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Jours tranquilles à Paris
2 janvier 2020

Synthèse - Après la fuite de Carlos Ghosn, critiques et interrogations au Japon

catlos25

Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance

La presse s’en prend à l’ex-dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, dont le domicile tokyoïte fait l’objet d’une perquisition, jeudi.

Si le gouvernement et la justice du Japon continuent de s’interroger sur la fuite de Carlos Ghosn au Liban, dimanche 29 décembre, la presse nippone, elle, s’en prend directement à l’ancien dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mistubishi. Le quotidien conservateur Yomiuri Shimbun a vu dans son départ un « acte plein de lâcheté ». « Son argument selon lequel il veut prouver son innocence est maintenant remis en question », estime de son côté le progressiste Tokyo Shimbun, qui considère que sa fuite est une insulte au système judiciaire nippon.

Le même jour, le tribunal de Tokyo acceptait la saisie de 1,5 milliard de yens (12,3 millions d’euros) déposés par Carlos Ghosn au moment de sa libération sous caution, en avril 2019. Cette libération est de ce fait annulée ; si M. Ghosn revenait au Japon, il serait immédiatement incarcéré. Une perquisition à son domicile de Tokyo était en cours, jeudi.

Maigre consolation pour la justice japonaise qui doit désormais faire face à ses responsabilités. « La libération sous caution était une erreur. Le résultat est terrible », a réagi un procureur auprès du quotidien Asahi Shinbun, tandis qu’un autre déplorait « l’anéantissement de tout le travail effectué ». De fait, les procureurs s’opposaient à la libération sous caution, estimant élevé le risque de fuite du suspect, compte tenu de ses puissantes relations.

Le responsable de sa défense devra s’expliquer

Du côté des avocats de M. Ghosn, la réaction reste la stupéfaction. Ils étaient garants de la libération de leur client et conservaient à ce titre les trois passeports, libanais, brésilien et français, de l’homme d’affaires. Le responsable de sa défense, Junichiro Hironaka, s’est défendu de toute implication. Il devra sans doute s’expliquer. M. Ghosn tiendra une conférence de presse le 8 janvier à Beyrouth, a annoncé mercredi en fin de journée l’un de ses avocats.

Se pose également pour Tokyo la question de « récupérer » Carlos Ghosn. L’Archipel peut demander au Liban son extradition, mais les négociations s’annoncent délicates. « Les chances d’obtenir une extradition sont quasi nulles », reconnaît-on au sein du gouvernement.

Il n’y a pas d’accord bilatéral dans ce sens. Le Japon plaide depuis longtemps pour l’extradition par Beyrouth de Kozo Okamoto, un des auteurs nippons de l’attaque terroriste de 1972 contre l’aéroport international israélien Ben Gourion, qui avait fait vingt-six morts. Beyrouth a toujours refusé de le livrer. M. Okamoto a même obtenu l’asile politique au Liban en 2000.

Le Japon n’a signé des traités d’extradition qu’avec les Etats-Unis et la Corée du Sud. « Tokyo pourrait éventuellement passer par la France, qui a un tel accord avec le Liban », explique un connaisseur du dossier.

Aucune sortie du territoire au nom de Ghosn

Au-delà des questions de procédures, les autorités japonaises n’ont toujours pas annoncé si elles avaient déterminé la voie suivie par Carlos Ghosn pour sortir du Japon, à bord d’un jet privé. Normalement, les passagers de ces avions doivent suivre les mêmes procédures que ceux des vols commerciaux. Les données du ministère de la justice ne mentionnent aucune sortie du territoire à son nom.

Un média libanais a expliqué qu’il avait quitté son domicile dans une caisse amenée par un orchestre invité à se produire chez M. Ghosn. Selon nos informations, il est possible que l’orchestre ait été accompagné d’anciens militaires. Toujours d’après ce média, c’est dans cette caisse que M. Ghosn aurait été transporté à un aéroport où l’attendait un avion privé. Une source dans l’entourage de M. Ghosn a toutefois démenti qu’il se serait enfui selon ce procédé. L’avion privé a ensuite rejoint le Liban en passant par la Turquie.

L’ancien bras droit de M. Ghosn chez Nissan, Greg Kelly, arrêté le même jour que son patron en 2018 – lui aussi libéré sous caution (en décembre 2018) et dans l’attente de son procès – a fait part de sa surprise quand il a appris la fuite de Carlos Ghosn. « Il a fait quelque chose de fou », a également réagi un de ses avocats.

Plus généralement, au Japon, l’inquiétude porte sur les libérations sous caution. En 2018, 69,2 % des demandent avaient été acceptées, contre 47,7 % en 2000. Avec la fuite de Carlos Ghosn, la tendance pourrait s’inverser.

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