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Jours tranquilles à Paris
5 février 2020

Devant le Congrès, Trump prononce un discours sur l’état de l’Union aux airs de meeting électoral

trump ryey union

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

A la veille de son acquittement dans la procédure de destitution, le président américain a opté pour un ton offensif, une mise en scène appuyée et des clins d’œil répétés à l’électorat évangélique.

Il y eut bien sûr les traditionnels hommages consensuels à des héros de guerre ou du quotidien. L’un des premiers pilotes de guerre afro-américain, centenaire. Un soldat mort au combat, ou cette mère de famille serrant dans ses bras sa petite fille, grande prématurée.

De même, tous les élus, démocrates comme républicains, se sont levés pour applaudir l’évocation de la loi votée en 2018 contre l’incarcération de masse, la lutte contre l’épidémie des addictions aux opiacés, le congé parental pour les fonctionnaires fédéraux, comme encore pour saluer un invité de Donald Trump : Juan Guaido, président autoproclamé du Venezuela, en tournée aux Etats-Unis.

Le goût de la mise en scène appuyée du président a atteint des sommets inspirés par la téléréalité avec l’attribution d’une bourse à une écolière méritante présente dans les tribunes, ou encore avec la réunification en direct d’une famille privée depuis des mois de la présence d’un père déployé en Aghanistan.

Mais le ton comme le contenu du discours sur l’état de l’Union, prononcé mardi 4 février, a rappelé surtout que cette année électorale serait aussi l’occasion d’une bataille sans merci.

« Quatre ans de plus ! »

Lors de ses deux premières interventions, en 2018 et en 2019, Donald Trump s’était glissé dans les habits d’un président conventionnel. Il s’en est débarrassé cette fois-ci, endossant à la place ceux du tribun adulé dans les meetings, adoptant les termes qu’applaudit sa base et qui hérissent son opposition.

En invitant les élus de la Chambre des représentants et du Sénat au silence, Nancy Pelosi, la speaker (présidente) démocrate de la chambre basse, s’est affranchie du protocole en s’abstenant de prononcer la formule traditionnelle : « J’ai le grand privilège et le distinct honneur de vous présenter le président des Etats-Unis », se contenant d’annoncer « le président des Etats-Unis ».

Celle qui avait lancé, en septembre 2019, la procédure de mise en accusation du président, qui devait trouver son épilogue le lendemain avec son acquittement par les républicains du Sénat, a tendu la main lorsque Donald Trump lui a remis un exemplaire de son discours. Mais le président des Etats-Unis, pressé de se tourner vers son pupitre, ne l’a pas saisie.

trump paper

Et lorsque Donald Trump est parvenu au terme de son allocution, la speaker a rassemblé les feuilles qu’il lui avait remises pour les déchirer ostensiblement en signe de désaccord. Interrogée plus tard, elle a estimé que « c’était la chose la plus courtoise à faire, par rapport aux alternatives ».

Tout au long de son intervention, Donald Trump s’est principalement adressé aux élus républicains qui ont scandé comme dans ses meetings : « Quatre ans de plus ! » Ses regards pour les démocrates ont été rares et empreints de défi.

Fracture politique

Les succès de son administration, parfois embellis, de la renégociation du traité de libre-échange avec le Canada et le Mexique aux bons chiffres de l’emploi en passant par l’assassinat du fondateur de l’organisation Etat islamique, Abou Bakr Al-Bagdadi, auraient pu être donnés en partage, l’espace d’une trêve nationale, mais ils ont été replacés dans ce contexte. « Contrairement à tant d’autres avant moi, je tiens mes promesses », a ainsi cinglé Donald Trump.

Une bonne partie des invités d’honneur mentionnés dans son discours, présents en tribune, étaient des représentants de minorités, à l’heure où le Parti républicain est plus homogène, moins féminisé et plus blanc que par le passé proche.

Le locataire de la Maison Blanche s’est abstenu d’évoquer sa mise en accusation par la Chambre, mais les signaux rappelant sans cesse la fracture politique américaine, symbolisée par le couple glacial composé par la speaker et le président, n’ont pas manqué, culminant avec l’annonce de la remise de la plus haute décoration pour un civil, la Freedom Medal, au polémiste ultraconservateur Rush Limbaugh, pourfendeur depuis plus d’un quart de siècle des démocrates et de leurs idéaux. Atteint d’un cancer aux poumons, l’animateur radio installé en tribune au côté de la First lady, Melania, a joué la surprise, avant que l’épouse du président ne lui accroche la breloque sur le champ, dans une nouvelle illustration de l’obsession de la mise en scène du président.

Après avoir longuement célébré les succès de l’économie américaine, y compris en multipliant les comparaisons hardies avec l’administration précédente qui avait hérité, contrairement à la sienne, d’une profonde récession déclenchée par la crise des subprimes, Donald Trump a rappelé toutes les causes sensibles pour son électorat : la dénonciation de son opposition a visé une tolérance supposée contre les sans-papiers coupables de crimes, de même que ses projets jugés funestes pour la santé.

« Le meilleur est à venir »

« Cent trente-deux élus dans cette assemblée ont approuvé une législation visant à imposer une prise de contrôle socialiste de notre système de santé, anéantissant les régimes privés d’assurance-maladie de 180 millions d’Américains », a grondé Donald Trump dans une allusion aux projets de réforme défendus par l’aile gauche démocrate. « A ceux qui regardent à la maison ce soir, je veux que vous sachiez : nous ne laisserons jamais le socialisme détruire les soins de santé américains ! », a-t-il ajouté.

L’évocation de l’environnement s’est limitée à une phrase et à l’engagement de Washington de participer à un programme mondial de plantation d’arbres.

Donald Trump s’est de même une nouvelle fois adressé à l’électorat de la droite évangélique, dépeignant un assaut en cours contre la religion contre lequel il se dresserait. « Mon administration défend également la liberté religieuse, ce qui inclut le droit constitutionnel de prier dans les écoles publiques. En Amérique, nous ne punissons pas la prière. Nous ne détruisons pas les croix. Nous n’interdisons pas les symboles de la foi. Nous ne muselons pas les prédicateurs et les pasteurs », a-t-il énuméré, comme si c’était le cas, avant de se présenter comme le garant du deuxième amendement de la Constitution relatif aux armes à feu.

Le président, dans un écho voulu au rendez-vous électoral de novembre, a annoncé que « le meilleur est à venir », une formule qui figurait déjà dans sa publicité de campagne diffusée lors de la finale du championnat de football américain (NFL), le Super Bowl, dimanche. Les démocrates espèrent sans doute le prendre au mot, en lui conférant une tout autre signification.

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