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Jours tranquilles à Paris
23 février 2020

Forte inquiétude en Italie face à l’épidémie de coronavirus

Par Jérôme Gautheret, Rome, correspondant

Les autorités ont annoncé, vendredi, le premier décès sur le sol italien depuis le début de la crise, et ont mis en place des mesures fortes destinées à contenir la contagion. La victime ne s’était pas rendue en Chine et n’a jamais été en contact avec un malade connu.

L’inquiétude concernant les progrès de l’épidémie de coronavirus a connu en Italie, dans les dernières heures, une nette augmentation, avec l’annonce de dix-sept nouveaux cas, quinze en Lombardie et deux en Vénétie. Vendredi soir 21 février, peu avant 23 heures, les autorités ont annoncé le premier décès sur le sol italien depuis le début de la crise. Et son profil comme son parcours n’ont rien de rassurant : en effet, il n’a jamais mis les pieds en Chine, et n’a jamais été en contact avec un malade connu.

La victime s’appelle Adriano Trevisan. Cet homme de 78 ans, maçon à la retraite, était hospitalisé depuis dix jours à Schiavonia, dans la province de Padoue (Vénétie). Il a commencé à développer la maladie alors qu’il était convalescent d’autres pathologies. Extrêmement faible, il n’avait jamais été jugé transportable dans l’hôpital du chef-lieu.

Selon les informations transmises par le gouverneur de la région Vénétie, Luca Zaia, il n’avait eu aucun contact suspect durant les derniers jours, pas plus que le second malade identifié, un homme de 67 ans originaire du même petit bourg de Vo Euganeo. Des données de nature à jeter le trouble, faisant craindre un avancement réel de l’épidémie beaucoup plus important que ne le pensaient les autorités sanitaires.

Des tests doivent être pratiqués dans les prochaines heures sur pas moins de 4 200 personnes, des habitants des environs et des membres du personnel médical.

Mise en place de mesures radicales

« Je suis inquiet, j’ai parlé avec le maire de Vo Euganeo pour que toutes les mesures soient adoptées. Nous avons décidé de la fermeture des écoles et des commerces, tout en cherchant à reconstituer toutes les activités sociales et les contacts qu’ont eus ces personnes, afin de comprendre quel est le niveau du cordon sanitaire à mettre en place », déclare Luca Zaia.

La tâche s’annonce complexe dans la zone, alors même qu’on ne dispose d’aucune information quant au moyen par lequel les deux patients ont pu contracter la maladie. « Ils ne ressemblent pas aux habituels cas suspects », a ainsi concédé le gouverneur, convenant que ce dernier point était tout sauf rassurant.

Si la situation en Vénétie est jugée préoccupante, c’est en Lombardie que l’épidémie a provoqué dans les dernières heures, la mise en place des mesures les plus radicales. Plus précisément dans la province de Lodi, vers laquelle tous les regards convergent désormais.

Là ont été identifiés quinze nouveaux cas. Dix communes de la zone, parmi lesquelles les plus importantes sont Codogno, Castiglione d’Adda et Casalpusterlengo, ont été mises en « isolement ». Dans cette zone, rassemblant environ 50 000 résidents, les écoles, les administrations et les bars ont été fermés, tandis que les habitants étaient appelés à rester chez eux. Des images de Codogno, survolée par un drone en fin de journée, montraient une petite commune aux rues soudain désertées, et aux airs de ville fantôme.

A la recherche du « patient zéro »

C’est dans l’hôpital de la ville que la situation paraît la plus dramatique. Là est hospitalisé un patient de 38 ans qui semble à l’origine de la contagion. Hospitalisé dans un état jugé très grave, il aurait contaminé sa femme, enceinte de huit mois, ainsi qu’au moins trois clients d’un bar où il avait ses habitudes. Cinq membres du personnel soignant ont aussi été contaminés. Dans l’après-midi de vendredi, l’hôpital a été fermé au public.

Travaillant pour une multinationale (le groupe Unilever), cet homme n’a pas voyagé en Asie ces derniers temps, mais les experts évoquent la possibilité d’une contamination survenue le 1er février, lors d’une rencontre avec un collègue qui, lui, revenait de Chine. Ce dernier – que les spécialistes soupçonnent d’être le véritable « patient zéro » local, même s’il n’a jamais développé les symptômes – vit dans la province voisine de Piacenza, en Emilie-Romagne, où la fermeture des écoles a été décrétée, ainsi que l’annulation des manifestations sportives des prochains jours.

Dans une conférence de presse tenue avec le ministre de la santé Roberto Speranza, lequel a détaillé les dispositions spéciales prises pour la zone de contagion, le gouverneur de la région Lombardie, Attilio Fontant, a assuré que ses concitoyens ne devaient pas prendre peur et que « ces mesures sont l’unique moyen possible pour bloquer l’épidémie ».

Cela n’a pas empêché les alertes de se multiplier, au-delà des frontières de la province de Lodi. Ainsi, dans la soirée de vendredi, deux trains à grande vitesse ont été immobilisés pendant plusieurs heures en raison de suspicions sur deux voyageurs. A Lecce (Pouilles), un train est resté à quai, portes closes, parce qu’une passagère avait dénoncé, dans son wagon, la présence d’un jeune homme revenant de Chine ; celui-ci n’a présenté aucun symptôme. Une mésaventure similaire s’est produite sur un train en direction de Turin, dans lequel voyageait un homme ayant confié qu’il avait côtoyé le patient infecté de Codogno lors d’une partie de football ; il a subi des tests en gare de Bologne et de Milan, tous négatifs.

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L’OMS appelle la communauté internationale à « agir rapidement ». A Genève, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a tiré la sonnette d’alarme : « Nous sommes encore dans une phase où il est possible de contenir l’épidémie. » Mais la « fenêtre de tir se rétrécit », a-t-il averti, déplorant le manque de soutien financier international. L’OMS est préoccupée par l’apparition de cas en dehors de Chine « sans lien épidémiologique clair, tels que les antécédents de voyage ou les contacts avec un cas confirmé ». « La situation évolue », a souligné le docteur Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l’OMS : « le nombre de cas augmente mais nous voyons aussi différents modèles de transmission dans différents endroits. » L’OMS refuse pour l’instant de parler de pandémie, mais considère qu’il y a « des épidémies différentes, montrant des phases différentes », a-t-elle expliqué. Signe de son inquiétude, l’OMS a annoncé la nomination de six envoyés spéciaux, parmi lesquels David Nabarro, ancien coordinateur de l’ONU pour Ebola lors de l’épidémie qui toucha l’Afrique de l’Ouest entre fin 2013 et 2016. Soulignant les mesures « sérieuses » prises par Pékin pour contenir l’épidémie, le patron de l’OMS a appelé les « autres pays », sans les citer, à être aussi « très, très sérieux ». Les cas se multiplient notamment au Moyen-Orient. Après quatre décès et dix-huit contaminations en Iran depuis mercredi, le Liban a annoncé vendredi son premier cas de pneumonie virale Covid-19, et Israël a indiqué qu’un de ses ressortissants placé en quarantaine sur le paquebot Diamond Princess avait été testé positif. En Iran, la plupart des dernières contaminations ont eu lieu à Qom, une ville sainte située à 150 km au sud de Téhéran, qui revêt une importance particulière pour les chiites.

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