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Jours tranquilles à Paris
9 janvier 2020

A Beyrouth, Carlos Ghosn dénonce une « collusion » entre Nissan et le procureur japonais

carlos69

L’ancien patron de Renault-Nissan-Mitsubishi, sous le coup d’un mandat d’arrêt japonais, s’est défendu mercredi devant la presse au Liban. Le parquet de Tokyo a immédiatement dénoncé des allégations « inacceptables ».

L’ancien PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn a dénoncé, mercredi 8 janvier, un « coup monté » contre lui et s’est dit décidé à « laver son honneur », lors de sa première apparition publique à Beyrouth depuis sa fuite rocambolesque du Japon, où il est accusé de malversations financières.

Devant un parterre de quelque 150 journalistes, le capitaine d’industrie déchu, théâtral, levant un doigt accusateur, l’a assuré : « présumé coupable » par le système judiciaire japonais dès son arrestation en 2018, il n’avait « d’autre choix » que de fuir face à des accusations « sans fondements ». « J’étais otage » au Japon, a-t-il ajouté, arguant de son « innocence », alors que défilaient derrière lui des documents pour soutenir ses propos. Après une allocution d’environ une heure, il a poursuivi par une séance de questions-réponses en plusieurs langues pendant une autre heure, voire davantage.

« J’ai échappé à l’injustice et à la persécution »

Interpellé en novembre 2018 à la descente de son jet au Japon, l’homme d’affaires, de nationalité française, libanaise et brésilienne, avait été libéré sous caution en avril 2019, au terme de 130 jours d’incarcération. Assigné à domicile, il avait interdiction de quitter le pays dans l’attente de son procès mais aussi de contacter son épouse, visée par un mandat d’arrêt japonais pour « faux témoignage ». « Je n’ai pas fui la justice, j’ai échappé à l’injustice et à la persécution », a-t-il martelé en anglais, après un préambule décliné en arabe et en français.

Assurant être « prêt à rester longtemps » au Liban, il a confié avoir été totalement pris par surprise au moment de son arrestation. « Avez-vous vu venir Pearl Harbor ? », a-t-il dit en guise de comparaison, une référence grinçante à l’attaque surprise de la base navale américaine par les forces japonaises en 1941.

« Ce sont des responsables de Nissan, du ministère public japonais qui sont à l’origine de mon calvaire », a-t-il déclaré, ajoutant que « la collusion entre Nissan et les procureurs est à tous les niveaux. (…) Quand j’ai demandé à mes avocats, (…) ils ont dit qu’ils craignaient que cinq ans ne s’écoulent peut-être au Japon avant que je n’obtienne un verdict », a-t-il ajouté.

Selon lui « cette affaire coïncide avec le début du déclin des performances de Nissan début 2017 ». « Mon calvaire s’explique aussi par l’amertume au Japon face à l’interférence de l’Etat français dans l’alliance », a-t-il insisté. Il a porté une série d’accusations :

« Qui faisait partie de ce complot ? A l’évidence, [Hiroto] Saikawa [le directeur général de Nissan, poussé à la démission après avoir reconnu avoir perçu une prime indue] en faisait partie, Hari Nada [ancien bras droit de Carlos Ghosn] en faisait partie et [Toshiaki] Onuma [le responsable du secrétariat chez Nissan]. Mais il y a bien d’autres personnes. [Masakazu] Toyoda, membre du conseil d’administration, faisait le lien entre le conseil de Nissan et les autorités. »

Des allégations « inacceptables »

L’ancien PDG de Renault-Nissan, 65 ans, n’a pas épargné la fierté japonaise. Il a argué que son arrestation était un « coup monté », blanchissant cependant le premier ministre japonais, Shinzo Abe, qui n’était « pas impliqué », d’après lui.

Le parquet de Tokyo a immédiatement réagi, dans la nuit de mercredi à jeudi, aux violentes critiques émises par Carlos Ghosn contre la justice japonaise. « Les allégations du prévenu Ghosn font abstraction de sa propre conduite et ses critiques unilatérales du système de justice pénale du Japon sont totalement inacceptables », ont écrit les procureurs dans un communiqué mis en ligne, une démarche rare de la part du parquet de Tokyo.

La ministre de la justice japonaise, Masako Mori, a également condamné l’intervention de l’ex-PDG de Renault-Nissan qui, selon elle, « s’est enfui à l’étranger pour échapper au procès pénal ». M. Ghosn « a tenu des propos qui sont de nature à propager intentionnellement de fausses informations sur le système juridique japonais et son administration pour se justifier de ces actes. C’est donc absolument inadmissible », a déclaré Mme Mori lors d’une conférence de presse, traduite dans un communiqué par l’ambassade du Japon en France.

La ministre souhaite une comparution au Japon de l’ancien dirigeant exilé au Liban. « J’espère fortement que l’accusé Ghosn fera valoir ses points de vue dans le cadre de la procédure pénale équitable au Japon s’il a quelque chose à dire et qu’il demandera que justice soit rendue par la cour équitable du Japon », a-t-elle précisé.

« Mascarade »

Le magnat déchu de l’automobile a promis de fournir des « documents » prouvant son innocence. Depuis le début, M. Ghosn, ses proches et sa défense soutiennent qu’il a été victime d’un « complot » ourdi par Nissan, avec la complicité des autorités japonaises, pour l’écarter de son poste. Mais, selon lui, l’alliance Renault-Nissan, qu’il a désormais qualifié de « mascarade », a pâti de son arrestation :

« La valorisation de Nissan depuis mon arrestation a baissé de plus de 10 milliards de dollars. Ils ont perdu plus de 40 millions de dollars par jour pendant cette période (…), la valorisation de Renault a baissé, depuis mon arrestation, de plus de 5 milliards d’euros, ce qui signifie 20 millions d’euros par jour. »

S’il a prévenu qu’il n’était pas « là pour raconter comment [il] a fui le Japon », le récit de cette fuite rocambolesque a tenu en haleine les médias et a suscité l’ouverture d’enquêtes au Japon et en Turquie, où M. Ghosn a fait escale.

Carlos Ghosn, aidé de deux « barbouzes » américaines, s’est échappé du Japon à la fin de décembre par un jet privé, caché dans une malle de matériel musical, selon certains médias. Arrivé à Istanbul, il a changé de jet pour arriver à l’aube du 30 décembre au Liban, où il est entré muni d’un passeport français. « C’est moi seul qui ai organisé mon départ », avait-il martelé avant la conférence. Carole Ghosn a, elle, assuré qu’elle n’était « au courant de rien » concernant la fuite de son mari.

Ghosn convoqué jeudi par le parquet libanais

L’ancien PDG fait l’objet de quatre inculpations au total au Japon : deux pour « abus de confiance aggravé » et deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (aussi poursuivi sur ce volet), notamment des montants qu’il devait toucher après sa retraite estimés par la justice à 9,23 milliards de yens (74 millions d’euros) de 2010 à 2018.

Le Liban, qui n’a pas d’accord d’extradition avec le Japon, a reçu une demande d’arrestation d’Interpol. Beyrouth affirme qu’il est entré « légalement » dans le pays muni d’un passeport français. Mais le parquet libanais a convoqué l’homme d’affaires jeudi, après une demande d’arrestation d’Interpol et une requête déposée par des avocats concernant une visite en Israël de l’ancien PDG de Renault-Nissan, a rapporté mercredi l’agence de presse officielle libanaise.

Carlos Ghosn a, par ailleurs, affirmé mercredi vouloir se défendre auprès des groupes Renault et Nissan dont il est l’ex-PDG, assurant ne pas avoir démissionné de ses fonctions à la tête du constructeur français. « J’ai demandé à partir à la retraite et je défendrai mes droits en tant que personne qui a travaillé autant d’années, qui a rendu autant de services et qui a droit à une retraite », a-t-il martelé. « Je n’ai absolument pas l’intention d’abandonner mes droits (…). J’ai des droits vis-à-vis de Nissan, vis-à-vis de Renault, qui n’ont pas été respectés, et je compte bien les réclamer en justice », a insisté le magnat déchu de l’automobile.

Il a vigoureusement démenti avoir démissionné de son poste à la tête de Renault, assurant s’être simplement « retiré » après son arrestation au Japon et avoir désormais « demandé à partir à la retraite ». « On a dit qu’en janvier [2019], j’avais démissionné de Renault, ce qui est faux (…). C’est une forfaiture de dire que j’ai démissionné », a-t-il affirmé avec émotion, debout derrière un pupitre. « Je me suis retiré pour permettre à Renault de fonctionner normalement alors que j’étais en prison. Dire que ça, c’est une démission, c’est un travestissement de la réalité », a-t-il déclaré.

Sa fuite, qui fait déjà saliver les studios hollywoodiens, agace au Japon, où il avait été libéré sous caution. Les autorités ont dénoncé dimanche une évasion « injustifiable », tandis que le groupe automobile Nissan l’a qualifiée d’« extrêmement regrettable »

« Je n’ai pas fui la justice, je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias », avait-il assuré dans un communiqué au lendemain de son arrivée au Liban.

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