
27 décembre 2019

Décryptages - Le tourisme, nouvel enjeu politique à Paris

Par Sacha Nelken

Avec le nombre de visiteurs qui augmente chaque année, et les nuisances que commencent à ressentir les Parisiens, la question du tourisme pourrait prendre une place importante dans la campagne municipale.

En 2014, il n’était qu’un chapitre parmi tant d’autres dans les programmes des candidats à la Mairie de Paris. Mais, six ans et plusieurs dizaines de millions de voyageurs plus tard, le tourisme pourrait bien devenir un enjeu de premier plan pour le scrutin municipal de mars 2020 au même titre que la sécurité, la propreté et la transition écologique.

La capitale française est l’une des villes les plus visitées du monde. En 2018, pas moins de 38 millions de voyageurs ont investi le Grand Paris. Un chiffre élevé qui devrait s’accroître dans les prochaines années. L’association l’Atelier parisien d’urbanisme (l’Apur) prévoit qu’ils seront 54 millions à l’horizon 2040. « On voit [leur] nombre fortement augmenter pour une même superficie. Il est donc nécessaire de prendre les choses en main et de mener une vraie politique touristique », plaide Georges Panayotis, PDG du cabinet de conseil spécialisé MKG.

D’autant que le tourisme demeure un des principaux moteurs de l’économie francilienne. A l’échelle du Grand Paris, il représente presque 300 000 emplois, soit 9,3 % de la part de postes salariés de la métropole. En 2018, ses retombées économiques ont atteint les 21,5 milliards d’euros sur l’ensemble de l’Ile-de-France, dont une immense partie provient de la seule ville de Paris.

« Le tourisme est devenu un véritable enjeu pour ces municipales car il représente énormément en termes de dépenses et de flux mais surtout parce que les habitants commencent à voir les nuisances qu’il engendre », analyse Patrick Viceriat, président de l’Association francophone des experts en tourisme.

Hausse des prix du logement

De fait, si cette activité peut être source de richesses, et participer à l’attractivité et au rayonnement des villes, il peut aussi causer de nombreux désagréments aux populations locales. Dans plusieurs villes européennes comme Barcelone (Espagne), Dubrovnik (Croatie) mais surtout Venise (Italie), les habitants manifestent, depuis plusieurs années, un vrai rejet du tourisme de masse face à la saturation de certains de leurs quartiers, à la hausse des prix du logement, ou à l’uniformisation des commerces. Des nuisances que commencent à ressentir une partie des Parisiens.

C’est pourquoi chaque candidat commence à décliner sa vision du tourisme en vue de la prochaine mandature. Le candidat investi par La République en marche (LRM), Benjamin Griveaux, veut « qu’il profite plus aux Parisiens », quand le chef de file d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), David Belliard, veut le rendre « plus écologique ».

Le député (LRM) de l’Essonne Cédric Villani, également sur les rangs, veut faire en sorte que « les Parisiens ne se sentent plus envahis », tout comme la candidate du parti Les Républicains (LR) Rachida Dati, qui veut « mettre fin aux nuisances causées par le tourisme de masse ».

Enfin, dans l’équipe de la maire sortante, Anne Hidalgo, on semble aussi avoir pris le problème à bras-le-corps : « Paris en commun », sa plate-forme de soutien, a rédigé une longue note, publiée par le think tank Terra Nova, qui appelle à mettre en place « un tourisme à impact positif ».

Vers la fin des cars de tourisme dans Paris

Si dans les programmes des différents candidats, les propositions peuvent différer, une semble faire l’unanimité : la fin des cars de tourisme dans Paris. Que ce soit Rachida Dati, Benjamin Griveaux ou encore Anne Hidalgo, tous envisagent de ne plus les autoriser à accéder à l’intérieur de la capitale tant ils sont source de congestion et de pollution dans les quartiers plébiscités par les visiteurs.

Seul Cédric Villani penche pour la régulation plutôt que leur suppression : « à l’avenir les flottes de cars devront respecter des normes bien réglementées notamment sur leurs tailles et sur les endroits de la ville qu’ils auront le droit de desservir ou non ». Des cars qui, selon le mathématicien, seront « bien évidemment électriques ou à l’hydrogène ».

Autant de propositions auxquelles s’oppose la Féderation nationale des transports de voyageurs (FNTV), qui dit regretter « que ces positions aboutissent à la stigmatisation d’un mode de transport et à une approche qui privilégie un tourisme individuel et élitiste plutôt qu’un tourisme accessible au plus grand nombre ».

Réponse de Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde et coauteur de la note commandée par « Paris en Commun » : « Ce n’est pas vrai. Cela voudrait dire qu’on ne peut pas faire un tourisme populaire sans que ce soit un tourisme de masse. Quelqu’un qui veut visiter Paris peut le faire autrement qu’en arrivant en bus. »

Airbnb, « ennemi » repéré par tous les candidats

Autres « ennemis » repérés par l’ensemble des candidats : les plates-formes de locations d’appartements entre particuliers type Airbnb, coupables, selon eux, de favoriser la hausse des prix du logement qui, à termes, chassent les habitants de la ville. A tel point que le 2e arrondissement de Paris aurait perdu 15 % de ses habitants ces dernières années, selon son maire, l’écologiste Jacques Boutault.

« Le vrai problème, ce sont les multipropriétaires qui achètent des appartements uniquement pour les louer sur AirBnB », juge le candidat écologiste David Belliard. De son côté, Cédric Villani pointe du doigt les nuisances directes que ressentent les Parisiens au quotidien : « lorsque l’on discute avec eux, c’est toujours la même image qui revient : “on en a marre de ces valises qui défilent à 4 heures du matin dans les escaliers” ». Les deux hommes, qui envisagent de s’allier en vue d’une « coalition climat », proposent donc d’abaisser le nombre de jours de locations autorisées à 45 nuits pour le premier, et 60 pour le second, contre 120 aujourd’hui.

Sur cette thématique, l’équipe d’Anne Hidalgo entend mettre en place des référendums pour que les Parisiens se prononcent sur des propositions de régulation de l’activité des plates-formes de location de meublés. Ils pourraient ainsi voter pour interdire Airbnb dans certains arrondissements du centre de Paris.

Un sujet prioritaire, donc. Mais la capitale française est-elle, comme Venise ou Barcelone, réellement touchée par le surtourisme ? « A Paris, l’activité est concentrée dans des zones comme le Louvre, Montmartre, les Champs-Elysées ou encore la Tour Eiffel. On ne peut donc pas parler de surtourisme à l’échelle de la ville mais de certains quartiers, où les boutiques de souvenirs vers lesquelles affluent les voyageurs peuvent s’en approcher », explique M. Viceriat.

Certains quartiers comme l’est ou le nord de la ville sont totalement ignorés. « Il faut développer [leur] l’attractivité et donner envie aux gens d’aller visiter le patrimoine qui se trouve au-delà du périphérique », suggère un soutien de la maire sortante, qui ajoute : « Si on ne fait rien, le surtourisme pourrait rapidement pointer le bout de son nez. »

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