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Jours tranquilles à Paris
27 janvier 2020

Nécrologie - Avec la mort de Kobe Bryant, le basket perd l’un des plus grands

basket

Par Clément Martel

Quintuple champion NBA, l’ancien arrière des Los Angeles Lakers est mort dimanche à 41 ans, dans un accident d’hélicoptère.

Le Black Mamba n’est plus, et la sidération est immense. « Mon esprit s’emballe et je suis incrédule », résume l’ancienne gloire des Lakers Magic Johnson sur Twitter. Et pourtant, dimanche 26 janvier, l’ancien champion américain de basket, Kobe Bryant, est mort. Il avait 41 ans. Son hélicoptère, le « Mamba chopper » qu’il avait tant de fois emprunté pour faire la navette entre chez lui et l’antre des Los Angeles Lakers, sa franchise de toujours, s’est écrasé, dans les collines de Calabasas, au nord de la métropole californienne. Aucun des neuf passagers, dont le joueur et sa fille Gianna, n’a réchappé de l’accident. Et l’un des plus grands basketteurs de l’histoire, aussi compétiteur qu’individualiste et à la carrière en clair-obscur, s’en est allé.

« Cher basket-ball. » En novembre 2015, c’est dans une missive, ode à son sport, publiée sur The Player’s Tribune, que Kobe Bryant annonce sa retraite des parquets à venir. Embarqué dans une tournée d’adieux, il y relate son coup de foudre pour la balle orange, depuis l’âge de 6 ans. Car Kobe Bryant a toujours aimé raconter des histoires, à commencer par la sienne.

Fils d’un basketteur à l’éphémère carrière NBA, Kobe Bean Bryant grandit là où les contrats de son père l’amènent. En Italie, d’abord, où le gamin se dote de solides fondamentaux, un court passage par Mulhouse, avant de s’enrôler dans un lycée de Philadelphie. Meilleur lycéen du pays, il saute la case université pour s’inscrire, à 17 ans, à la Draft NBA, cette loterie permettant aux plus mauvaises équipes de récupérer les meilleurs jeunes. Sélectionné en treizième position par les Charlotte Hornets, il est immédiatement transféré aux Los Angeles Lakers, l’une des plus grandes équipes de la Ligue. Selon son biographe Roland Lazenby, ce changement d’adresse – et de marché – a été manœuvré en sous-main par Adidas, son sponsor, en quête du « nouveau Michael Jordan ».

Kobe copie conforme de Jordan

Se voulant copie conforme de Jordan – au point d’en apprendre les gestes en match –, Kobe est le joueur à avoir volé le plus près de « His Airness ». Elégant sur le parquet, infatigable compétiteur, ses arabesques aériennes lui valent de décrocher le Slam Dunk Contest dès sa première année dans la Ligue. « Ça ne me dérange pas qu’on me compare à Jordan. J’ai l’intention d’être aussi bon que lui », assure-t-il. Mais l’apprentissage du jeu NBA prend du temps pour l’impétueux jeune homme, dont la confiance en soi déborde.

Formant un duo de choc avec le surpuissant pivot Shaquille O’Neal, Kobe peine à trouver sa place dans le collectif des Lakers. Capable de flambées subites, il peut aussi agacer son entraîneur en ne respectant pas les consignes pour prendre un tir risqué. Mais sous les ordres de Phil Jackson, ancien coach de Jordan, les « Angelenos » remportent trois titres d’affilée, entre 2000 et 2002. Triple champion NBA à 24 ans, Bryant regrette de devoir partager la lumière avec le grand « Shaq ». Car le soliste veut gagner, mais aussi prouver qu’il peut porter une équipe.

Son surnom, le Black Mamba, lui vient du serpent du même nom, silencieux tueur au sang froid. En 2010, au faîte de sa carrière, Bryant voit le joueur d’Orlando Matt Barnes lui chercher des noises. Face au regard provocateur du Laker, qui mâche inlassablement son chewing-gum – autre mimique empruntée à Jordan –, Barnes tente de l’effrayer, en dirigeant la balle vers son visage. Pas même un clignement des yeux ne vient perturber Kobe. « Ça m’a fait un peu peur, ce n’était pas humain, commentera plus tard le joueur du Magic. J’étais proche de lui, il n’a pas bronché. »

Accusé de viol en 2003

Comme souvent chez Bryant, son surnom fait partie du récit qu’il écrit lui-même. « La taille, la morsure, les coups, le tempérament… c’était exactement moi », relatera-t-il après avoir découvert la bête dans le film Kill Bill, de Quentin Tarantino, en 2003. Une année où l’homme aussi est contraint de faire sa mue. Accusé de viol par l’employée d’un hôtel du Colorado où il effectuait sa rééducation après une blessure, Kobe Bryant voit ses sponsors le lâcher, et son image s’assombrir. S’il évite un procès après que la victime refuse de témoigner – les deux parties règlent ça au civil et en secret – et concède, dans des excuses publiques « avoir désormais compris que la jeune femme n’a pas perçu notre relation de la même façon que moi », le joueur n’incarne plus ce jeune athlète sain débarqué du lycée bien décidé à croquer la NBA. Assumant sa part d’ombre, Kobe Bryant invente le Black Mamba et endosse le rôle du méchant.

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Pour certains, Bryant a voulu faire grimper son personnage si haut que les gens oublieraient l’affaire du viol. Comme en croisade et désormais maître incontesté du navire Lakers après le départ de Shaquille O’Neal pour Miami, l’acharné compétiteur grogne, insulte ses coachs, affuble ses partenaires de sobriquets désobligeants, voire refuse de leur passer la balle. Et tire, tire, et tire encore. Dans le top 10 des rencontres ayant vu un seul joueur prendre le plus grand nombre de tirs, le nom de Kobe s’affiche à six reprises. Paroxysme de cette période égocentrée, un soir de janvier 2006 à Toronto : avec 81 points au compteur, Bryant devient le deuxième homme le plus prolifique sur un match (derrière les 100 points de l’inégalable Wilt Chamberlain en 1962). Protagoniste de son histoire, il préfère les entraînements solitaires aux propositions de dîners. « Un sacré connard », synthétisera le Canadien Steve Nash, son coéquipier pendant trois saisons. « Je préfère être perçu comme un winner plutôt qu’un bon coéquipier, rétorque-t-il. Je pensais que les deux iraient ensemble mais ce n’est pas la réalité. »

Un sacré joueur, surtout. Qui redore son blason et celui des Etats-Unis lors de Jeux olympiques de Pékin, en 2008, en ramenant la médaille d’or au pays à la source du basket après une longue disette. Auteur d’une saison 2007-2008 de haut vol et élu meilleur joueur de la saison, Kobe Bryant n’empêche pas la défaite des siens en finale face aux Boston Celtics, l’ennemi atavique des Lakers. Les deux années suivantes verront la consécration du « Black Mamba », avec deux titres NBA, et une savoureuse revanche face à la franchise du Massachusetts. « J’ai un titre de plus que Shaq, c’est gravé dans le marbre », expose immédiatement Bryant après ce qui sera son dernier sacre.

« Je buvais ses paroles. Kobe m’a appris que si vous voulez être grand dans quelque chose, vous devez travailler, il n’y a pas de substitut au travail », a rendu hommage LeBron James samedi, la veille de l’accident, après avoir dépassé Bryant en nombre de points inscrits en NBA. Travailleur infatigable, capable de réitérer le même geste à l’entraînement des milliers de fois pour le maîtriser à la perfection, Kobe Bryant est dur au mal. En 2013, à terre après s’être rompu le tendon d’Achille, le joueur se relève, inscrit ses deux lancers francs, avant de sortir du terrain. Une année blanche, ou presque, suit, après cette grave blessure. Avant un ultime tour de piste, en 2015-2016, où chaque soirée se transforme en tournée d’adieux. Cinq fois champion NBA, double champion olympique, dix-huit fois All-Star et ayant multiplié les records, Kobe Bryant conclut ses vingt ans de carrière par une ultime soirée encapsulant son jeu : 60 points, 50 tirs, et le shoot de la gagne, avant de tirer sa révérence.

Un Oscar pour un court-métrage d’animation

Retraité, l’ancien soliste s’est mué en homme-orchestre. Oscarisé en 2018 pour l’adaptation de Dear Basketball – dans la catégorie meilleur court-métrage d’animation –, Bryant multipliait les projets. Jeudi, dans un entretien avec USA Today, Kobe Bryant racontait sa nouvelle vie. Celle d’un producteur, coach de l’équipe de sa fille, et éditeur de livres pour enfants. « J’aime raconter des histoires, et inspirer les enfants ou leur apporter des outils susceptibles de les aider, expliquait-il. Vous devez faire ce que vous aimez. »

« Un amour si profond que je t’ai tout donné, corps et âme », écrit le joueur en 2015 dans Dear Basketball. Il ne pensait pas si bien dire. C’est en allant assister à un match de sa prometteuse fille de 13 ans, Gianna, également tuée dans l’accident, que l’ancien joueur a trouvé la mort, dimanche. Et toute la NBA lui a rendu hommage à l’annonce de sa disparition.

Deux jours plus tôt, LeBron James a dépassé son prédécesseur sous le maillot pourpre et or, l’éjectant du podium des meilleurs scoreurs de l’histoire de la NBA. « Continue à faire avancer le jeu », a salué Kobe, soulignant son « respect » pour son cadet. Son dernier tweet, ultime bribe d’une passion dévorante pour la balle orange. Depuis dimanche, bien des fans de basket sur la planète ont envie de prendre à leur tour la plume. Mais au lieu de « Mon cher basket-ball », c’est à leur « cher Kobe » qu’ils veulent écrire.

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