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Jours tranquilles à Paris
31 décembre 2019

Après plus d’un an de poursuites judiciaires, Carlos Ghosn choisit de fuir le Japon pour se défendre

Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance

Dans un court communiqué diffusé mardi, l’ancien dirigeant de l’alliance Renault-Nissan dénonce « un système judiciaire japonais partial » dans lequel les « droits de l’homme basiques sont déniés ».

Lassé d’être ce qu’il appelle, mardi matin 31 décembre, dans un court communiqué, « l’otage d’un système judiciaire japonais partial » dans lequel les « droits de l’homme basiques sont déniés », Carlos Ghosn a choisi de fuir. D’après le quotidien libanais Al Joumhouria, qui a le premier relayé l’information, l’ancien dirigeant de l’alliance Renault-Nissan a quitté le Japon où il était assigné à résidence et a atterri lundi 30 décembre au matin à Beyrouth à bord d’un avion privé en provenance de Turquie. Il l’a confirmé officiellement mardi : « Je suis maintenant au Liban. »

Il y aurait retrouvé son épouse, Carole, et logerait dans une maison protégée par plusieurs gardes. Il pourrait donner une conférence de presse prochainement dans laquelle il devrait attaquer le Japon et les accusations portées contre lui. « Je n’ai pas fui la justice – je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je peux enfin maintenant communiquer librement avec les médias et je suis impatient de commencer la semaine prochaine », explique-t-il dans le texte diffusé.

Comment est-il parti ? Selon une source citée par la chaîne publique japonaise NHK, il pourrait avoir quitté le pays sous une fausse identité. Une vérification des données des services d’immigration montre qu’il n’y a eu aucune sortie du territoire sous le nom de Carlos Ghosn.

« Je n’en sais rien », disent ses avocats interrogés par la NHK. Même réaction du côté des procureurs chargés de l’enquête le concernant et du ministère de la justice, qui « cherchent à confirmer l’information ».

Nationalités française, brésilienne et libanaise

L’homme d’affaires arrêté en novembre 2018 et mis en examen à quatre reprises pour des malversations financières, était assigné à résidence depuis sa libération sous caution, le 24 avril, après un total de 130 jours de garde à vue. Les conditions de sa résidence lui interdisaient de voyager à l’étranger. Il n’avait pas non plus le droit de voir ou de communiquer avec son épouse. Le parquet avait refusé à plusieurs reprises tout assouplissement.

Carlos Ghosn logeait dans une maison du quartier chic de Hiroo, dans le centre de Tokyo. Il semble que la surveillance n’était pas des plus strictes même si elle était assurée par la police, le bureau des procureurs et, à titre privé, par Nissan. Ses filles lui rendaient régulièrement visite.

Le choix du Liban n’est pas anodin. Fils d’immigrés libanais au Brésil, M. Ghosn en détient la nationalité, tout comme celles du Brésil et de la France. Si, aujourd’hui, ses soutiens à Beyrouth sont nuancés, en raison de la mauvaise image qu’il peut donner du pays, il a longtemps bénéficié d’un appui inconditionnel. Son succès dans le redressement du constructeur japonais Nissan en avait fait un héros. Un timbre à son effigie avait été émis.

Pendant la période de garde à vue de M. Ghosn, l’ambassadeur du Liban au Japon fut un de ses principaux visiteurs, et une partie non négligeable de la classe politique libanaise, à commencer par l’entourage du président, Michel Aoun, a pris sa défense. Sur Facebook, une page de soutien « We are all Carlos Ghosn » avait été créée par des citoyens libanais. Le slogan a même été diffusé sur des panneaux publicitaires à Beyrouth.

« Un complot et une trahison »

Depuis sa libération sous caution, M. Ghosn préparait son procès, qu’il espérait voir débuter en avril 2020. Malgré 109 jours passés en garde à vue, il n’a jamais reconnu le moindre fait lui étant reproché.

Il développait une stratégie de défense axée sur les critiques du système judiciaire japonais, évoquant une cabale contre lui. En janvier, Carlos Ghosn dénonçait « un complot et une trahison ». En octobre, ses avocats avaient demandé l’annulation des poursuites. Ils critiquaient le déroulement de l’affaire créée dans le but d’« évincer » Carlos Ghosn et de l’empêcher de renforcer l’alliance entre Nissan et Renault.

Les conseils de l’homme d’affaires dénonçaient la proximité du constructeur nippon avec le bureau des procureurs spéciaux du parquet de Tokyo, chargé de l’enquête sur M. Ghosn. Ils avaient critiqué des perquisitions et des saisies « illégales » de documents, parlant même du « vol » d’un ordinateur à Beyrouth.

Cet ordinateur contenait des informations ayant permis aux enquêteurs de poursuivre leur enquête au Liban et de déterminer comment M. Ghosn aurait détourné à son profit une partie des 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros) versés sous l’intitulé de « primes de performances » entre 2015 à 2018 à Suhail Bahwan Automobiles (SBA), un concessionnaire omanais de Nissan.

Cette affaire lui a valu une mise en examen pour abus de confiance aggravé. Il l’est par ailleurs pour avoir fait couvrir, par Nissan, des pertes réalisées sur des placements personnels au moment de la crise de 2008. Il est aussi inculpé à deux reprises pour infraction à la législation sur les échanges et les instruments financiers. Il aurait minoré de 9,1 milliards de yens (74 millions d’euros) ses revenus déclarés aux autorités financières.

carlos

⚡SUIVI -Carlos Ghosn et son épouse auraient planifié cette grande évasion depuis plusieurs jours. Le #Japon pourrait être tenté d'émettre rapidement un mandat d'arrêt international... #Ghosn s'ouvre ainsi à 65 ans une vie de fugitif international. (Échos)

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